Gabriela Mistral, (1889-1957) grande écrivaine chilienne du XXe siècle, enseignante, poétesse, diplomate et voyageuse, fut en 1945 la première femme d’Amérique latine à recevoir le prix Nobel de littérature. Clarice Lispector (1920-1977) monument de la littérature brésilienne est née en Ukraine, elle est arrivée au Brésil avec sa famille, d’origine juive, qui fuyait les pogroms…
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Bénie soit ma langue – Journal intime de Gabriela Mistral
Lucila de María del Perpetuo Socorro Godoy Alcayaga, dite Gabriela Mistral (1889-1957), est née à Vicuña, dans la région de Coquimbo (Chili). Enseignante, diplomate, féministe et poétesse chilienne, elle fut la première femme d’Amérique latine à recevoir le prix Nobel de littérature en 1945 pour sa contribution exceptionnelle à la poésie lyrique et à la prose émotionnelle. Fervente défenseuse de l’éducation, elle a travaillé dans le domaine de l’enseignement au Chili mais également à l’étranger. Son œuvre poétique explore des thèmes tels que l’amour, la maternité, la mort et l’identité, reflétant sa sensibilité profonde et sa perspective humaniste. Elle est considérée comme l’une des plus grandes voix de la poésie chilienne.
Gabriela Mistral, grande écrivaine chilienne du XXe siècle, enseignante, poétesse, diplomate et voyageuse, fut en 1945 la première femme d’Amérique latine à recevoir le prix Nobel de littérature. Elle a toujours pris le temps, au cours de sa vie, de consigner ses pensées matérielles et personnelles, ce qui nous permet aujourd’hui cette plongée dans son intimité et ses préoccupations quotidiennes. De l’amour passionné à la douleur profonde en passant par la maternité et la créativité artistique, Gabriela Mistral partage les émotions complexes qui ont façonné sa vie et son œuvre.
Lettres, notes, réflexions inscrites sur des carnets construisent ce récit kaléidoscopique de la vie de l’autrice mais attestent également de son attention toujours accrue à l’actualité politique du Chili. La langue intense et puissante de cette immense femme de lettres se déploie en une toile aux ramifications multiples que l’autrice tisse avec son incandescence habituelle. « J’ai eu une enfance pauvre et heureuse dans les vallées de ma cordillère. Le paysage, si l’on peut parler de paysage quand on vit immergée dans une gorge montagneuse, offrait de violents contrastes : une centaine de collines et plus encore, une sorte de bouillonnement rocailleux, sauvage et coloré, et en contrebas, sans transition, une étendue idyllique de vignes, de figuiers et de vergers. Ce contraste entre âpreté et douceur, on dit qu’il est en moi et je veux bien le croire, et il ne me déplaît pas à cause d’une certaine vanité : j’aime retrouver en moi les traits de mes lieux, de mes origines.»
Bénie soit ma langue par Gabriela Mistral, traduit de l’espagnol (Chili) par Anne Picard, éditions Des femmes. 23 €
Água Viva de Clarice Lispector
Clarice Lispector (1920-1977) est une figure majeure de la littérature brésilienne et l’une des plus grandes écrivaines du XXe siècle. Née en Ukraine, elle est arrivée au Brésil avec sa famille, d’origine juive, qui fuyait les pogroms. Son œuvre, publiée presque entièrement en France par les éditions des femmes-Antoinette Fouque, est composée de fictions, de nouvelles, de chroniques, de contes et de correspondance qui font entendre une voix unique, que cerne une écriture d’une précision implacable. Dans ce roman de 1973, Clarice Lispector cherche à « capturer le présent » et ajoute ainsi à son expérience individuelle une dimension profondément universelle. Ses méditations sur des sujets personnels mais aussi sur le monde qui l’entoure– odeurs, temps, sommeil – ont fasciné nombre d’artistes qui lui ont succédé. Ce texte unique, à la forme si particulière et non conventionnelle, se libérant du poids de l’intrigue et des portraits psychologiques de personnages, se présente comme un monologue aux multiples destinataires. Il s’agit d’une œuvre d’art magistrale, qui réorganise le langage et joue sur les écarts entre la réalité et la fiction afin de tirer «une flèche qui s’enfoncera dans le centre névralgique du mot». « Et je veux capturer le présent qui, par sa nature même, m’est interdit […]. Mon thème est l’instant, mon thème de vie. Je cherche à lui être pareil, je me divise des milliers de fois en autant de fois que d’instants qui s’écoulent, fragmentaire que je suis et précaires les moments – je ne me m’engage qu’avec la vie qui naît avec le temps et avec lui grandit : c’est seulement dans le temps qu’il y a de l’espace pour moi.. » La présente édition est augmentée d’un entretien inédit de Clarice Lispector dans lequel elle aborde la création de son œuvre et notamment Água Viva avec des facsimilés pour comprendre le travail de l’autrice.
Quelques opinions de la critique
Dans Água viva, sorte de longue missive à un destinataire inconnu, Lispector laisse sa pensée aller à hue et à dia, évoquant tout à tout la force de l’instant, la naissance, l’écriture et la peinture, ses deux passions, ou encore sa propre solitude. Il en résulte un livre aux images woolfiennes, plein de fulgurances poétiques, déroutant parfois, mais d’une singulière puissance. Florence Neuville, Le Monde Des Livres, 21 décembre 2018. Clarice Lispector […] laisse une œuvre à vif, introspective jusqu’au vertige, et pourtant ouverte sur le monde. […] La même fièvre poétique agite Água viva, où elle se niche à l’intérieur du verbe « être » comme dans un nid « scintillant et élastique ». Marine Landrot, Télérama, 8 décembre 2018. Lire Água Viva, c’est avancer dans une écriture chaude encore de matière ; et peu d’écrivains vont vers ces lieux où l’écriture s’articule avec la matière même… La NRF, Printemps 2023. Au fil d’une œuvre dense qui prend souvent des allures de chant, elle interroge ce que c’est de vivre, d’avancer dans l’obscurité, de saisir l’instant […]. Elle invente un langage, une parole de femme singulière, quasiment mystique. Les Éditions des femmes ont réédité […] un texte majestueux en édition bilingue français-portugais. Ça m’intéresse, février 2019. Avec Clarice Lispector, l’univers romanesque du XIXe siècle est liquidé. Cette grande romancière brésilienne remet en question la notion de personnage, modifie l’écriture et la structure romanesques. L’Écritoire des Muses, 17 mars 2019. J’ai eu plaisir à entendre l’hymne de vie délivré par Clarice Lispector dans Agua Viva, livre qui me chante encore aux oreilles et au cœur. Cette aventure initiatique […] coule dans la matière vivante et le corps de la chair le travail d’une pensée en train d’extraire de la sensation son rythme, sa substance et sa formulation. Le Devoir, 26 septembre 1981.
Água Viva de Clarice Lispector : Traduit du portugais (Brésil) par Didier Lamaison et Claudia Poncioni. Nouvelle édition suivie d’un entretien inédit de l’autrice, traduit du portugais (Brésil) par Izabella Borges. 20 €.