Terre noire est le premier roman de Rita Carelli, autrice brésilienne née en 1984 à São Paulo. Elle est également réalisatrice, autrice de livres jeunesse et plume du célèbre dirigeant autochtone Ailton Krenak
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Ana, dont les parents sont séparés, vit avec sa mère à São Paulo. Elle a peu de contact avec son père, un archéologue qui travaille en Amazonie sur les traces de peuplement dans la forêt. Lorsque sa mère meurt brutalement, il vient la chercher et lui propose de partir avec lui pour quelques mois dans le village qu’il habite dans le Haut Xingu, au cœur du Mato Grosso. Ce sera une expérience marquante pour la jeune adolescente réservée et bouleversée, qui changera le cours de sa vie.
Bien loin de chez elle, de ses habitudes de citadine et de sa vie bien réglée, Ana va découvrir la vie quotidienne, l’histoire, les traditions et mythes de ce village autochtone. Aux côtés de Maru, le petit garçon discret qui la suit comme son ombre et la sauve de nombreux mauvais pas ; de Kassuri la fille du chef, recluse, comme le veut la tradition, après l’arrivée de ses premières règles, ou encore Yakuri, elle apprendra à vivre dans ce nouvel environnement et enrichira sa vision du monde grâce aux histoires qui donnent à son peuple d’adoption leur manière de vivre. Ce sera également l’occasion pour le père et sa fille de partager un univers qui les marquera dans leur âme et dans leur chair.
La terre noire du titre, terra preta, c’est ce sol typique de certaines régions notamment amazoniennes qui, travaillé pendant des siècles par les peuples autochtones, nourri de charbon, de micro-organismes, de tessons de poterie et de cultures, a pris cette couleur sombre synonyme d’une fertilité presque magique. Elle est aussi, pour les archéologues, le signe d’une activité humaine très ancienne et en fait un terrain de fouille rêvé. Le père d’Ana le sait bien, qui creuse et explore pour rendre aux peuples amazoniens la durée de leur histoire. Et tandis qu’il creuse vers le passé, Ana se meut dans un présent plein de surprises, de découvertes et d’histoires.
Rita Carelli entrecroise les vies d’Ana, mettant en miroir le bouleversement de la perte de sa mère et sa vie dans une mégalopole, celle dans ce petit village où les liens de parenté sont autant sanguins que spirituels, et sa vie à Paris quand, jeune étudiante à la Sorbonne des années plus tard, elle travaille sur les mythes amérindiens. De São Paulo au Quartier Latin, le Xingu est toujours là, écho vibrant d’une expérience initiatique, rite de passage vers une elle-autre qui chamboule constamment son quotidien. Aller, partir, revenir.
Dans ce premier roman riche de la complexe simplicité d’un jeune regard, Rita Carelli raconte la (re)découverte de l’altérité, avec les autres, avec la nature, et avec soi-même. Abattant les frontières culturelles, son roman montre comment trouver dans d’autres cultures, aussi éloignées semblent-elles, des réponses, de nouvelles interrogations et surtout un autre prisme pour s’enrichir, contempler et exister dans le monde.
Marcelline PERRARD
Terre noire, traduit du brésilien par Marine Duval, éd. Métailié, 240 p., 21,50 €.
Pour savourer d’autres chroniques réalisées par Marcelline Perrard, nous vous donnons rendez vous sur son blog : Encore une tranche