L’artiste colombienne Olga de Amaral expose à la Fondation Cartier à Paris jusqu’au 16 mars 2025

La Fondation Cartier pour l’art contemporain présente la première grande rétrospective en Europe d’Olga de Amaral, figure incontournable de la scène artistique colombienne et du Fiber Art. L’exposition rassemble près de 80 œuvres créées entre les années 1960 et aujourd’hui, dont beaucoup n’ont jamais été présentées hors de Colombie. Outre les créations vibrantes à la feuille d’or qui ont fait la notoriété de l’artiste, l’exposition révèle ses toutes premières recherches et expérimentations textiles ainsi que ses pièces monumentales.

Depuis les années 1960, Olga de Amaral repousse les limites du médium textile en multipliant les expériences sur les matières (lin, coton, crin de cheval, gesso, feuille d’or ou palladium) et les techniques : elle tisse, noue, tresse, entrelace les fils pour créer d’immenses œuvres tridimensionnelles. Inclassable, son art emprunte tant aux principes modernistes, qu’elle découvre à l’académie des arts de Cranbrook aux États-Unis, qu’aux traditions vernaculaires de son pays et à l’art précolombien. Après avoir présenté six œuvres de la série Brumas dans le cadre de l’exposition Géométries Sud en 2018, la Fondation Cartier retrace l’ensemble de la carrière d’Olga de Amaral et célèbre celle qui a marqué une véritable révolution dans l’art textile.

Bien qu’internationalement reconnu, le travail d’Olga de Amaral a rarement été présenté en Europe. L’exposition propose une approche nouvelle et complète sur la carrière de l’artiste et dévoile toute la complexité de sa pratique. Sans adopter un parcours rigoureusement chronologique, l’exposition met en lumière ses différentes périodes artistiques : de ses recherches formelles (sur la grille, la couleur), à ses expérimentations (sur les matériaux et l’échelle), en passant par les influences qui l’ont nourrie (l’art constructiviste, l’artisanat latino-américain, l’époque précolombienne). Avec cette exposition, la fondation Cartier fait découvrir les audaces de cet art textile, longtemps relégué au second plan car perçu avant tout comme un art décoratif pratiqué essentiellement par les femmes. Résolument en lien avec les dynamiques de l’art abstrait post Seconde Guerre mondiale, les réalisations ambitieuses d’Olga de Amaral s’éloignent du cadre conventionnel de la tapisserie traditionnelle. Cette rétrospective montre notamment son apport essentiel à l’avant-garde artistique des années 1960, 1970 et 1980.

Olga de Amaral développe, lors de son année à l’académie Cranbrook (1954-1955) aux États-Unis, un intérêt profond pour la couleur et mène des expérimentations radicales avec la matière, la composition et la géométrie. À son retour en Colombie en 1955, elle mêle cet apprentissage à ses connaissances des textiles anciens de son pays et déploie un style spontané et expansif inspiré de l’histoire et des paysages de sa terre natale : les hauts plateaux de la cordillère des Andes, les vallées et les vastes plaines tropicales inspirent ses œuvres par leurs formes et leurs tonalités. Deux grandes séries présentées dans l’exposition expriment tout particulièrement cet intérêt : les Estelas (Stèles) et les Brumas (Brumes).

Débutées en 1996, les Estelas prennent la forme de stèles dorées, composées d’une structure tissée en coton très rigide et recouvertes d’une épaisse couche de gesso puis de peinture acrylique et de feuilles d’or qui font presque oublier le tissu. C’est dans les années 1970 qu’Olga de Amaral découvre par le biais de son amie la céramiste Lucie Rie la technique japonaise du kintsugi, consistant à réparer un objet en mettant en valeur ses lignes de faille avec de la poudre d’or. Ce métal devient rapidement l’un de ses matériaux de prédilection, lui permettant de transformer le textile en une surface irisée qui diffracte et reflète la lumière. En 2013, Olga de Amaral initie une nouvelle série intitulée Brumas, des tissages aériens en trois dimensions, légèrement mouvants et qui laissent apparaître des motifs géométriques simples directement peints sur les fils de coton. Cette fois, c’est un nuage, une pluie fine de couleur pure que l’artiste nous invite à traverser.

Pour concevoir les espaces d’exposition, l’architecte franco-libanaise Lina Ghotmeh s’est plongée dans les inspirations d’Olga de Amaral : au rez-de-chaussée du bâtiment de Jean Nouvel entouré par le jardin de Lothar Baumgarten, elle crée un paysage de pierres d’ardoise liant l’intérieur, l’extérieur et les œuvres, comme si celles-ci se trouvaient dans une nature minérale et rocailleuse. À l’étage inférieur, l’architecte réutilise le motif de la spirale que l’on retrouve dans certaines pièces d’Olga de Amaral pour guider les visiteurs dans un espace enveloppant, où se déploient petit à petit toutes les recherches de l’artiste. Jouant sur les contrastes, les échelles et le placement des toiles, affleurant le sol ou en suspension, l’architecte raconte l’œuvre de l’artiste en tissant à son tour l’espace de la Fondation Cartier. Lina Ghotmeh adopte une démarche qu’elle qualifie d’« archéologie du futur » et s’inspire ici de la mémoire du lieu et des œuvres pour plonger les visiteurs dans un instant atemporel, riche d’émotions et de sensations.

Née en 1932 à Bogotá, Olga de Amaral est une figure emblématique de la scène artistique colombienne. Après un diplôme d’architecture au Colegio Mayor de Cundinamarca (1951-1952), elle poursuit ses études à l’académie de Cranbrook dans le Michigan (1954-1955), proche de l’enseignement du Bauhaus allemand. Elle y découvre l’art textile dans l’atelier de tissage de Marianne Strengell, une artiste et designeuse finno-américaine qui fut l’une des premières à privilégier la structure et la grille du textile au motif. Dans les années 1960 et 1970, Olga de Amaral participe aux côtés de Sheila Hicks et Magdalena Abakanowicz au développement du Fiber Art en utilisant de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques empruntées tant aux principes modernistes qu’aux traditions populaires de son pays.

Ses œuvres abstraites et monumentales s’affranchissent du mur et refusent toute catégorisation : à la fois peintures, sculptures, installations et architectures elles enveloppent leur public dans l’univers sensoriel et intime de l’artiste. Olga de Amaral est nommée Visionary Artist par le Museum of Art & Design de New York en 2005 et reçoit le Women’s Caucus for Art Lifetime Achievement Award en 2019. Ses œuvres figurent dans de grandes collections publiques et privées à travers le monde, dont la Tate Modern, le MOMA, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris ou l’Art Institute of Chicago. Le Museum of Fine Arts de Houston lui a consacré une grande exposition intitulée To Weave a Rock en 2021.