Haïti, sans élus et livré à des gangs meurtriers, traverse en ce début d’année la période la plus difficile de son histoire depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. La spirale de la violence a profondément perturbé toutes les activités socio-économiques et la libre circulation des personnes et des biens, affectant notamment la capitale Port-au-Prince. Les attaques par des gangs armés contre les hôpitaux, les écoles, les aires de jeux, les marchés et les transports ont atteint un niveau alarmant.
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La mort du président Jovenel Moïse, assassiné le 07 juillet 2021, a entraîné une crise politique, sociale et humanitaire sans précédent. Le premier ministre, Ariel Henry, qui avait été choisi par le président Moïse 24 heures avant sa mort, s’entête à organiser les élections présidentielles censées mettre fin à la période de transition. Toutefois cette initiative viole l’accord conclu en décembre 2022 avec les représentants des différents partis politiques et d’organisations de la société civile et ayant pour prétexte qu’il est impossible d’organiser des élections dans un climat de violence causé par des gangs armés.
En effet, Jovenel Moïse a été attaqué et assassiné par un commando qui avait pris d’assaut sa résidence privée. La mort du chef de l’État haïtien a été annoncée par Claude Joseph dans un communiqué au matin du mercredi 7 juillet : il faut souligner qu’avant même son décès, Moïse était de plus en plus contesté et accusé de dérives dictatoriales et d’encourager le chaos. Depuis lors, la situation politique, sécuritaire et humanitaire en Haïti est très préoccupante. Sur le plan politique : les institutions sont bloquées, muselées, et le chef de l’État, dont le mandat aurait dû s’achever le 7 février dernier selon l’opposition politique, gouverne par décrets sans passer par le Parlement, après avoir laissé passer la date du scrutin censé permettre le renouvellement de la Chambre des députés et de deux tiers des sénateurs. Un référendum constitutionnel annoncé pour le 26 septembre prochain, en même temps que le premier tour de l’élection présidentielle, déjà reporté à deux reprises pour cause de crise politique, devrait renforcer encore les prérogatives de l’exécutif. Accusé, au mieux, de passivité face au pouvoir croissant des gangs contrôlant des quartiers entiers de Port-au-Prince, Jovenel Moïse avait changé trois fois de Premier ministre au cours des quatre dernières années. À l’avant-veille de son assassinat, il avait d’ailleurs choisi un nouveau chef du gouvernement, un médecin neurologue, le Dr Ariel Henry, nommé le lundi 5 juillet. Un Premier ministre nommé, mais qui n’avait pas encore eu le temps de former son gouvernement ; or, avec la mort du chef de l’État, c’est son prédécesseur assurant l’intérim, Claude Joseph, qui a pris les rênes du gouvernement et décrété l’état de siège. Une mesure contestée par le Premier ministre nommé, Ariel Henry, lequel a appelé son prédécesseur au dialogue « pour arriver à un accord qui nous permettra d’aller dans un meilleur climat aux élections ».
Ainsi, après la démission de Claude Joseph, Ariel Henry avait conclu un accord avec les partis politiques et les organisations de la société civile pour organiser les élections. Mais, face au taux d’insécurité trop élevé causé par des gangs armés, le premier ministre a estimé impossible d’organiser des élections dans une telle situation. Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, les gangs en Haïti ont dramatiquement gagné en influence, jusqu’à contrôler environ 80 % de la capitale, Port-au-Prince. Face à eux, la police haïtienne est peu nombreuse, mal équipée, et l’État est plus que jamais affaibli. Les populations civiles sont les premières victimes de ces criminels qui pillent, violent, tuent et gagnent de l’argent grâce au racket et aux rançons des enlèvements, comme cela a été le cas le 23 février dernier quand des groupes criminels ont enlevé des prêtres.
Selon un rapport récent des Nations unies, près de 2 800 meurtres ont été commis entre octobre 2022 et juin 2023. C’est dans ce contexte que le premier ministre haïtien, Ariel Henry, avait réclamé, à la tribune de l’ONU, en octobre 2022, une intervention sécuritaire en urgence. Presque un an après, le 2 octobre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies a finalement donné son accord. Le Kenya, qui s’est porté volontaire, prendra la tête de la mission. De plus, la situation humanitaire est de plus en plus inquiétante en raison de la violence des gangs armés qui paralysent tous les secteurs d’activités du pays. En 2023, le pays a connu le plus grand nombre d’assassinats, de kidnappings, de lynchages et d’agressions sexuelles de ces cinq dernières années. À la fin de cette même année, on comptait 314 000 déplacés à l’intérieur du pays dans les zones stables. Le 26 février 2024, l’OIM reprit par RFI (Radio France Internationale), avance un nouveau chiffre revu à la hausse avec plus de 346 000 personnes qui ont été forcées de quitter leur habitation face aux attaques armées des gangs. Des régions jusque-là épargnées, comme l’Artibonite ou le Centre, sont aujourd’hui elles aussi confrontées au phénomène. Mais c’est surtout à l’intérieur même de la capitale Port-au-Prince que la grande majorité de ces déplacements forcés est enregistrée. Près de la moitié de la population ne mange pas à sa faim, faisant d’Haïti l’un des pays où sévit l’une des plus graves crises alimentaires au monde.
La spirale de la violence a profondément perturbé toutes les activités socio-économiques et la libre circulation des personnes et des biens, affectant notamment la capitale Port-au-Prince. Les attaques par des gangs armés contre les hôpitaux, les écoles, les aires de jeux, les marchés et les transports ont atteint un niveau alarmant. « Aller à l’école, à l’hôpital ou au marché, cultiver son champ ou se procurer de l’eau potable est devenu une épreuve pour des millions d’Haïtiens. Car franchir le seuil de sa maison, c’est risquer de mourir sous les balles, d’être kidnappé par les gangs armés ou de subir des violences inimaginables comme des viols collectifs », a déclaré la coordinatrice de l’action humanitaire aux Nations-Unies, Ulrika Richardson.
Mandou DIAO