Le 20 octobre dernier, le gouvernement panaméen a signé un accord prolongeant l’activité de la plus grande mine à ciel ouvert d’Amérique centrale. En réponse, des dizaines de milliers de personnes protestent depuis deux semaines dans tout le pays pour obliger les autorités à annuler cette annonce aux perspectives sombres pour l’or vert panaméen.
Photo : Caretas
Une partie de l’activité du Panamá est ralentie depuis deux semaines due à des manifestations d’une grande ampleur contre la mine Cobre Panamá : l’exploitation du gisement de cuivre va y être étendue dans le temps et l’espace, alors qu’il s’agit déjà de la plus grande mine à ciel ouvert d’Amérique centrale. Des axes de transport sont bloqués, notamment l’autoroute panaméricaine qui relie le pays au reste de la région. Les commerces, les écoles et les administrations sont fermés régulièrement.
Les manifestants revendiquent l’arrêt d’un ravage écologique qui dure déjà depuis déjà plusieurs années et qui serait prolongé pour vingt, voire pour quarante ans supplémentaires. En effet le gouvernement a signé la loi qui rend effectif l’accord le 20 octobre 2023, avec Minera Panama, la filiale de la société d’exploitation canadienne First Quantum Minerals. Les autorités ne veulent pas se passer du gain économique a priori offert par l’élargissement de la mine. La signature de cet accord s’inscrit dans une volonté du gouvernement panaméen de relancer le secteur de l’industrie minière, annoncée en plein cœur de la pandémie.
Sous la pression des manifestants, le président Laurentino Cortizo a proposé dimanche 30 octobre de convoquer un référendum pour laisser les Panaméens décider que soit abrogée ou non la loi autorisant l’exploitation du gisement. Les autorités avaient en outre répondu aux manifestants vendredi 27 octobre que de nouvelles mesures seraient prises pour limiter les impacts écologiques : le gouvernement a émis un décret « déclarant l’interdiction d’accorder de nouvelles concessions de minéraux métalliques sur tout le territoire national », selon les mots de M. Cortizo dans un discours télévisé dimanche 30 octobre au soir, qui ne mentionnait pas le contrat controversé avec First Quantum Minerals. Sa déclaration n’a pas suffi à apaiser les esprits : dès le lundi matin, les opposants à l’exploitation du gisement étaient de nouveau dans la rue, convaincus que l’annonce présidentielle n’était qu’un écran de fumée. Le peuple n’a « aucune confiance dans le gouvernement », a affirmé un manifestant au micro du correspondant de RFI à Panama.
Cette mine fait en effet polémique depuis plusieurs années déjà. La Cour constitutionnelle a recueilli le 27 octobre une demande pour inconstitutionnalité du contrat, qui sera analysée dans les prochains jours. Mais, en 2017 déjà, la Cour suprême avait jugé le contrat précédent encadrant l’exploitation du gisement de cuivre en question comme anticonstitutionnel. Or ceci n’a pas empêché la mine de fonctionner jusqu’à aujourd’hui. En outre, le Tribunal électoral a annoncé qu’il n’était pas en mesure d’organiser un scrutin tel qu’annoncé par M. Cortizo.
Malgré ces blocages, le président a transmis au Congrès panaméen un projet de loi ouvrant la voie à un référendum le 17 décembre. Le président de l’Assemblée nationale, Jaime Vargas, membre du parti présidentiel, a pour sa part déclarée qu’il proposerait d’amender le projet de loi afin de suspendre le contrat dans l’attente d’un référendum. Mais le président de la Cour a insisté pour que les choses soient faites dans l’ordre : il convient de traiter dans un premier temps la demande d’inconstitutionnalité, puis, si elle échoue, un référendum pourra être organisé.
Le mouvement « Panama Vale mas sin Mineria », qui regroupe plus de 100 organisations écologistes, et plus largement l’ensemble des manifestants, ne s’arrêtera pas avant la déclaration finale. Les défenseurs de l’environnement qui ont convoqué les marches tentent de nouveau de mettre en avant les sérieux dommages sur la biodiversité que cette exploitation minière engendre. La mine est située sur le corridor biologique méso-américain qui regroupe la biodiversité la plus riche de tous les pays d’Amérique centrale confondus, qui protège de nombreuses espèces, qui établit le lien entre des aires protégées, et qui abrite plusieurs populations autochtones. Les panaméens dénoncent dans la rue une destruction de leur identité, via la vente de ce territoire si riche et symbolique pour eux : « L’or du Panama, c’est l’or vert, et rien de plus » a soutenu un manifestant au correspondant de RFI à Panama. Pour les opposants au contrat, s’obstiner à exploiter ce gisement est absurde, car le pays n’a jamais eu de tradition minière.
Ce n’est cependant pas l’avis du ministre de l’Économie et des partisans de cet accord, qui ont des étoiles dans les yeux devant les perspectives économiques alléchantes qu’offre l’élargissement de l’exploitation du gisement de cuivre en question. Le nouveau contrat garantirait en effet une rente annuelle de 375 millions de dollars minimum, un montant dix fois supérieur à ce que le Panama recevait avec l’accord précédent. La vaste mine représente aujourd’hui déjà 5 % de l’économie du pays.
Néanmoins, il faudra attendre le 17 décembre pour que le choix soit fait entre la croissance économique et la préservation, du moins en partie, de la nature panaméenne. « Le peuple est souverain » a affirmé le Président dans une vidéo publiée sur X. Peut-être que le pays prendra alors la même voie que l’Équateur il y a quelques mois, où la préservation de hauts lieux de biosphère ont été privilégiés à l’exploitation pétrolière à l’issue de référendums.
Julie DUCOS