L’association Autres Brésils a le plaisir d’annoncer la sélection de films de la 20e édition du festival Brésil en Mouvements, qui aura lieu le 28 et le 29 septembre au cinéma l’Écran de Saint-Denis et du 3 octobre au 6 octobre au cinéma Les Sept Parnassiens.
Photo : DR
Le festival Brésil en Mouvements célèbre sa 20e édition : deux décennies de diffusion et de valorisation du cinéma documentaire brésilien en France. Ce long parcours de festival militant est le résultat de la persévérance, de l’obstination et de la foi dans le cinéma que défend l’équipe. C’est choisir son camp et construire des chemins d’art et de lutte. La sélection de films de la 20e édition de Brésil en Mouvements témoigne de ce courage. Ce sont des films qui nous regardent, nous interpellent et nous demandent de prendre position.
Les films mettent en scène des histoires oubliées, refoulées ou effacées, du passé comme du présent, tissant un réseau de contre-récits privés et collectifs, capable de figurer une autre manière de concevoir le commun. Ils nous invitent à affronter les défis de notre temps tout en proposant des voies possibles pour le futur – combatives, affectives, créatives. Il s’agit, pour la plupart, de projets conçus et réalisés au long de plusieurs années, ayant traversé les derniers mouvements politiques au Brésil, du gouvernement de Dilma Rousseff ou celui de Bolsonaro au retour de Lula à la présidence en 2022 – c’est notamment le cas de La Transformation de Canuto (film d’ouverture), Samuel et la lumière, M comme Mères, Derrière la ligne des boucliers et Incompatible avec la vie, par exemple. Ce sont des récits dont le temps est en enjeu. Ils interrogent l’histoire récente tout en la regardant en face.
Ce sont des films conscients que le ciel n’a pas arrêté de s’effondrer (comme l’évoque le titre du film de clôture, La Chute du ciel, reprenant le livre de Davi Kopenawa et Bruce Albert). Aujourd’hui, par exemple, les crimes contre l’environnement se perpétuent. Après les inondations dans le Sud du pays, le Brésil brûle – des terres d’Amazonie et du Pantanal, où les feux détruisent toute vie, aux feux criminels de la région de São Paulo, qui remplissent de cendres les cieux des villes. Le Marco Temporal (le Seuil temporel) a été établi, changeant, entre autres, la démarcation des terres autochtones. Plusieurs communautés Guarani-Kaiowá sont les cibles d’attaques violentes et mortelles perpétrées par les capitalistes de l’agro-business avec la connivence de la police militaire.
Le cinéma que le festival Brésil en Mouvements présente, cette année mais aussi tout au long de son histoire, est un cinéma qui essaye, par sa puissance d’invention, sa rébellion et ténacité, de retenir le ciel. Le film d’ouverture, La Transformation de Canuto (Ernesto de Carvalho et Ariel Kuaray Ortega, 2023, largement récompensé), est un véritable événement cinématographique. Explorant les trames de la transformation d’un homme en jaguar (l’ojepotá guarani), le film met en scène la narration, la transmission et l’élaboration collective du passé d’une communauté Mbyá-guarani. Entre l’histoire et la légende, le film met aussi en jeu le cinéma (autochtone) lui-même, s’appuyant sur plus de dix ans de réalisation audiovisuelle partagée entre les deux réalisateurs.
Les histoires autochtones, à un moment où l’avenir des peuples originaires – ceux qui retiennent pleinement le ciel – est toujours menacé, sont mises en avant par le film de clôture, La Chute du ciel (Eryk Rocha et Gabriela Carneiro da Cunha) ainsi que par La Flèche et l’uniforme (Miguel Antunes Ramos, 2020). Le premier, présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2024, cherche la force de la parole Yanomami. Il inscrit sa vocation prophétique et urgente au sein d’un remarquable travail plastique. Le deuxième, quant à lui, dévoile une histoire cachée de la dictature civil-militaire brésilienne : sa violence contre les peuples autochtones. À partir des archives de la Garde Rurale indigène (GRIN), bras armé de l’État, le film va à la rencontre des anciens soldats autochtones. Il ouvre ainsi la voie à l’écriture d’une histoire dont les plaies sont encore ouvertes aujourd’hui. Les deux films nous invitent à voir et à écouter différemment le passé et le présent. C’est le cas aussi de Aucun homme n’est né pour être piétiné (Narimane Baba Aïssa et Lucas Roxo, 2023), qui évoque le spectre révolté du cangaceiro Lampião animant les luttes actuelles, comme la lutte du mouvement des sans-terre.
Pour penser les soixante ans du coup d’État militaire, une autre histoire oubliée est celle de Malunga (Gal Souza, 2023) : Thereza Santos, actrice, dramaturge, philosophe, communiste. Le film explore la trajectoire de cette militante féministe et antiraciste pendant les années de plomb au Brésil et son exil en Guinée-Bissau et Angola. Malunga, avec le court-métrage Le Carnaval de rue est fête du peuple (Uilton Oliveira, 2023) et le long-métrage Chroniques d’une jeune famille noire (Davidson D. Candanda, 2023) témoignent des chemins politiques et poétiques du cinéma noir contemporain. Les films sont réalisés par une nouvelle génération de cinéastes qui militent pour la création et la diffusion d’œuvres artistiques afro-brésiliennes (Oliveira est programmateur et organisateur des festivals comme la Mostra de Cinéma Marginal ; Souza est productrice, historienne et enseignante ; Candanda est membre du Coletivo Siyanda – Cinema Experimental do Negro).
Chroniques d’une jeune famille noire construit un récit de tendresse et de résistance à travers le quotidien de la famille de Hellena, Lucas et Dom. Des questions sociopolitiques sont aussi abordées à travers des histoires privées dans les films Samuel et la lumière (Vinícius Girnys, 2023) et Incompatible avec la vie (Eliza Capai, 2023). Samuel et la lumière suit les transformations au sein d’un village du littoral de Rio de Janeiro provoquées par l’arrivée récente de l’électricité. Filmé au cours de six ans, le film interroge, entre isolement et intégration, le modèle civilisationnel contemporain. Incompatible avec la vie, quant à lui, affronte des sujets comme l’avortement et la lutte pour le droit des femmes sur leurs propres corps. Réunissant des histoires partagées, il nous apprend la potentialité des toiles tissées entre femmes – par les liens du montage ainsi que de la vie. Ces liens traversent aussi M comme Mères (Lívia Perez, 2023), qui accompagne la grossesse et le processus de co-allaitement de Marcela et Mélanie, mères lesbiennes de jumeaux. Devant et derrière la caméra, ces liens de cinéma et de vie nous appellent au combat permanent, courageux et joyeux, du féminisme queer.
L’état du monde à partir de l’expérience brésilienne se révèle dans des films comme Derrière la ligne des boucliers (Marcelo Pedroso, 2023) et À cet instant, dans le ciel du Brésil(Sandra Kogut, 2023). Ces films montrent l’ascension et la consolidation de l’extrême droite au sein des institutions mais aussi des subjectivités. Le film de Pedroso s’immisce à l’intérieur de la police anti-émeute (la « Police de choc », l’équivalent des CRS au Brésil), interrogeant son fonctionnement idéologique. Le film se demande aussi comment filmer l’appareil militaire de répression. Le film de Kogut met en scène la période électorale de 2022 jusqu’à l’invasion du Congrès national, du Palais présidentiel et de la Cour suprême par des militants bolsonaristes le 8 janvier 2023. Filmant l’ennemi, les deux films ne se trompent pas de camp. Ils permettent de penser des phénomènes communs non seulement au Brésil et en France mais aussi ailleurs, lorsque le monde vacille.
Notre lettre d’amour aux chemins parcourus ensemble au fil des 20 ans du festival se présentera lors de la première séance du festival au cinéma l’Écran de Saint-Denis, avec Viajo porque preciso, volto porque te amo (Marcelo Gomes et Karim Aïnouz, 2009). Le film, entre fiction et documentaire, suit les voyages d’un géologue à travers le Sertão. Le réalisateur Marcelo Gomes y présentera ce géo-cinéma affectif et politique.
Le festival Brésils en Mouvements assume un rôle singulier dans la diffusion et la valorisation du cinéma documentaire brésilien en France. Pour que le festival puisse exister et se développer, nous défendons la mise en place des politiques publiques pérennes pour les festivals de cinéma brésilien à l’étranger, tant à travers le ministère des Relations extérieures comme à travers le ministère de la Culture et l’Ancine (Agence Nationale du cinéma au Brésil). Nous défendons également le renforcement des politiques publiques pour la production, la distribution, la valorisation et la préservation du cinéma brésilien.
D’après Autres Brésils
https://www.autresbresils.net/la-selection-oficielle-bem2024