Zoom sur l’Amérique latine au festival In et au festival Off d’Avignon 2024  

Cette année l’édition du festival d’Avignon IN s’ouvrira le 29 juin et se déroulera jusqu’au 29 juillet. Plusieurs spectacles créés par des metteurs et metteuses en scène latinoaméricains, joués souvent en espagnol surtitrés sont proposés aux spectateurs du IN, et sont actuellement réservables en ligne. Pour ce qui est de l’édition Off du Festival, qui se tiendra quant à elle du 3 au 21 juillet 2024, là encore les possibilités sont plurielles et variées, ce que l’on découvre à la lecture du programme qui ne compte pas moins de 1666 spectacles !

Photo : Avignon Festivals

La metteuse en scène péruvienne Chela de Ferrari propose dans la pièce La Gaviota une adaptation de La Mouette d’Anton Tchekhov. L’uruguayen Gabriel Calderón adapte Richard III de William Shakespeare dans Història d’un senglar (0 alguna cosa de Ricard). Le chilien Malicho Vaca Valenzuela présente une création de 2021, Reminiscencia. Une autre artiste uruguayenne sera présente, Tamara Cubas dont le spectacle Sea of Silence se joue en plusieurs langues : l’espagnol, l’édo, l’arabe, le mapuche, le malais, le didxazá et le borum. La création argentine sera également de la partie avec plusieurs artistes. En effet l’écrivaine, metteuse en scène et réalisatrice Lola Arias met en scène Los días afuera, deuxième partie d’un diptyque commencé avec le film Reas. Une ombre Vorace est la création 2024 de Mariano Pensotti, et Tiziano Cruz propose quant à lui deux spectacles : Soliloquio et Wayqeycuna. Ces propositions multiples que nous pourrons bientôt découvrir témoignent à la fois de la richesse de la création latinoaméricaine et du rayonnement de celle-ci au vu de la place qu’elle occupe dans la programmation du festival In de 2024. 

Pour ce qui est de l’édition Off du Festival, qui se tiendra quant à elle du 3 au 21 juillet 2024, là encore les possibilités sont plurielles et variées, ce que l’on découvre à la lecture du programme qui ne compte pas moins de 1666 spectacles ! En le feuilletant l’on voit que plusieurs pièces explorent les contextes du XXesiècle en Amérique latine, que ce soit par exemple Buenos Aires 1920, mise en scène par Raffaele Salis, ou Desaparecidos, montée par Nichola Michele, ou encore La disparition de Joseph Mengele, d’Olivier Guezprésenté au théâtre du Chêne Noir. 

Le spectateur pourra, au théâtre des Corps Saints, aller à la rencontre de Frida et de Dali/ Fridalilogue, une pièce mise en scène par Dominique Fataccioli, ou aller écouter la lecture de l’unique pièce de théâtre de Gabriel García Márquez Diatribe d’amour contre un homme assisà la maison de la Parole du 3 au 8 juillet. Il pourra poursuivre son itinéraire artistique au son des rythmes latinoaméricains, notamment au théâtre Golovine avec le spectacle de danse Last Birds interprété par la Tangoart Company qui propose une écriture contemporaine du tango. Nous aurons quant à nous à cœur d’aller découvrir au théâtre de l’Adresse la pièce Lorca jouée en espagnol surtitré, montée par la chilienne Jessica Walker, qui avait présenté en 2023 la pièce très réussie Allende, dont les partis pris de mise en scène audacieux et novateurs ont offert aux spectateurs une vision moderne, militante et poignante des années de dictature au Chili. 

Et nous recommandons vivement la pièce La jeune Fille et la mortadaptée de la pièce du chilien Ariel Dorfman, mise en scène par Stéphane Battle et interprétée par la Cie L’espace d’un moment. Forte de son succès en 2023 elle est de nouveau représentée en 2024 au théâtre Tremplin. Cette pièce internationalement connue et reconnue, qui a également été adaptée au cinéma par Roman Polanski dans le film intitulé The Death and the Maiden en 1994 est l’histoire d’une rencontre entre trois personnages : Paulina Salas, son mari avocat Gerardo et Le docteur Roberto Miranda en qui Paulina reconnaît la voix, les gestes et les habitudes de son bourreau. L’histoire se déroule dans un lieu indéfini, qui pourrait être le Chili mais pourrait également se faire l’écho d’autres contextes historiques de la fin du XXe siècle voire du début du XXIe ce qui confère à cette œuvre une dimension contemporaine voire universelle.

Dans la proposition du metteur en scène Stéphane Battle, la tension dramatique est omniprésente et ne cesse de croître. Les trois comédiens de cet intense huis-clos captivent leur auditoire, véhiculent les émotions fortes des victimes incarnées par le personnage de Paulina Salas, interprétée par Isabelle Matras, et parviennent à transmettre à la fois l’ampleur du drame vécu intimement et la complexité de ce contexte de ‘réconciliation nationale’ où les victimes se doivent d’accepter de cohabiter avec leurs bourreaux. Nous ne pouvons que saluer ce choix de représenter cette œuvre chilienne au festival Off d’Avignon pour la 2ème année consécutive. Car si le fait de présenter cette pièce en France en 2024 témoigne sans nul doute de la valeur littéraire et toujours actuelle du texte de Dorfman, ce choix exprime également avec conviction la nécessité absolue de transmettre, de mettre en mots, de mettre en scène, de garder en mémoire, et d’exiger que justice soit faite face aux crimes contre l’humanité qui ont pu être commis par le passé ou qui le sont encore aujourd’hui ici ou ailleurs.