Paraît ces jours-ci aux éditions du Sous-Sol un roman choral féministe signé Dahlia de la Cerda et traduit par Lise Belperron, qui met en résonance les récits d’une dizaine de femmes dans le Mexique d’aujourd’hui.
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Dahlia de la Cerda est diplômée en philosophie et elle a travaillé dans une usine, a été serveuse dans un bar et vendeuse dans un marché aux puces, et qu’elle codirige actuellement un collectif féministe qui s’appelle “Morras Help Morras”. Dans la quatrième de couverture qui pourrait être une sorte de condensé des petits récits qui constitue le livre : avec cette multiplicité des expériences, le truc un peu punk qu’on devine, qui fait penser à Virginie Despentes parfois quand on la lit : dans la manière d’accueillir dans sa langue celle des autres, d’autres femmes qui proviennent de classes diverses et dont les expériences diffèrent à ce titre mais qui dans le fond prennent en commun un risque : celui que constitue l’unique fait d’être une femme, dans un pays par ailleurs tristement connu pour le nombre effroyable des féminicides qui ponctuent son quotidien – en moyenne dix femmes tuées par jour. Le livre s’achève d’ailleurs avec la litanie livrée sans ménagement de crimes terrifiants, lus dans les journaux par une jeune femme qui pleure la mort de son amie.
Un dernier chapitre qui répond au premier: quatre pages intitulée “Persil et coca-cola” décrivant un avortement artisanal et solitaire, celui d’une étudiante dans un petit appartement – pas l’horreur des cintres et des hémorragies, pas de lyrisme, pas de sensationnalisme particulier – l’écriture au ras d’une expérience dont la banalité n’ôte pas la douleur, mais au contraire, la place dans une perspective singulière et révoltante, qui est dans le fond, celle que nous impose ce chœur de femmes: c’est horrible, mais c’est comme ça. Je dis “chœur” car tout le livre est ponctué de références musicales, au reggaeton à la pop, et aussi aux “corridos”, ces ballades traditionnelles mexicaines composées souvent en l’honneur d’un parrain, d’un ou d’une aimée. Chiennes de garde en figure en quelque sorte lui-même un recueil puissant.
D’Après France Culture
Le regard culturel
Chiennes de garde de Dahlia de la Cerda, traduit par Lise Belperron, aux éd. du Sous-sol, 240 p., 21,50 euros.