LIMA (AP) – Le Premier ministre péruvien Alberto Otarola a démissionné mardi à la suite d’une controverse déclenchée par la diffusion d’un enregistrement audio dans lequel on l’écoute de manière plus ou moins claire en train de favoriser et d’offrir un emploi à une femme en échange de faveurs intimes. Cette affaire a été qualifiée d’abus de pouvoir par un groupe de législateurs.
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« Aujourd’hui, lors d’une conversation avec la présidente, j’ai annoncé ma décision de démissionner de la présidence du Conseil des ministres… afin que la présidente ait l’esprit tranquille et qu’elle puisse recomposer son cabinet comme elle l’entend et travailler pour les personnes défavorisées », a déclaré M. Otárola lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion de son retour anticipé du Canada en raison de ce scandale.
Le Ministère public avait déjà annoncé lundi soir l’ouverture d’une enquête à son encontre, dans laquelle Otárola était désigné « comme instigateur présumé » du délit de corruption dans les modalités de contrat incompatible et de parrainage illégal. Le scandale a éclaté dimanche par la diffusion sur une chaîne de télévision locale de l’enregistrement d’un présumé échange entre M. Otárola et une jeune femme de 25 ans qui s’est retrouvée à travailler à la classification de dossiers pendant plusieurs mois en 2023 au ministère de la défense, où il fut ministre. Dans l’enregistrement, on entend la voix du Premier ministre qui demande à la femme de sortir avec lui, il lui dit « amour », « je t’aime », lui demande des nouvelles de « ses chatons » et lui rappelle de ne pas oublier de lui envoyer son Curriculum Vitae.
La date exacte de l’enregistrement et la question de savoir si la supposée conversation fut enregistrée lorsque Otárola était déjà un haut fonctionnaire du gouvernement péruvien n’a pas été divulguée. La présidente péruvienne Dina Boluarte a déclaré lundi dans un communiqué diffusé depuis son bureau qu’elle attendrait le retour de M. Otárola d’un forum sur l’investissement minier auquel il a participé au Canada pour entendre ses raisons et prendre les mesures qui s’imposent.
Le premier ministre était le fonctionnaire le plus influent du gouvernement de la présidente, Dina Boluarte, depuis le 21 décembre 2022. Deux semaines avant de prendre ce poste, il a été chargé du ministère de la défense et, avant l’entrée en fonction de la présidente, il a été son avocat personnel. Lundi également, un groupe de parlementaires a déposé une demande d’interpellation contre le premier ministre, affirmant que, à la demande d’Otárola, un total de sept femmes avaient été embauchées de manière abusive.
La requête indique que les faits connus « pourraient être liés à l’abus de pouvoir pour contraindre et obtenir des avantages de nature intime ou sexuelle, ce qui constitue une forme de harcèlement sexuel ». À son retour au Pérou, M. Otárola a déclaré à la presse que l’enregistrement avait été monté dans le but de « ternir son image » et a indiqué que l’ancien président Martín Vizcarra (2018-2020) en était l’auteur, sans toutefois donner de détails ni présenter de preuves. Il a déclaré que toutes les enquêtes nécessaires devaient être menées et que « celui qui doit procéder à l’analyse d’expertise » de l’audio devait être le ministère public.
Mardi avant midi, trois législateurs de différents partis ont déposé trois plaintes constitutionnelles pour corruption contre le premier ministre devant une sous-commission du Congrès. Il s’agit de la première étape avant que le premier ministre ne soit jugé par les tribunaux ordinaires et, si l’affaire est résolue, qu’il ne puisse plus exercer de fonctions publiques pendant 10 ans. La femme qui apparaît dans l’enregistrement, Yaziré Pinedo, 32 ans plus jeune que le premier ministre, a déclaré lundi soir dans une interview à la chaîne de télévision N qu’en janvier 2021, elle avait eu une relation amoureuse avec M. Otárola pendant “moins d’une semaine », mais qu’il n’était pas fonctionnaire à l’époque.
La femme a déclaré que la diffusion de cet enregistrement visait la destitution d’Otárola. Il s’agit de la deuxième enquête du parquet à l’encontre d’Otárola. En novembre, le bureau du procureur avait dénoncé M. Otárola devant le parlement, ainsi que le président, pour homicide aggravé et blessures graves en relation avec les décès survenus lors des manifestations sociales qui exigeaient la démission de M. Boluarte entre décembre 2022 et mars 2023. Au total, 49 Péruviens sont morts dans des affrontements contre les forces de sécurité, selon le bureau du médiateur.
D’après Apnews
Traduit par Yiré Sekongo