La Fondation Jean-Jaurès et la Banque européenne d’investissement publient la deuxième édition de leur enquête sur les opinions publiques internationales face au défi climatique à l’occasion de la COP 28. Cette année, un focus a été mis sur l’opinion publique de 13 pays d’Amérique latine et des Caraïbes (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou, République domicaine, Salvador, Uruguay). Si la violence et la pauvreté dominent dans les préoccupations citoyennes, le changement climatique et la dégradation de l’environnement deviennent un enjeu majeur. En effet, les populations déclarent ressentir d’ores et déjà les effets du changement climatique dans leur quotidien.
Malgré des disparités entre les pays, l’environnement constitue bien un enjeu majeur pour les habitants du sous-continent. Touchés par les répercussions du changement climatique, ils attendent des mesures fortes de la part de leurs gouvernements et considèrent que des politiques volontaristes en faveur du climat seraient source de développement et de croissance économique. Une prise de conscience écologique se fait ainsi de plus en plus jour.
Le crime et la violence constituent le principal défi auquel doivent faire face les pays de notre étude, selon leurs habitants. Citée par près des deux tiers des répondants (64 %), la lutte contre la violence est l’enjeu qui domine au niveau de la région, suivi par la pauvreté et les inégalités économiques (49 %). Le Salvador, le Panama et le Paraguay sont les seuls pays à accorder une plus forte importance aux problématiques de chômage, alors que cet enjeu socio-économique arrive au troisième rang des préoccupations au niveau global (40 %).
Le changement climatique et la dégradation de l’environnement sont considérés comme un défi majeur par près de quatre répondants sur dix (39 %), dans les pays latino-américains et des Caraïbes. Il n’y a que dans trois pays du sud du continent que ces problématiques ne sont citées que par un tiers des répondants ou moins, et ne figurent pas parmi les cinq premières préoccupations des habitants : l’Argentine (24 %), le Paraguay (25 %) et le Chili (34 %).
Pour la très grande majorité des habitants de la région, le changement climatique résulte des activités humaines (76 %), telles que la combustion de pétrole, de gaz et de charbon. On ne compte que 5% de climatosceptiques au niveau régional, mais avec des représentations plus marquées au Brésil (7 %) et en Argentine (9 %). Les habitants des régions rurales se montrent également plus sceptiques quant au changement climatique : 12 % d’entre eux ne croient pas en son existence. Enfin, la part de négationnistes tend à diminuer avec l’âge : ils représentent 6 % des 50 ans et plus, mais seulement 4 % des 15-29 ans.
Les effets du changement climatique se font sentir de manière de plus en plus prégnante en Amérique latine et dans les Caraïbes et les dommages économiques que cela entraîne menacent d’accroître la pauvreté et les migrations de population dans la région. Les populations semblent majoritairement avoir pris conscience de l’urgence d’agir et se disent volontaires, prêtes à changer de comportement car elles considèrent que leurs actions individuelles ont un impact et peuvent contribuer à relever ce défi. Elles attendent également, de la part de leurs gouvernements, des engagements forts et des politiques plus strictes en matière environnementale.
D’un point de vue politique, bien que les pays latino- américains restent relativement disparates quant à leur implication dans la transition écologique, une prise de conscience écologique semble se dessiner. En ce mois d’août 2023, au Sommet de l’Amazonie, les pays sud-américains d’Amazonie réunis à Belém, au Brésil, ont décidé de former une alliance contre la déforestation, appelant à la nécessité d’« une action urgente afin d’éviter le point de non-retour ».
Le président brésilien Lula et l’Amérique latine de façon plus générale souhaitent désormais peser davantage sur le débat mondial en matière de changement climatique. Fort de la promesse de Lula de faire de la préservation de l’environnement une priorité pour son pays, le Brésil accueillera ainsi en 2024 la COP30, à Belém, au cœur de l’Amazonie. À l’instar du Costa Rica, qui est le premier pays à avoir inscrit dans sa Constitution le « droit à un environnement sain et écologiquement équilibré », les pays d’Amérique latine et des Caraïbes sauront-ils insuffler un état d’esprit progressiste pour protéger l’incroyable biodiversité du continent et permettre à leur population de vivre dans des conditions durables ?
Eugénie ARNAUD
Fondation Jean-Jaurès
www.jean-jaures.org