« Amazonie » du brésilien Marcio Souza – Histoire de la période précolombienne aux défis du 21e siècle aux éditions Métailié

Un magnifique voyage à travers l’histoire d’une région mythique raconté par un grand romancier brésilien qui est aussi un grand historien. Le livre est préfacé par Erik Orsenna que nous publions ici, autorisés par les éditions Métailié.

Vous aimez les westerns, vous allez adorer ce livre d’histoire ! Un grand romancier et historien brésilien, Marcio Souza, né à Manaus, nous raconte sa région avec rigueur historique, mais avec des anecdotes significatives (mensonges des voyageurs, visions tronquées de la réalité par l’Église, décisions absurdes du pouvoir colonial, initiatives désastreuses des hauts fonctionnaires, décisions positives qui ont œuvré au développement de la région). On avance dans une histoire inconnue jusqu’ici grâce au talent de conteur de l’auteur et on prend conscience que le gouvernement qui doit regarder le combat de « la plus grande ferme du monde face à la plus grande forêt du monde » devrait d’abord connaître la réalité du terrain. Un livre d’histoire – qui est un texte de référence en Amérique latine et aux États-Unis – et raconte des histoires. Un livre passionnant et magnifique à la hauteur de son objet d’étude !

Márcio Souza est né à Manaus en 1946. Il est romancier, metteur en scène de théâtre et d’opéra. Il a été dernièrement l’artisan de la réouverture extraordinaire de l’opéra de Manaus. Après une carrière auprès de la Fondation culturelle de l’Amazone et la Bibliothèque nationale du Brésil, il a enseigné la littérature dans diverses universités américaines – Berkeley, Stanford, Austin et Dartmouth –, ainsi qu’en Europe. Il est membre de l’Académie amazonienne des lettres. La plus grande partie de son œuvre littéraire porte sur l’Amazonie : L’Empereur d’Amazonie – qui a connu un succès mondial dès sa sortie en 1976 – et Mad Maria (parus aux Éditions Métailié) sont traduits dans de nombreuses langues. Dans cette Histoire de l’Amazonie, il fait œuvre d’historien rigoureux et met son talent de romancier au service d’une histoire mal connue, et ressuscite à chaque époque des personnages aux prises avec des aventures, des rencontres, des conflits et des débats, pour le plus grand plaisir du lecteur. Il est mort à Manaus le 12 août 2024.

Le préface d’Erik Orsenna

Amazone, Amazonie ! Peu de mots, sans doute, sont autant répétés avec autant de conviction que d’ignorance ! Amazone, Amazonie ! Plus grand fleuve du monde, forêt géante, poumon de la planète ! Nous sommes d’accord. Mais qu’en est-il vraiment de cette surface immense, 6 568 107 kilomètres carrés, 12 fois la France ? Combat de titans : la plus grande ferme du monde face à la plus grande forêt du monde. Pour nourrir la planète, doit-on l’asphyxier ? Pour celles et ceux qui, comme moi, aiment fonder leurs légendes sur des vérités, et pourquoi pas dérangeantes ? Pour celles et ceux qui, comme moi, veulent savoir quel est, quel est vraiment ce personnage clef de notre évolution climatique, et pourquoi et comment il faut à tout prix le préserver, voici LE livre !

Sa table des matières remonte loin dans le temps. L’auteur creuse dans la mémoire historique de l’Amazonie “avant les Européens”. C’est la plus formidable invitation aux voyages dans cette jungle immense, diverse et contradictoire. Et essentielle. En voici quelques exemples : L’Amazonie avant les Européens (de 15 000 ans avant Jésus-Christ à 1 500 après). Oui, l’Amazonie était surpeuplée et cultivée, les peuples indiens étaient des guerriers redoutables, ils n’ont pas été vaincus sur le champ de bataille. Vingt ans après la rencontre avec les Portugais et les Espagnols, 98 % des populations indiennes avaient été décimées par la grippe, la variole, le typhus et la rougeole, tous les virus importés d’Europe.

L’invention de l’Amazonie par les récits des premiers découvreurs. Soldats, savants et voyageurs. Les rêveurs d’avenir. Puis le pouvoir sur les gouvernements locaux donnée l’Inquisition, qui massacre et étouffée toute initiative au nom de Dieu. Écoutez l’histoire de l’esclave indienne qui fi t un procès au gouverneur ! La Cabanagem et la révolte, le désir d’autonomie face à un pouvoir tourné vers l’Europe, le refus des id.es de la Révolution française, exportée depuis la Guyane. Les leçons d’un bain de sang. Le combat contre le gouvernement à distance de Rio, l’apparition des premiers technocrates.

La société extractiviste, le cycle du caoutchouc, il ne suffit pas de produire, il faut transformer et vendre. L’Amazonie est trop grande pour le Brésil. La chute. La frontière économique. Comment moderniser, construire des routes, le désastre de la Transamazonienne, de la zone franche de Manaus. Les grands projets portes par ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur le terrain. Les conflits pour la terre, l’agression de l’écosystème, mais aussi une culture locale foisonnante, populaire et savante, culinaire et artistique. Malgré toutes les erreurs et les dommages importés, la création quand m.me d’une identité amazonienne créative et vivante.

Alors se pose LA question : quel est ce guide miraculeux ? Sachez qu’il s’appelle Márcio Souza. Il est né à Manaus, il a enseigné dans de grandes universités nord-américaines où il a découvert le peu d’importance dans laquelle était tenue sa région amazonienne, ce qui l’a incité à écrire ce livre. C’est un grand romancier brésilien traduit dans le monde entier et membre de l’Académie amazonienne des Lettres. Il a été cinéaste et metteur en scène de théâtre, on lui doit la réouverture de l’opéra de Manaus. Mais plus que tout c’est un grand raconteur d’histoires, amoureux de sa région amazonienne et décidé à mettre tout son talent littéraire au service de la réhabilitation historique et de la définition de l’avenir de cette région (nous sommes bien au Brésil, pays du futur toujours). Le lecteur reconnaissant se délecte de sa lecture et n’a aucun mal à se laisser convaincre par ses démonstrations historiques et politiques. Après tout, c’est ça que servent les raconteurs d’histoires, voyez les pajés des peuples amazoniens, d’où viennent leur pouvoir et le respect qu’on leur porte ?

Merci, mille et un mercis à lui !

Pour mon roman L’Exposition coloniale, dont j’avais choisi pour personnage principal l’arbre à caoutchouc Hévéa, je croyais pourtant avoir bien men. L’enquête, notamment lors de deux vraies expéditions profondes, vers Rio Branco et Porto Velho. Je me rends compte qu’il me restait beaucoup, beaucoup à apprendre. Aucun livre ne remplace un voyage. Celui-là m’a donné plus que jamais envie de repartir là-bas. Car l’élucidation d’un mystère débouche toujours vers d’autres mystères. Et qu’est-ce que vivre, vivre jusqu’au bout, qu’est-ce que vivre, sinon, année après année, et surtout l’âge venu, se nourrir d’inconnu ? “Il est temps de partir pour l’effarement démesuré.”  Luis Ruas (Manaus, 1931-2000).

D’après éd. Métailié

Amazonie par Márcio Souza – De la période précolombienne aux défis du XXIe siècle. Traduit du brésilien par Stéphane Chao, Danielle Schramm et Hubert Tézenas, aux éd. Métailié. 464 pages – 25,50 euros.