« Mi Bestia », un film de la Colombienne Camila Beltrán en salle à partir du 4 septembre

Bogotá, 1996. La population est effrayée : le diable va arriver lors d’une éclipse de lune imminente. Mila, 13 ans, sent que le regard des autres sur elle se fait plus oppressant. Elle se demande si la métamorphose de son corps a un rapport avec cette prophétie. Le jour tant redouté arrive, la lune rouge illumine le ciel.

Photo : D R

Le cinéma latino traite souvent de l’adolescence et du passage à l’âge adute. Avec Mi BestiaCamila Beltrán s’ancre en Colombie, avec un conte surnaturel. « Oui, explique la réalisatrice, je voulais lier la question du diable à la perception du féminin. La Colombie est un pays très catholique. On croit vraiment en Dieu et on a encore peur du Diable ! On a aussi peur de l’inconnu. Le personnage de Dora, c’est cet inconnu. Elle incarne cette forme d’association que certains créent entre la femme, le diable et le monstre. Avec ce film, j’ai essayé de montrer que les femmes n’ont pas peur. On est avec Dora, on est avec Mila à qui sa nounou donne la force de se libérer, on inverse presque les choses, c’est le monde normalisé qui devient inquiétant.  Le beau-père est un possible prédateur… Oui, il se cache derrière la figure du protecteur. C’est seulement grâce au point de vue de Mila que l’on peut percevoir ce malaise dans le regard qu’il porte sur elle comme un objet de désir. Cette pression ne vient pas seulement de lui d’ailleurs, c’est celle de la société, des télénovelas, elle pose la question de la place des femmes. Mais cette menace n’est pas fantasmée. Elle est le fruit de cette société-là »

Présenté à l’ACID du Festival de Cannes 2024, Mi Bestia est l’occasion pour la réalisatrice colombienne Camila Beltrán de signer son premier long-métrage. En puisant dans ses souvenirs et les légendes urbaines propres à Bogotá, elle livre un récit universel, une chronique adolescente où le corps féminin doit se battre pour son émancipation, quitte à embrasser un aspect sauvage. C’est le point de vue d’une fille qui quitte l’enfance et qui se retrouve confrontée à la violence du monde des adultes.

L’imagerie chrétienne est partout, que ce soit dans le cabinet médical de la mère de notre héroïne ou à l’école, lieu de transmission et d’apprentissage. Cela engendre une forte croyance en la notion du bien et de la pureté, accompagnée d’une grande peur des figures associées au mal, telles que les femmes et les communautés marginales comme les afro descendants. C’est d’ailleurs cristallisé avec le personnage de la nounou, Dora, qui incarne cette forme d’association que certains créent entre la femme, le diable et le monstre. Les télénovelas sont à la fois une emprise de la société, mais aussi permettent un début d’émancipation. Ce n’est donc pas un hasard si la réalisatrice a choisi un format carré de l’image proche de celui de la télévision, que l’on peut considérer comme une seconde religion.

Camila Beltrán s’imprègne des codes du conte fantastique et des contes populaires religieux pour explorer, dans Mi Bestia, l’univers de la métamorphose comme une échappatoire face aux jougs familiaux et religieux qui entoure Mila, éprise de liberté. Derrière sa thématique plus qu’actuelle, ce premier long-métrage intègre et emporte le spectateur dans un récit entre réel et surnaturel, touchant à la part de croyance, ou de mystère, qui nous habite.