Paris au temps du festival Colombia Migrante a projeté le long-métrage En el nombre del litio, réalisé par Cristián Cartier et Martín Longo. L’histoire racontée est celle de populations autochtones argentines face à des mégaprojets d’extraction de lithium menaçant leur territoire. Mettre en lumière les luttes latino-américaines pour la justice environnementale : une ambition de l’édition 2024 du festival.
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Jeudi 24 octobre, dans une salle de la Maison étudiante de Paris, les équipes du festival de cinéma latino-américain Colombia Migrante diffusent le long-métrage En el nombre del litio (« Au nom du lithium »). Ce documentaire de Cristián Cartier et Martín Longo témoigne de la lutte de communautés indigènes argentines contre les projets d’extraction de lithium de multinationales sur leur territoire. Il a été diffusé pour la première fois en 2021. Du fait de l’importance de cet enjeu de nos jours – l’extraction des minerais comme le lithium se faisant toujours plus massivement « au nom » de la transition énergétique – les équipes de Colombia Migrante ont choisi de lui redonner une place en 2024 dans leur festival, dont à Paris. La thématique centrale de cette troisième édition du festival : la justice environnementale et migratoire. Le festival a eu lieu du 18 au 28 octobre dans 40 villes du monde (San José, Buenos Aires, Berlin…).
Au cœur des Salinas Grandes, dans le nord de l’Argentine, 33 communautés autochtones manifestent depuis de nombreuses années pour la préservation des Salinas, qui leur permettent d’avoir de l’eau courante, d’extraire du sel, et de lutter contre les effets du dérèglement climatique. Ces grandes étendues blanches recèlent d’écosystèmes complexes permettant notamment d’absorber le CO2. Or les déserts de sel du nord de l’Argentine abritent aussi de nombreuses réserves d’or blanc, le lithium, convoitées sérieusement par des entreprises canadiennes, chinoises, américaines, coréennes, australiennes, françaises. Les premiers projets ont été annoncés en 2021 et l’Argentine abrite aujourd’hui 62 projets d’extraction de lithium. Dans le long-métrage, les scènes de réflexion – des communautés autochtones – pour organiser des manifestations et mener des combats face aux projets miniers s’entrecroisent avec les extraits des débats télévisés dans le monde entier où le lithium est donné, sinon comme sauveur, comme primordial, pour la transition énergétique face au dérèglement climatique.
Problème : il faut aujourd’hui un million de litres d’eau pour produire un tonne de carbonate de lithium et une voiture électrique nécessite par exemple 4,5 kg de lithium. La peur des populations autochtones est que l’eau disparaisse, en quelques années, de leur territoire, puis de toute la cordillère des Andes. Mais aussi qu’un changement même mineur de l’environnement des déserts de sel modifie bientôt et de manière dramatique l’équilibre fragile de ces hot-spots de biodiversité. « Au nom du lithium, nous sacrifions les salaires. Au nom du lithium, nous sacrifions les peuples des salars ». Sur ces quasi derniers mots du long-métrage, des lamas traversent à toute allure les plaines blanches, comme s’ils fuyaient les machines et camions venus transpercer les entrailles de la terre. « Donner de la visibilité aux luttes des populations autochtones face à l’ « extractivisme » passe aussi par le travail de traduction depuis l’espagnol », selon Amarilla, coordinatrice des projections à Paris.
Une fois la projection terminée, les équipes du festival lisent un passage du livre Christophe Colomb et autres cannibales de Jack D. Forbes sur fond de quelques notes musicales. L’extrait dénonce la violence, notamment celle de l’extraction qui se fait à l’encontre de la nature, et des corps. Plusieurs concepts sont partagés pour encourager la réflexion sur le sujet. Par exemple celui de « terricidio », issu de la concaténation des mots « territorio » (territoire) et « ecocidio » (écocide). On demande au public ses réactions, suite au film, suite au partage du texte.
Sur les murs de la salle de projection, une série de photos, de cartes et panneaux explicatifs illustrent en images les enjeux abordés dans tous les documentaires projetés à Paris. L’équipe du festival appelle le public à s’informer davantage sur les enjeux de ces luttes latino-américaines contre les projets d’extraction et pour la préservation de la vie. Le 26 et 27 octobre, ces luttes seront abordées lors de la « COP alternative », en marge de la Conférence des parties pour la biodiversité des Nations unies accueillie par la ville de Cali, en Colombie. En marge des négociations internationales, les équipes du festival Colombia Migrante ont aussi coorganisé Ciné para la vida, une initiative conjointe qui fait partie de l’agenda officiel et des espaces alternatifs de la COP16 « La paix avec la nature ». Concrètement : un circuit d’exposition et de projections cinématographiques sensibilise aux questions environnementales.
Julie DUCOS