Suites de la crise au Venezuela – La médiation brésilienne en copié collé mexicain

Les règlements de compte électoraux postérieurs aux présidentielles du 28 juillet dernier, à « OK Caracas », mobilisent les chancelleries. Bien plus que les ratés démocratiques des présidentielles russes, ou du Rwanda et la crise démocratique en Thaïlande. Le cri Maduro Delenda Est * a fait le tour des places publiques et des chancelleries occidentales et assimilées. Chine, Russie et Iran à l’inverse ont félicité le vainqueur proclamé par le Conseil National Électoral, Nicolás Maduro.

Photo : Sepa-L’Humanité

L’Amérique latine a participé à cette danse internationale du Graal démocratique vénézuélien en interprétation tout aussi dispersée. L’Argentine et l’Uruguay ont salué la victoire du candidat de l’opposition, Edmundo González Urrutia. La Bolivie, Cuba et le Nicaragua ont chaleureusement applaudi le succès de Nicolás Maduro. Le Brésil a inventé un entre deux, censé réconcilier tout le monde. Le président du Panamá, José Raúl Mulino, a proposé le 8 août une réunion extraordinaire des gouvernements ayant à l’OEA le 31 juillet exigé de Nicolás Maduro la publication des procès-verbaux électoraux.

Celso Amorim, conseiller diplomatique du président Lula, présent sur le terrain le 28 juillet, a tapé du poing sur la table, pour proposer une répétition générale. Ça n’a pas marché le 28 juillet, eh bien prenons en acte, et que les acteurs en présence se préparent pour une deuxième manche. María Carolina Machado, ange gardienne d’Edmundo González, a dit Non ! « Nous, opposition, nous voulons que le candidat dictateur, c’est à dire Nicolás Maduro, reconnaisse la fraude et donc sa défaite ». Nicolás Maduro, a également dit Non ! Ce qui a été voté a été voté et bien voté. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Les contrevenants considérés comme messagers de fausses informations seront poursuivis. Parole tenue, Machado et González ont été mis en examen par le Procureur général du Venezuela.

Celso Amorim en a vu d’autres. En 2011, comme ministre des Affaires étrangères, il a été engagé dans une médiation sur le contentieux nucléaire iranien. Médiation ratée, sans doute, mais pleine d’enseignements. La crise vénézuélienne, régionale, est plus à la portée du Brésil. Brasilia a les moyens de se faire entendre par Caracas, pense-t-on à Itamaraty (le ministère brésilien des Affaires étrangères). Le Brésil, membre du G20 et des BRIC, n’est-il pas la puissance majeure de l’Amérique du Sud ? N’a-t-il pas réussi à réunir avec succès tous les sud-américains à Brasilia le 30 mai 2023, pour leur « vendre » l’urgence et la nécessité d’une coordination régionale pour faire poids à l’international ? N’est-il pas favorable à une adhésion du Venezuela au Mercosur ? Lula a donc suivi le conseil de son conseiller. Il a le 5 août visité son homologue chilien, Gabriel Boric. Il a échangé avec ceux de Colombie et du Mexique. Il a pris langue avec Joe Biden, chef des Occidentaux. Ses trois pairs latino-américains sont considérés comme des gouvernants de progrès, issu de processus électoraux incontestés.

Les États-Unis, en dépit de la reconnaissance comme président d’Edmundo González, ont encouragé le Mexique à soutenir la médiation tentée par le Brésil. Bogotá et México ont soutenu le projet brésilien, dans un premier temps. Santiago n’a officiellement pas pris position. Son ministre des Affaires étrangères, dans un entretien, a rappelé que le Chili avait ses positions, voisines, mais antérieures à celles du groupe des trois, et « plus distantes » à l’égard du Venezuela. Le 8 août, Bogotá, Brasilia et México rendaient public un communiqué commun. « Les trois, considèrent fondamental la présentation par le CNE des résultats bureau de vote par bureau de vote (..) et renouvellent leur disposition à appuyer les efforts de dialogue (..) susceptibles de contribuer à la stabilité et à la démocratie dans le pays ».

Le 13 août, ces bons offices ont été élargis. Lula, en réponse à un journaliste de Radio Curitiba, a déclaré que « si Maduro a du sens commun, il pourrait convoquer les électeurs pour un nouveau vote ». Parallèlement, sur son compte « X », Gustavo Petro, chef de l’État colombien, s’est déclaré partisan de « nouvelles élections libres ». Le Mexique alors a repris ses billes diplomatiques. Le 15 août, en cours de mañanera, sa conférence de presse du matin, Andrès Manuel López Obrador (AMLO), a en effet considéré qu’il est « imprudent qu’un gouvernement étranger, quel qu’il soit, donne son avis sur une question qui est du ressort des Vénézuéliens »« Mon sentiment, a-t-il ajouté, repose sur l’article 89-X de la Constitution, qui dit ceci : le Président doit observer les principes normatifs suivants, autodétermination des peuples, non intervention, solution pacifique des différends, proscription de la force dans les relations internationales, égalité juridique entre les États ». Donc, a-t-il conclu, « Nous ne pouvons pas nous mêler des affaires des autres peuples ».

Cette prudence est venue rappeler le caractère particulier du Mexique qui, peu importe son président, doit gérer un voisinage asymétrique avec la plus grande puissance militaire et financière du monde, les États-Unis. Toute initiative extérieure du Mexique peut selon ses dirigeants, AMLO aujourd’hui, être interprétée par Washington comme un feu vert donné à une ingérence. Rappelons-nous, a conclu le premier magistrat mexicain, « que nous avons pu être soumis à des intérêts étrangers »« Le Mexique est un pays indépendant, ami de tous les peuples du monde ». Ce copié collé mexicain à propos de la crise vénézuélienne, l’impasse affirmative du Brésil, dont la médiation a été refusée par les parties en présence, reflètent les incertitudes du « sous-continent » dans le concert des nations. Ce flou diplomatique n’est pas nouveau. On avait pu en constater la portée avec la pandémie de la covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie : diversité des positionnements, absence de coordination sur les sujets partagés.

  • Le « Delenda Est » fait référence à Caton qui commençait tous ses discours par un « Carthago Delenda Est »(« Il faut détruire Carthage »), Carthage étant à ce moment-là la question stratégique cruciale pour les Romains…