Cette année sous le titre « Déplacer les imaginaires », le festival propose une réflexion dans une période qui invite peu à l’optimisme. La manufacture d’idées entend plus que jamais affirmer ce qu’elle est : un lieu de rencontres, de réflexion, d’imagination, d’audace, d’idées neuves, de débats fertiles, d’ouverture au monde. L’Amérique latine sera bien présente.
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Nous vous donnons donc rendez-vous cet été pour une nouvelle édition, consacrée aux déplacements. À l’heure où l’urgence écologique nous enjoint à repenser collectivement nos manières d’habiter la Terre et de vivre-ensemble, il s’agira de poursuivre notre réflexion sur les mutations qui s’imposent à nos sociétés, mais aussi d’opérer des déplacements ou des décentrements de pensée. Nous solliciterons ainsi d’autres imaginaires, d’autres formes de vie, d’autres visions du monde, comme celle du chaman et porte-parole des Yanomami (l’un des plus importants peuples amérindiens d’Amazonie encore existants), Davi Kopenawa. Sa parole nous accompagnera durant cette édition, à travers l’extraordinaire film La Chute du ciel que nous vous proposerons en avant-première, ou lors d’une rencontre consacrée aux anthropologies inversées : « Je voudrais que les Blancs cessent de penser que notre forêt est morte et posée là sans raison. Je voudrais leur faire écouter la voix des xapiri (les esprits de la forêt) qui y jouent sans relâche en dansant sur leurs miroirs resplendissants. Ainsi, peut-être voudront-ils la défendre avec nous ? Je voudrais aussi que leurs fils et leurs filles fassent amitié avec les nôtres afin de ne pas grandir dans l’ignorance. »
En cherchant à déplacer les cadres hérités de la modernité, du capitalisme et du patriarcat, nous nous demanderons pourquoi les sociétés industrielles, extractivistes et productivistes, ne se soucient pas de la reproduction de leurs conditions d’existence, et quel a été le rôle des rapports de genre dans cette histoire ? Nous interrogerons également certains impensés de l’écologie, comme les interactions entre l’histoire coloniale et les problématiques environnementales dans les territoires d’outre-mer, ou bien encore les expérimentations queers et écoféministes, où se pensent par la marge de nouveaux rapports au vivant.
Il sera bien entendu question de déplacements physiques, de récits d’exil, de nomadisme, de migrations : nous suivrons le retour d’œuvres d’art pillées pendant l’ère coloniale (depuis Paris jusqu’à leur terre d’origine) et verrons les résonances entre ce « trajet » et les imaginaires des diasporas africaines. Nous évoquerons aussi les mobilisations citoyennes en Sicile pour identifier des personnes migrantes retrouvées mortes après leur traversée de la Méditerranée et la portée transformatrice de cet acte d’hospitalité, par-delà la mort.
Autant de lignes d’engagement dans un moment politique où nous retenons notre souffle, mais qui nous empêche aussi de respirer. Ce sentiment d’asphyxie, la politiste et activiste argentine Verónica Gago le vit depuis l’élection de Javier Milei, elle qui analyse la brutalité du néolibéralisme et propose une praxis politique provenant des nouvelles luttes féministes en Amérique latine. En sa présence, nous vous proposerons un « foyer de sens » pour imaginer d’autres possibles, des possibles émancipateurs, féministes, antiracistes, multi spécifiques, afin de continuer à vivre dans un monde habitable et, comme nous y encourage l’écrivain et philosophe Tristan Garcia, « laisser être et rendre puissant ».
Emmanuel FAVRE,
Directeur du festival
Inscriptions et informations sur site.