Retratos fantasmes, « Portraits Fantômes » est un film empreint d’une belle nostalgie, un film résultant de la gentrification* des villes. Kleber Mendonça Filho nous emmène dans les mémoires des salles de cinéma avec son personnage du projectionniste et illustre la vision de la culture au Brésil et ailleurs… au gré des mutations politiques, grâce aux sublimes archives.
Photo : Allociné
Au cours du vingtième siècle, des millions de personnes fréquentaient les salles de cinéma dans le centre-ville de Recife, au Brésil. Aujourd’hui, leurs ruines révèlent quelques vérités sur la vie en société. Ce voyage multidimensionnel dans la ville de Recife, capitale brésilienne de Pernambuco, à travers le temps, le cinéma, le son, l’architecture et l’urbanisme. Cette visite impressionniste qui associe l’archive, la fiction, l’extrait de film, les souvenirs personnels est à la fois une cartographie de la ville et un hommage à la salle de cinéma qui tout au long du XXe siècle a été ce lieu de convivialité, réceptacle des rêves, des espoirs et des émotions.
Dans cette déambulation ludique, les individus se confondent avec les personnages, les lieux avec les décors, les paroles avec les dialogues. Portraits Fantômes met en avant, avec beaucoup d’humour, le rôle central des grands cinémas du XXe siècle dans la vie sociale et culturelle de Recife. Ces lieux de rêve et d’industrie ont été des espaces de convivialité et des témoins des changements de la société.
« À un moment donné explique le réalisateur, je me suis rendu compte que la rue où nous vivions, ainsi que notre maison familiale, étaient devenues les sujets de mes films. Notre cuisine et notre salon filmés en 35 mm Techniscope avaient un aspect un peu différent, mais ils restaient les endroits où je passais une bonne partie de ma vie. Je ressens la même chose dans le centre-ville de Recife, où de nombreuses photographies ont été prises et de nombreux films ont été tournés. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un sentiment régional, lié à mes propres racines «reciféennes» ou brésiliennes. » C’est la raison pour laquelle il a composé et dit le commentaire.
Portraits Fantômes nous entraîne dans un voyage fascinant à travers le temps, le son, l’architecture et le cinéma de ce territoire empreint d’histoire et d’humanité, dès le premier plan où l’on voit un cité résidentielle qui évolue au fil du temps avec des gratte-ciels « Ces images, ces photos, ces sons et ces images animées plus anciennes, ajoute Kleber Mendoza, m’ont permis de comprendre ma propre ville et le quartier dans lequel j’ai vécu pendant tant d’années, ainsi que ma relation au cinéma, à la fois en tant que cinéphile et en tant que cinéaste. Je pense que les sentiments de nostalgie ou de saudade sont inévitables lorsque nous regardons des images du passé. Une connexion honnête avec le passé semble aider le présent à respirer. » Un film pour ceux qui veulent réfléchir sur le cinéma et la manière de faire des films.
Alain LIATARD
La gentrification est un processus essentiellement urbain par lequel la population d’un quartier, ou d’une ville dans son ensemble, se modifie au profit de classes sociales favorisées dont l’installation se fait au détriment des classes plus modestes qui l’occupaient auparavant.