Le Centre des Monuments Nationaux a invité Alicia Paz à exposer ses œuvres au Château de Haroué, bijou de l’architecture lorraine du XVIIIe siècle et propriété de la famille des Beauvau- Craon depuis huit générations, du 26 mai au 3 novembre 2024. L’exposition, curatée par Bénédicte Delay, rassemble des œuvres de différentes périodes et des pièces nouvelles partiellement inspirées par les collections et la vie de la princesse Minnie de Beauvau-Craon disparue en mai 2023. Ses racines internationales, ses liens avec la culture latino-américaine, son goût pour les voyages et son courage dans son combat pour la sauvegarde du château ont été autant de sources d’inspiration pour l’artiste qui souhaite lui rendre hommage.
Photo : DR
Alicia Paz est née en 1967 et a grandi au Mexique, avant de vivre aux États-Unis, en France, en Allemagne et aujourd’hui au Royaume-Uni. Son parcours nomade et son sentiment d’identité « arborescente » l’invitent à explorer les notions de migration, de généalogies et d’échanges interculturels. Parce qu’ils reflètent sa propre hybridité culturelle, les représentations d’azulejos occupent une place centrale dans ses peintures. En effet, dès le XVIe siècle, il est possible de suivre les routes du commerce de ces carreaux en céramique au décor bleu et blanc, créations islamiques au départ, de la Chine vers l’Espagne en passant par le Mexique, puis vers l’Angleterre, le Portugal et les Pays-Bas, produisant mille et une variations au fil des étapes. Le va-et-vient entre la peinture sur céramique et la céramique peinte en trompe-l’œil fascine Alicia Paz, tout autant que le concept de la grille et celui du fragment. Les représentations de joints à la peinture jaune entre les carreaux aux contours imparfaits évoquent la technique du kintsugi – « jointure en or » -qui rend visibles les accidents et les considèrent comme sources d’enrichissement et de beauté. Le parallèle avec la notion de kintsugi peut être élargi à l’ensemble des portraits d’Alicia Paz dans la mesure où l’artiste emploie des “cadres” dorés, théâtraux et baroques qui mettent en valeur des personnages féminins trop longtemps marginalisés et symbolisent ainsi une forme de réparation historique.
Avec ses multiples portraits de femmes de la série Juntas (Ensemble) 2021 – 2024, elle célèbre les luttes et l’histoire remarquable, souvent méconnue, de la vie de celles qui l’ont inspirée et soutenue tout au long de son parcours : des écrivaines, des artistes, des chanteuses, des scientifiques ou tout simplement des amies. Son vocabulaire allie avec une grande liberté arts décoratifs et artisanat, baroque et photographie, matière et trompe-l’œil et crée un univers poétique propice à une conversation imaginaire commune entre ces femmes, à travers différentes époques et différents continents. Le féminisme s’affirme ici comme camaraderie entre femmes, porteuse de soutien et productrice d’identité individuelle.
Le bleu, les thèmes de l’eau et du voyage sont omniprésents ; l’eau comme métaphore non seulement de la fluidité de l’identité mais aussi pour évoquer le mouvement perpétuel et la connexion entre les femmes du monde entier. « Mon utilisation du bleu, ma représentation de bateaux et de vagues dans certaines de mes œuvres et même ma représentation de femmes pirates (…) sont une façon pour moi de rendre hommage à des explorations courageuses et créatives de soi, qui sont aussi profondes et vastes que l’océan ! », déclare l’artiste.
Parallèlement à l’exposition, quelques œuvres plus anciennes ponctuent le parcours de la visite du château, clins d’œil de l’artiste en résonance avec le lieu comme le double portrait carnavalesque Laughing Wall, Wailing Wall (Mur des rires, mur des lamentations), 2016 et Tears of Laughter (Larmes de rire), 2019, pied-de-nez à l’autorité de la peinture de portrait historique, les portraits de femmes – fleurs masquées de la série Dark Flora (2011 – 2012) évocateurs de l’ambiance libertine des fêtes organisées à Haroué au XVIIIe siècle par la ravissante Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon ou encore le « livre-peinture » Sol (2019), dont le portrait fantastique invite à se laisser porter par la beauté enchanteresse du château.
Biographie de l’artiste
Alicia Paz est née au Mexique en 1967 et vit actuellement à Londres. Elle est diplômée de la University of California, Berkeley, de l’École Nationale des Beaux-Arts, Paris, du Goldsmiths College et du Royal College of Art, Londres. Parmi ses expositions personnelles, on compte Juntas, Maison de l’Amérique latine, Paris (2022), River and Sea, Beecroft Gallery, Southend-on-Sea (Royaume-Uni, 2021), River Makers, 20-21 Visual Arts Center, North Lincolnshire (R.U, 2021), Museo Leonora Carrington, San Luis Potosí, (Mexique, 2019), The Garden of Folies, Kunstmuseum Kloster Liebe Frauen, Magdeburg (Allemagne, 2016), galerie Dukan à Leipzig (Allemagne, 2014), Institut Culturel du Mexique à Paris (2013). Une semi-rétrospective de son œuvre a été organisée au L.A.C. à Sigean en collaboration avec le FRAC Occitanie dans le cadre de la manifestation Casanova Forever (2010).
Alicia Paz a participé à de nombreuses expositions collectives telles que Le Cabaret du Néant, FRAC Ile-de-France, Château de Rentilly (2020), Life Stories, Chatsworth House, Derbyshire (Royaume-Uni, 2021), Emotionarama, PEER, London (2021) Tous de sang-mêlés, MACVAL, Vitry-sur-Seine, France (2017), Heute. Spektrum. Malerei, Kunstmuseum Magdeburg (2012), Slow Magic, Contemporary Approaches to Painting, Bluecoat Gallery, Liverpool (2009). Ses œuvres sont conservées dans diverses collections privées et publiques en France et à l’étranger : Maison de l’Amérique latine, Paris, Musée d’art moderne de Céret, Frac Île-de France, Frac Occitanie Montpellier, Fonds d’art contemporain – Paris Collections, Chelsea and Westminster Hospital, Londres (Royaume-Uni), Kunstmuseum Kloster Unser Lieben Frauen, Magdeburg (Allemagne), Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires (Argentine), Museo Leonora Carrington, San Luis Potosí, (Mexique).
Retrouvez plus d’informations sur : https://www.chateau-haroue.fr/agenda/alicia-paz-explorations-au-feminin
D’après le Centre des Monuments Nationaux (CMN)