Au Théâtre de l’Élysée à Lyon, du 5 au 8 mars à 19 h 30 pour une durée de 1 h 10, découvrez Vie et morts de La Malinche, une pièce interprétée en espagnol et en français qui s’attache à dépeindre le personnage incontournable de La Malinche.
Photo : La Malinche
Malinche a 16 ans quand on l’offre en tant qu’esclave vierge au conquistador espagnol Hernán Cortés. Elle devient alors sa traductrice, compagne, main droite et stratège dans la conquête des terres mexicaines. Dans l’imaginaire mexicain, elle est la mère du métissage, du Mexique même, mais il s’agît d’une mère traitresse, une mère violée, entachée. Sans deviner l’envergure du moment historique qu’elle traverse, cette jeune femme Nahua fait le lien entre deux cultures que tout sépare, entre une civilisation agonisante et la promesse confuse d’un nouveau monde. Tout du long, son histoire nous renvoie ainsi à l’héritage du colonialisme et à l’effondrement contemporain.
La note d’intention
Grâce aux chroniqueurs, nous savons que la Malinche était une princesse maya offerte en tant qu’esclave par sa mère alors qu’elle était encore une enfant, à la suite d’un conflit. Offerte plus tard à la troupe d’Hernán Cortés alors qu’il foulait pour la première fois les terres mexicaines, elle deviendra bientôt son interprète officielle pour les échanges en maya et en nahuatl, puis son amante, voire sa main droite et conseillère. La plupart des historiens s’accordent sur la position de pouvoir privilégiée qu’elle occupait : elle aurait traduit, négocié, planifié, et même commandé les troupes aux côtés de Cortés. La fusion est telle entre les deux membres du couple que les Indiens finissent par appeler le commandant espagnol d’après elle : le Malinche. Tout se passe comme si c’était lui qui l’accompagnait dans la conquête et non pas elle.
Nous savons aussi qu’ils ont eu un enfant ensemble, Martín Cortés, qui sera considéré symboliquement comme le premier Mexicain, le premier métis. Symboliquement, parce que Cortés aura de nombreux enfants légitimes et illégitimes avec des Espagnoles comme avec des Américaines, avant de se marier avec une femme espagnole de la noblesse. La Malinche, elle, sera finalement donnée en mariage à l’un des hommes de confiance, et elle disparaît ensuite de l’Histoire.
J’aimerais aborder cette figure énigmatique, devenue aujourd’hui une icône du féminisme, par le biais d’une exploration des mythes et des représentations passées et présentes du personnage, mais sans oublier les vides de l’intime, les zones grises de son histoire que nous n’arriverons jamais à éclaircir, et qui sont autant de terrains fertiles pour l’imagination. Qu’est-ce qui l’a poussée à diriger la conquête du Mexique avec Cortés ? L’amour ? L’ambition ? Les deux ? Quelle était sa vision des Espagnols, du christianisme, des Aztèques, du moment historique qu’elle a vécu sans peut-être deviner son envergure ? Car s’il y a eu autant de projections symboliques sur sa vie, c’est parce que son histoire incarne l’un des évènements historiques les plus singuliers de l’histoire moderne : la découverte des Amériques et donc le choc, l’idéalisation et la fascination de deux cultures qui ignoraient jusque-là leur existence mutuelle.
Le texte, qui reconstruit à partir de fragments le tracé chronologique de cette biographie hors du commun, va et vient entre des moments intimes et des événements historiques clé, mais aussi entre un « je », celui de la Malinche dans son présent, et le regard contemporain, qui lui tend le miroir de la distance historique et des mythologies qui s’y construisent. La fiction est ainsi brisée constamment, pour nous rappeler que tout récit, même celui qui se prétend historique, reste un récit, une lecture, une fiction inspirée de faits réels.
Afin d’opérer cette distanciation, la mise en scène ainsi que le texte s’appuieront sur un rapport fort à l’image, à partir des représentations picturales de la Malinche, qui mettent en évidence les différentes projections symboliques qui ont été faites sur sa vie, ainsi que des nombreuses images contemporaines qui viennent signaler le lien entre cet épisode fondateur et le monde contemporain. La comédienne se fond avec les représentations du personnage qu’elle incarne, projetées sur son corps, pour jouer à tour de rôle celui qu’on lui propose, ou qu’on lui impose. Voir, pour les questionner aussi. À travers ces représentations, un abécédaire de gestes-symboles se crée et se développe, une chorégraphie qui se mêle subtilement au jeu pour représenter les couches de signification ajoutées progressivement sur le personnage.
Théâtre de l’Élysée
Texte & Mise en scène : Magdalena Bournot / Jeu : Gabriela Alarcón / Collaboration artistique : Thalia Pigier / Conception vidéo et mapping : Paula Alves, Maëlys Meyer et Ana Paula Mathias / Scenographie et Lumière : Luiza Kitar / Créaction son : Théo Rota