Au Venezuela des élections présidentielles jouées d’avance

L’élection présidentielle vénézuélienne se tiendra le 28 juillet, date de naissance de Hugo Chávez. Des pays latino-américains et l’Union européenne qui devaient envoyer des observateurs sur le déroulement des élections renoncent ou sont récusés par les instances électorales vénézuéliennes. Le Brésil et la Colombie viennent d’officialiser leur décision. L’Union européenne « regrette profondément » sa révocation. « Bien ou mal », l’élection de Nicolas Maduro pour un troisième mandat est donc acquise.

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À la fin de l’année 2018, en marge d’un sommet sur la crise vénézuélienne, réunissant à Montevideo plusieurs États latino-américains et États membres de l’Union européenne, cette dernière proposa une initiative de résolution de crise, avec la création d’un Groupe de contact international (GCI). Composée de l’Union européenne, de huit de ses États membres ainsi que de cinq États latino-américains, cette initiative avait le mandat de contribuer à l’obtention des garanties d’organisation d’élections libres et démocratiques dans le pays plongé dans le chaos économique et social depuis plus de dix ans.

La clôture des candidatures pour l’élection présidentielle du 28 juillet avait lieu le 26 mars 2024. Tout le monde a pu observer alors Nicolas Maduro et l’Etat vénézuélien organiser d’une part l’éviction de candidats susceptibles de remporter la présidentielle et, d’autre part, mobiliser de multiples candidatures marionnettes pour effriter les oppositions. Maria Corina Machado, qui a largement remporté la primaire de l’opposition a été criminalisée et déclarée inéligible et la candidate qu’elle avait choisie pour la remplacer, Corina Yoris, n’a pas été reçue dans les locaux du Conseil National électoral (CNE) où elle souhaitait s’inscrire. L’opposition et les observateurs nationaux et internationaux avaient accusé le CNE d’avoir volontairement bloqué sa candidature. L’opposition a finalement enregistré la « candidature provisoire » de l’ancien diplomate, peu connu, Edmundo Gonzalez Urrutia.

Le 29 mai, le Tribunal Supérieur Electoral (TSE) du Brésil, invité par le Venezuela a confirmé qu’il n’enverra pas une mission d’observateurs au Venezuela. Il n’a pas expliqué les raisons de sa décision ni donné d’informations sur une éventuelle mission d’observateurs du Forum des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) que le Venezuela avait invité, Forum qu’il souhaiterait rejoindre.  La tentative du Venezuela n’avait pas été retenue lors de la dernière session des Chefs d’Etats qui s’est tenue en Chine en 2023.

Une semaine auparavant, la Colombie avait annoncé qu’elle n’enverrait pas non plus une mission électorale. Le ministre colombien des Affaires étrangères, Luis Gilberto Murillo, a expliqué que le “temps” manquait pour “structurer” la mission avec les « caractéristiques techniques » exigées par les autorités vénézuéliennes. Les présidences du Brésil et de la Colombie, points forts de « l’arc progressiste » latino-américain, avaient exprimé en mars leur “préoccupation” pour les obstacles imposés aux oppositions au moment de l’inscription de leurs candidats. L’Uruguay avait été plus ferme en déclarant que « le Venezuela se consolidait comme dictature ». 

Le CNE, après avoir accepté d’inviter l’Union européenne (UE) à observer le scrutin du 28 juillet, conformément à l’accord passé avec l’opposition dans un long cycle de négociations arrêté à La Barbade, fait volte-face. Son autorisation est finalement révoquée, l’UE n’ayant pas levé les sanctions appliquées à des membres du régime de Maduro. La réaction de Maduro ne s’est pas faite attendre : « C’est un fait public, notoire, que cette année, l’Union européenne, dans sa position colonialiste historique, a ratifié des sanctions unilatérales et génocidaires contre le digne peuple vénézuélien, a-t-il lancé. Il serait donc immoral de permettre sa participation en connaissant ces pratiques néocolonialistes et interventionnistes contre le Venezuela. » On ne connaissait pas l’UE comme puissance impérialiste et agressive mais plutôt comme médiateur soucieux de la promotion de valeurs et de normes démocratiques. 

Nul doute que les USA, l’Union Européenne, des pays latino-américains et l’ONU se diront « préoccupés » par la situation. Chacun mesurera les dommages de la situation à l’aune de ses intérêts et de ses préoccupations  : le pétrole, le trafic international des drogues, l’immigration massive, les tensions régionales.  Les malheurs du peuple vénézuélien comptent peu ou sont inexistants par définition : « Nous sommes le peuple au pouvoir. Bien ou mal, nous gagnerons les élections » disait Maduro en février 2024 devant un parterre de militants bolivariens.