Mort de Nora Cortiñas, figure emblématique des Mères de la Place de Mai

Nora Cortiñas, cofondatrice historique des Mères de la Place de Mai, s’est éteinte dans la soirée du jeudi 30 mai. Elle était et restera un éclair de lumière qui semblait être partout, toujours à la recherche de son fils Carlos Gustavo, enlevé et disparu pendant la sanglante dictature militaire argentine (de mars 1976 à 1983). Elle est devenue au fil des années la mère des 30 000 disparus durant cette époque de terreur. 

Photo : Pagina 12

Partout où quelqu’un avait besoin de solidarité, elle était là. “Norita” n’a jamais cessé de se battre, “même dans son sommeil” comme elle le disait. Elle avait 94 ans et a participé à toutes les manifestations en cette année dure et difficile. Elle était encore dans la rue il y a quelques jours, avant d’être transférée à l’hôpital où elle est décédée. “Norita” pouvait participer dans une même journée aux actions et revendications des organismes de défense des droits de l’homme, aux sit-in, aux manifestations et mobilisations, avec tous ceux qui avaient besoin d’elle, prenant également part aux soupes populaires, dans les villes les plus pauvres, répondant à chaque appel de solidarité, en Argentine et dans le monde.

Parmi les autres lieux qui l’ont touchée, citons son voyage à Haïti, dont elle aimait le peuple, et dans tant d’autres pays, où elle a été reconnue et a reçu des prix, devenue un symbole de cohérence, d’amour et de solidarité, mais aussi un exemple pour toutes les mères qui, comme elle, cherchaient leurs enfants, ou crient justice dans un monde injuste, intolérant et chaque jour un peu moins humain. Elle vivait à Ciudadela, dans l’agglomération de Buenos Aires. Elle portait son foulard blanc et le ruban vert, symboles des mouvements féministes. Le 24 mars dernier elle était en tête de la marche pour les droits humains, aux côtés de son grand ami Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de paix 1980. Ce que personne n’aurait imaginé c’est que ce 30 mai, Pérez Esquivel a appris le décès de sa grande amie au moment même où il pleurait, avec sa famille, la mort d’Ernesto, le deuxième de ses trois enfants.

Dans le communiqué de presse, la famille de Nora dit qu’elle a été « une référence majeure pour sa lutte sans relâche pour la défense de la vie et des droits humains. Elle a rejoint les Mères de la Place de Mai suite à l’enlèvement de son fils Carlos Gustavo Cortiñas le 15 avril 1977 (dont on n’a jamais retrouvé la dépouille). Sa sensibilité singulière et son idéal incontesté, en faveur de celles et ceux qui ont le moins, a fait qu’elle a gagné le respect et l’affection inconditionnelle des peuples. » 

« En ce sens, nous voulons faire savoir que Nora a été accompagnée et soutenue par l’amour de sa famille jusque dans ses derniers instants et nous tenons à remercier toutes les expressions de reconnaissance et d’affection qu’elle a reçues tout au long de sa vie, et qui nous réconfortent chaleureusement dans ces jours si difficiles. Elle était profondément préoccupée par la grave situation que traverse actuellement notre pays et toujours prête à être présente là où il y avait quelconque injustice. […] Norita a lutté jusqu’à son dernier souffle pour la construction d’une société plus juste. Il nous reste la fierté d’avoir partagé sa vie et sa sagesse, qui laisseront une empreinte indélébile dans notre famille et notre société. »