L’invraisemblable histoire derrière l’Affaire des Galapagos, qui a défrayé la chronique au début des années 1930…Le dessin et les couleurs de Michaël Olbrechts restituent et magnifient les paysages des Galapagos. Suivi ici d’un entretien avec le dessinateur.
Photo : La Boîte à Bulles
Michaël Olbrechts étudie l’Histoire à l’Université de Louvain (2005-2009) puis fait des études de bande dessinée à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles (2009-2013). Son diplôme en poche, il publie Le Dernier tigre qui remporte le prix du meilleur premier album au festival néerlandais de Silvester 2013-2014. « Onze vader » (Notre père), écrit par Laure Allain, remporte le prix de la meilleure histoire courte organisé par Passa Porta à Bruxelles en 2014. Également illustrateur freelance, Michael vit et travaille à Louvain.
En s’installant sur l’île déserte de Floreana, dans l’archipel des Galapagos, Friedrich et Dore pensaient avoir touché au paradis. C’était sans compter sur l’arrivé de la famille Wittmer, d’une excentrique baronne et de ses deux amants ! Dans un huis-clos exotique, Michaël Olbrechts revient sur la mystérieuse « affaire des Galapagos »…
Galapagos traite d’une histoire relativement méconnue. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Cet album raconte la mystérieuse histoire des premiers habitants de Floreana, l’une des îles de l’archipel des Galápagos. Les premiers à arriver sur l’île furent le docteur Friedrich Ritter et sa patiente/amante Dore Strauch, qui ont fui l’Allemagne en 1929 pour créer leur propre petit paradis. Ils voulaient devenir les premiers véritables Übermenschen, tels que décrits par Nietzsche : autosuffisants, libérés de la mentalité de troupeau et, naturellement, pacifistes. Ils devinrent rapidement célèbres en Europe comme les « Adam et Eve de Floreana » et, au grand dam du Dr Ritter, furent rejoints deux ans plus tard par un autre couple allemand : Heinz et Margret Wittmer.
Peu de temps après l’arrivée des Wittmer, trois autres personnes débarquèrent : la baronne autoproclamée Eloise Wagner de Bousquet, et ses deux amants Rudolf et Robert. Ce fut le début des vrais problèmes : la baronne, femme excentrique et armée en permanence se comportait comme si l’île lui appartenait. La vérité sur ce qui se passe ensuite doit être laissée à la spéculation, car ceux qui vécurent cette histoire en ont chacun donné une version différente.
Comment as-tu découvert cette histoire ? Qu’est-ce qui t’a motivé à la raconter ?
J’ai été immédiatement séduit lorsque j’ai découvert cette « affaire des Galapagos » dans un podcast sur les histoires criminelles. Elle mettait en scène toute une série de personnages incroyables dans un cadre paradisiaque. Ils semblaient tout droit sortis d’un vieux film d’aventure. Je n’arrivais pas à croire que je n’en avais jamais entendu parler. Et le plus important, c’est qu’il y avait une intrigue aussi incroyable que mystérieuse. Cette histoire est un vrai cadeau ! Plus je me plongeais dans cette étrange affaire, plus j’étais convaincu qu’il fallait que ce soit mon prochain roman graphique. Je suis également historien, alors le fait que les événements historiques européens du début du 20e siècle puissent être intégrés dans ce roman a rendu les choses encore meilleures. Je voulais faire un roman graphique moderne, avec le charme désuet d’une bande dessinée d’aventure franco-belge.
Comme cela a été dit plus haut, cette histoire est peu connue. Sur quelle documentation t’es-tu appuyé ?
Heureusement pour moi, les véritables protagonistes de mon histoire ont largement documenté cette épopée et ont ensuite fait l’objet d’études approfondies. L’île de Floreana fut souvent visitée par des scientifiques et des touristes pendant que toute cette affaire se déroulait. Il y a donc beaucoup d’images filmées, ce qui est vraiment incroyable. C’était une bénédiction d’avoir autant d’images animées de ces gens fascinants. Dore Strauch a également tenu un journal pendant son séjour sur l’île, ce qui m’a permis d’avoir accès à de nombreuses idées et anecdotes.
D’ailleurs, il y a encore des zones d’ombre autour de cette affaire. Comment t’en es-tu emparée ?
Je n’aime pas trop parler des crimes et de la fin, au risque de gâcher l’expérience de lecture. Mais j’ai trouvé un moyen de mettre en lumière les différents points de vue sur l’affaire en utilisant le personnage du pêcheur norvégien de passage, Nyggurud, comme une sorte de détective qui veut découvrir la vérité. Les autres habitants de l’île lui donnent chacun leur version des faits, et c’est au lecteur de décider qui dit la vérité.
Dans ce roman graphique, tu fais la part belle aux paysages de Floreana, en mettant en valeur sa faune et sa flore. Comment es-tu parvenu à en rendre si bien compte ?
J’étais convaincu que les paysages de Floreana devaient être l’un des points forts du livre. Le contraste entre la beauté de l’île et les sombres événements qui s’y sont déroulés était quelque chose que je voulais mettre en valeur. Je suis toujours parti d’images réelles de l’île, mais je n’ai pas hésité à exagérer la végétation afin de la rendre plus spectaculaire encore, j’avais comme ligne directrice l’image romancée de l’île déserte.
Pour finir, cette bande dessinée a été publiée pour la première fois par l’éditeur flamand Oogachtend. Comment Galapagos a-t-il été accueilli en Belgique et aux Pays-Bas ?
Pour être honnête, nous n’aurions pas pu espérer meilleur accueil ! J’avais l’intuition que cette histoire avait beaucoup de potentiel, mais en Belgique, c’est toujours un grand défi d’attirer l’attention avec un roman graphique. Cependant, Oogachtend a fait un très bon travail et le livre a reçu des critiques élogieuses dans les grands journaux et magazines de Flandre et des Pays-Bas. J’ai été invité à la radio nationale pour en parler et le livre figurait dans toutes les listes des meilleurs livres de l’année. Pour couronner le tout, Galapagos a été la première bande dessinée à être nominée pour le Boon, le plus grand prix littéraire de Belgique. Nous sommes sur le point de l’imprimer en néerlandais pour la troisième fois déjà, ce qui est rare pour un roman graphique publié par une maison d’édition relativement petite. Le marché néerlandophone reste toutefois très restreint, je suis donc très heureux d’avoir l’occasion de convaincre également le public français.
Service de presse
Julien SIMON
Galapagos par Michaël Olbrechts aux éditions La Boîte à Bulles. Cartonné couleur, 190×265 mm. 176 p. 27 euros. – blog : http://www.michaelolbrechts.be/