Sur le long chemin des négociations climatiques internationales en 2023, les pays latino-américains se sont réunis pour tenter une dernière fois d’opter pour une position commune en vue de la COP28 lors de la semaine pour le climat d’Amérique latine, du 23 au 27 octobre, à Panamá.
Photo : Dubai Press
La COP28 se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï. C’est en vue de ce jalon annuel important dans les négociations climatiques internationales que l’UNFCCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) a demandé que soient organisées cette année quatre semaines régionales du climat. L’objectif était de créer une dynamique alors que sera dressé le premier bilan mondial depuis l’Accord de Paris de 2015 à la 28e Conférence des parties, conçu pour tracer la voie vers la réalisation des principaux objectifs de l’Accord de Paris. Le Panama a accueilli la semaine régionale pour le climat d’Amérique latine, alors que ses rues s’embrasaient contre le projet d’extension de la plus grande mine à ciel ouvert d’Amérique centrale, un désastre écologique selon les manifestants, accordé par le gouvernement quelques jours plus tôt.
De même qu’ont cherché à le faire les pays africains lors de l’Africa Climate Week début septembre à Nairobi, les pays latino-américains aspiraient lors de ce sommet à s’entendre sur les défis et priorités communs afin de porter une voix unie à Dubaï. Néanmoins, il semble que les pays latino-américains aient éprouvé des difficultés à se mettre d’accord lors des nombreuses rencontres des acteurs de la région en amont de la COP28 : « Nous avons été incapables de négocier en bloc [dans les forums mondiaux sur le climat], contrairement à d’autres continents, comme l’Afrique », a déploré la ministre de l’environnement colombienne María Susana Muhamad lors d’une séance plénière publique.
Lors de la semaine régionale pour le climat à Panamá, ils étaient nombreux et venaient d’horizon différents : représentants de gouvernements locaux et nationaux, de peuples indigènes, de la société civile, d’entreprises privées se sont réunis autour de sujets divers comme les systèmes énergétiques et l’industrie, les infrastructures et les transports, les océans, l’eau, la société, la santé, et la liste n’est bien entendu pas exhaustive. En effet, tous les sujets étaient les bienvenus pour tenter une dernière fois avant la COP d’identifier quelques points d’entente à faire valoir sur la scène internationale. Des forums ont eu lieu en outre au sujet de l’atténuation des dommages causés par les catastrophes naturelles, sur la préservation des mangroves, ou encore sur le programme « Pacte pour l’emploi vert pour la jeunesse », lancé l’an passé au niveau mondial. Il a été annoncé que l’objectif régional est de créer un million d’« emplois verts » pour les jeunes dans les années à venir. Durant la semaine, trente-trois ministres de l’environnement de la région se sont réunis pour la treizième fois. Ce forum est l’espace de dialogue politique et de collaboration le plus vieux de la région en matière d’environnement.
Malgré les divergences entre les pays, sur les questions de combustibles fossiles ou de la responsabilité des pays en développement par exemple, la semaine a été l’occasion pour tous les acteurs de rappeler leur ambition commune : préserver le « superpouvoir » de la région, à savoir sa biodiversité terrestre et marine. La semaine s’est en outre clôturée sur une proposition de position commune pour la COP28, qui identifie les contributions de l’Amérique latine à valoriser dans le cadre du premier bilan mondial.
Maisa Rojas, la ministre chilienne de l’Environnement, a souligné que la région a été pionnière ces dernières années dans l’intégration des questions de genre dans les politiques sur le changement climatique. La ministre a indiqué que parmi les groupes régionaux des ministres de l’Environnement au niveau international, le groupe latino-américain est le seul qui détient un agenda « genre ». La transition vers les énergies renouvelables a été mise en avant comme enjeu ayant le plus progressé dans la région. Un rapport publié dans le cadre du sommet indique que cela permettra de doubler la production éolienne et solaire en 2027 par rapport au niveau actuel. D’autres vastes thèmes font l’objet de points d’ententes : biodiversité, pollution, éducation environnementale ou encore production durable. Les ministres ont également approuvé une « déclaration » en 51 points qui fixe l’agenda environnemental pour les années à venir et appelle le monde industrialisé à soutenir l’adaptation des pays d’Amérique latine au changement climatique.
C’est la première fois aussi que la région adopte une position commune, et parvient, un tant soit peu, de faire bloc à une conférence pour le climat. Mais la ministre de l’environnement colombienne a également affirmé à la presse que « ce n’est pas suffisant », et que les pays latino-américains savent qu’ils n’en ont pas fait assez pour avancer. En outre, si l’entente des pays sur certains sujets peuvent s’avérer être de premières victoires, elles ne débouchent pas pour l’instant sur l’annonce de mesures concrètes. Lors du sommet de Belém sur l’Amazonie début août, qui réunissait les sept pays de l’OCTA (Organisation de coopération pour le traité sur l’Amazonie), une « alliance amazonienne de combat pour la déforestation » avait alors été annoncée, témoignant de la volonté des pays d’avoir une position commune en vue de la COP28. Mais aucun réel plan d’action n’y a fait suite.
Au-delà de la COP28 il s’agissait aussi en 2023 de préparer la sixième assemblée générale des Nations unies sur l’environnement (UNEA 6) programmée en février en 2024 à Nairobi au Kenya. Face à la multiplication des évènements climatiques extrêmes dans la région ces derniers mois, les pays latino-américains ont tout intérêt à faire entendre leur voix, afin que des mesures concrètes d’atténuation et d’adaptation au changement climatique soient mises en place sur leurs territoires.
Julie DUCOS