Inauguration d’un Mégaport chinois le 15 et 16 novembre au Pérou sous tension

Ce port gigantesque dans une petite ville à 75km au nord de la capitale est en construction depuis 2019 et pourra, une fois terminé, compter parmi les plus grands ports d’Amérique Latine. Grâce à ses 18 mètres de profondeur, il pourra accueillir des cargos de 18 000 conteneurs et des navires de 400 mètres de long sur 60 mètres de large sur un espace de 141 hectares.

Le mégaport est par ailleurs détenu à hauteur de 60 % par l’entreprise chinoise Cosco Shipping Ports et à 40% par l’entreprise péruvienne Volcan Compania Minera. Son coût total s’élève ainsi à 3,5 milliards de dollars ( soit 1,3% du PIB du Pérou ) et pourrait générer 4,5 milliards de dollars par an ( 1,8 du PIB ) grâce aux 7 500 emplois qui participeront au transit des 130 millions de conteneurs par l’autoroute panaméricaine. 

Notre objectif est de devenir le « Singapour » de l’Amérique latine, de sorte que les marchandises portuaires transitent par le Pérou lorsqu’elles sont destinées à l’Asie. Lorsque quelqu’un du Brésil, du Venezuela, de la Bolivie, du Paraguay ou de l’Argentine voudra s’y rendre, il pensera au Pérou comme à un point de sortie. C’est ce que nous visons, a déclaré Raul Perez-Reyes, ministre des Transports du Pérou.

Ce projet herculéen qui s’inscrit dans le projet de la Nouvelle Route de la Soie répond aux solides liens commerciaux entre les deux pays. En effet, le Pérou se classe en deuxième position mondiale dans l’exportation de cuivre dont la Chine est responsable à 67%. De plus, la mise en fonction de ce port permettrait d’acheminer les marchandises chinoises vers l’Amérique Latine en moins de 20 jours, directement vers le Pérou. Aujourd’hui, les produits d’exportation doivent d’abord transiter par les Etats-Unis et le Mexique pendant environ 35 jours avant d’arriver en Chine. 

Ce chantier d’ordre économique est dès lors le nouveau maillon d’une stratégie politique d’expansion au détriment de l’Europe et des Etats-Unis. En effet, l’isolationnisme croissant de ce dernier avec le retour de l’administration Trump et les tièdes initiatives de l’Europe ont laissés le champ libre à Xi Jinping qui pourrait à terme se servir de ce port pour y faire transiter son armée navale comme c’est déjà le cas dans de nombreux autres pays qui profitent d’un accord infrastructurel avec la Chine. 

Cependant, ce projet titanesque provoque la colère des citoyens péruviens qui organisent des manifestations depuis septembre 2024 contre l’augmentation de la violence et des extorsions liées au trafic de cocaïne qui gangrènent la région. L’État andin à donc mobilisé 13 000 policiers et fait appel à 600 soldats américains pour réprimer les manifestants lors du sommet de l’APEC. 

De plus, l’inauguration du port de Chancay constitue une vraie menace pour les 57 000 habitants de la ville côtière. Ceux-ci vivant principalement de la pêche risquent de perdre leurs emplois à cause de la pollution et des nuisances provoqués par les cargos transocéaniques. 

Lors de ce sommet, les syndicats de commerçants et de conducteurs de bus redoublent d’effort pour faire entendre leurs voix lors d’une inauguration à 3,5 milliards de dollars. 

Nos enfants meurent à cause de la violence et des extorsions, ça suffit ! Rosa Juarez, commerçante de 66 ans.

Déjà, à la fin du mois de septembre les manifestations avaient été réprimandées violemment par le gouvernement péruvien qui instaurait l’état d’urgence pendant 60 jours dans plusieurs quartiers de la capitale. Mais, l’absence de réponses efficaces de sa part, conjuguée à de fortes inégalités et à une instabilité politique latente dans le pays, ont amené les manifestants à continuer leurs actions dans les régions de Junin, Cusco, Puno, Ancash et Arequipa. 

C’est donc dans un climat de tension que la présidente péruvienne Dina Boluarte accueille en cette fin de semaine les vingt et un chefs d’états pour le 31ème sommet de l’APEC pendant lequel Xi Jinping inaugurera le mégaport de Chancay.