Cali, capitale du sud colombien, accueillait fin octobre la COP16, rendez-vous bisannuel des signataires en 1992 de la Convention sur la diversité biologique. Ce rendez-vous colombien, crucial pour l’avenir de la biodiversité, sanctionnait l’engagement de l’Amérique latine pour la protection de l’environnement. En novembre 2025, le Brésil prend le relais. Il organise une grande rencontre sur le changement climatique, à Belém, la COP30.
Photo : The Conversation
Souvent sur la sellette pour leurs manquements supposés à la nature, à la forêt, aux animaux, le Brésil et la Colombie ont décidé de monter au créneau, en défenseurs modèles. La Colombie, depuis l’accession à la présidence de Gustavo Petro, en 2022, a interdit la fracturation hydraulique pour extraire le pétrole, elle a été la première signataire d’un traité dit de non-prolifération des combustibles fossiles, elle a officialisé un plan national ambitieux en faveur de la biodiversité. Mais au soir du 2 novembre 2024, dernier jour de la COP 16, le bilan s’est révélé décevant, pour la Colombie et l’Amérique latine, pour l’avenir de la biodiversité.
La Conférence de Cali s’est terminée en queue de poisson, certes avec beaucoup de bla-bla. Mais faute de financements, il y a eu dénégation des objectifs affichés. D’autre part victime d’une autre dénégation, médiatique celle-là, la COP16 a révélé les limites d’un exercice contraint par les puissants de ce monde. Les autorités colombiennes avaient déroulé le tapis rouge. Bogotá voulait rompre l’image collant à la peau du pays et de la ville de Cali : violences, trafic de stupéfiants, destruction des ressources naturelles. Cali a été choisie pour cet exercice parce qu’elle avait été en son temps le refuge d’un « cartel », parce qu’elle est la ville la plus dangereuse du pays. Les choses se sont de ce point de vue-là bien passées. Les organisateurs avaient réparti de façon rationnelle les lieux de travail et de sensibilisation, en zones de couleurs différentes, bleue pour les officiels, et verte pour les associations et les curieux.
Le sujet était d’importance. Les diagnostics ont dans le passé été bien identifiés, en particulier à la dernière COP15, au Canada. En décembre 2022, les 196 délégations présentes à Montréal avaient négocié et adopté un accord proposant quatre objectifs mondiaux et vingt-trois cibles pour agir, réduction de l’utilisation des pesticides, protection de 30 % de la surface de la planète, restauration de 30 % des espaces dégradés. Un fonds avait été créé pour faciliter la mise en œuvre de ces projets. Or, depuis deux ans, les avancées constatées ont été modestes. Et le fonds a reçu de bien maigres contributions.
Et la COP16 n’a pas fait bouger les lignes. Le 2 novembre 2024, dernier jour de la Conférence, la frustration a été palpable. Un grand nombre de délégués avait quitté les lieux, le 1er novembre, empêchant toute décision le 2, faute de quorum. La prise de conscience, la reconnaissance universelle du problème, n’a pas débouché, en l’absence de moyens. Quelques accords nouveaux se sont ajoutés à la liste préexistante, concernant notamment les peuples autochtones et afro-descendants.
Mais les liquidités destinées à faire tourner le moteur sont restées dans les pompes à finance nationales. Le fonds créé en 2022, pour concrétiser les bons vœux unanimement applaudis, est toujours à sec. La création d’un comité de suivi, chargé d’assurer le respect des résolutions votées dans la chaleur des rendez-vous bisannuels, n’a pas pu être actée. Le refus de transformer l’essai a valeur de dénégation. Une première dénégation. Première parce qu’il y en eu une autre, étroitement liée à la première.
La COP16 a été décevante, en raison de la participation minimale des grandes puissances économiques et de leurs médias. Le président colombien souhaitait une belle conclusion. Elle nécessitait la participation des grands de la planète. Le Secrétaire général de l’ONU est bien venu. Mais seuls, sans rien enlever aux mérites qui sont les leurs et ceux de leurs peuples, ont fait acte de présence, les chefs d’État colombien (pays hôte) et ceux de quelques nations en mal de reconnaissance internationale : l’Azerbaidjanais, organisateur de la COP climatique n° 29 les 11-22 novembre prochains, l’Arménien, en conflit avec Bakou, qui a obtenu de haute lutte , le 31 octobre à Cali, la tenue à Erevan en 2025, de la COP17, le Bolivien, englué dans un violent conflit l’opposant à son compagnon du parti MAS, Evo Morales, le Bissau-Guinéen et le Haïtien, en graves difficultés intérieures.
La presse de la « communauté internationale », a suivi le mouvement. La biodiversité a succombé aux aléas de la campagne présidentielle des États-Unis.
Le derby, traité comme tel, Trump/Harris, a monopolisé l’information. Les manchettes de première page, spéculatives et addictives, les titrailles des deux, trois et parfois quatre, douze feuilles suivantes, ont quasiment tout occupé, dans les journaux, les hebdomadaires, les télévisions. Cette élection était peut-être « historique ». Mais l’était-elle autant pour la planète que les sujets traités par la COP16 ? L’était-elle autant que le drame qui au même moment vérifiait en Espagne les pires prévisions des climatologues ?
À la décharge des gazettes et des télévisions, Cali n’avait rien de spectaculaire. Il n’y avait pas grand-chose à en attendre, délaissée qu’elle a été par les puissances. Qui plus est, la présidentielle des États-Unis était de plain-pied dans la société du spectacle. Les deux candidats défendaient les intérêts de leur pays avec une rage de boxeurs. Avec des livrets assez pauvres.
Il suffit de passer en revue leurs positionnements sur l’Amérique latine, l’Asie et la Chine, le Proche-Orient, le commerce international. La Russie en théorie les sépare. Mais Pékin et Moscou aujourd’hui sont la main dans la main… Leur style, différent, était le garant d’un bon indice d’écoute… Supérieur à ce que pouvait proposer Cali.
Jean-Jacques KOURLIANDSKY