Durant tout l’été et au-delà, le Finistère se pare de couleurs latino-américaines : expositions, musique, tout est réuni pour sensibiliser les visiteurs à la richesse culturelle de l’Amérique latine. C’est notre rédacteur Benoît Santini qui nous guide au gré de ses découvertes…
Photo : Agences
Notre voyage commence à Quimper, et plus précisément au musée des Beaux-Arts où se tient l’exposition « Toulouse-Lautrec et les maîtres de l’affiche » jusqu’au 15 octobre 2023. On peut apprécier, parmi les collections d’affiches du musée d’Ixelles les ayant prêtées lors des travaux qui sont réalisés en son sein, des œuvres de Toulouse-Lautrec, Steinlen, Mucha, Grasset ou Chère. Et une affiche de Grasset en particulier attire notre attention : intitulée Chocolat Mexicain Masson (1892), cette lithographie représente, dans un raffinement de couleurs et de mouvements, un cavalier mexicain vêtu d’un costume typique bleuté et son cheval noir rétif. Elle nous plonge à la grande époque des affiches publicitaires créées par d’éminents lithographes à la fin du XIXe siècle, dans ce cas pour la boutique d’aliments Masson située rue de Rivoli à Paris.
Abbaye de Daoulas
Nous poursuivons notre trajectoire à l’abbaye de Daoulas, fondée au XIIe siècle, où est organisée l’exposition « Mourir, quelle histoire ! », labellisée « Exposition d’intérêt national » et organisée jusqu’au 3 décembre 2023. Composée de 300 objets, 9 témoignages, 3 films d’animation et 12 montages documentaires, diaporamas, pistes audio et extraits de reportage, comme le précise le dossier de presse, cette exposition consacre une place privilégiée à l’Amérique latine. Parmi les objets présentés, citons tout d’abord l’urne funéraire d’enfant de la culture argentine Santa María II (850-1480 ap. notre ère) de la vallée du Yocaril ; une urne brésilienne de la culture Iny (datant des années 1948-1952) en argile est également mise en avant, tout comme un superbe manteau-masque du XXe siècle de la population Yudja du Brésil fait notamment de plumes de hocco, d’écorce de bambou et de plumes de perroquet, et porté par le chaman lors de cérémonies funéraires. Un hamac de la culture Yawalapiti du Brésil servant à envelopper les corps avant de les enterrer est présenté au public ainsi qu’un plat de la mort de la population Yanomami du Vénézuela, tous deux datés du XXe siècle. Citons enfin un très bel autel mexicain installé par le Collectif mexicain du Finistère, assorti d’un extrait en français du Labyrinthe de la solitude d’Octavio Paz évoquant la mort au Mexique, et d’une « calavera literaria », poème caustique dédié aux « citoyens français du troisième âge » et composé par José López Velázquez. Au fil de la visite, des photographies sont projetées sur les murs des salles d’exposition, représentant entre autres un cimetière et un autel au Mexique, un cimetière au Guatemala ou une procession d’hommes bororos parés de la coiffe Parika portée au cours des rites funéraires dans le Mato Grosso. Pour finir, une promenade dans les jardins de l’abbaye, où abondent de façon permanente les plantes médicinales des différents continents, permettra d’observer le calafate d’Argentine et du Chili aux vertus antibactériennes, le goyavier-fraise astringent du Brésil, le fraisier du Chili et le thé du Mexique.
Saint-Vougay
Poussons à présent jusqu’au château de Kerjean, situé à Saint-Vougay et datant de la fin du XVIe siècle. Jusqu’au 5 novembre 2023, l’exposition « Terres de fortune et d’infortune. Les premiers métissages du 16e au 18e siècle » fait la part belle au Nouveau Monde. Ainsi, des panneaux communiquent des informations sur les encomiendas des colonies espagnoles, les déplacements des sociétés indigènes, les missions catholiques chez les peuples amérindiens, l’exploitation des populations et l’intensification de l’esclavage, notamment l’exploitation sucrière, et sur la figure de Notre-Dame de Guadalupe, symbole d’acculturation religieuse. Sont également présentés des reproductions de tableaux de castes de la Nouvelle Espagne, peints au XVIIIe siècle par Ignacio María Barreda, de représentations de la Vierge de Guadalupe, d’un moulin à sucre au Brésil peint par Frans Prost au XVIIIe siècle, d’une vue de la reducción de San Javier en Argentine (XVIIIe siècle) ou encore un exemplaire de l’Histoire naturelle et moralle des Indes, tant Orientalles qu’Occidentalles(sic) de José de Acosta, traduite en français. Enfin, sur des plaquettes informatives, des figures de personnalités sont mises en exergue comme celle du père Maceta, à propos de la protection des Indiens guaraní dans les missions jésuites, ou celle de Diego Muñoz Camargo, métis de la première génération, dont le père était un conquistador espagnol et la mère une noble indienne de Tlaxcala. De brefs documentaires animés et des cartes interactives exposant les déplacements d’esclaves africains vers le Brésil et l’Amérique espagnole complètent ce riche panorama.
Plougastel
Nous passons enfin par le musée de la fraise et du patrimoine de Plougastel. Les collections permanentes, à travers leurs panneaux explicatifs détaillés, mettent l’accent sur « la blanche du Chili », la première fraise de Plougastel. Cette fraise, dont la culture a décliné pour laisser la place à des variétés françaises plus productives, est toutefois encore cultivée sur cinquante hectares et représente 1/8e de la récolte ; le goémon récolté à Plougastel lui apporte d’ailleurs l’iode qu’elle apprécie particulièrement. Elle a été découverte et importée en France au début du XVIIIe siècle par Amédée-François Frézier, Ingénieur du Génie militaire envoyé à cette époque sur la côte ouest de l’Amérique du Sud pour vérifier les fortifications espagnoles. Parti de Saint-Malo en janvier 1712, il arrive en juin de la même année à Concepción (Penco) et, dans son ouvrage Relation du voyage de la mer du Sud, des côtes du Chili et du Pérou, il écrit à propos de la région chilienne en question : « On y cultive des campagnes entières d’une espèce de fraisier différent du nôtre par les feuilles plus arrondies, plus charnues et fort velues ». Le visiteur appréciera notamment un joli modèle réduit représentant Frézier découvrant la fraise blanche du Chili, un portrait d’une femme mapuche vendant des fraises blanches, peint par E. Salas en 2001 et un exemplaire original sous vitrine de l’ouvrage de Frézier datant de 1717.
Folklore Mondial de Plozévet
Pour clore ce voyage, quel plaisir d’assister à la 39e édition du festival de folklore Mondial’Folk de Plozévet du 16 au 20 août 2023 ! Les huit couples de danseurs du Ballet Cantaclaro du Vénézuela présentent le Joropo, danse nationale du pays, tandis que l’ensemble continental chilien Tongariki fait découvrir le folklore de l’Île de Pâques. Le Finistère offre donc à tous les amoureux de la culture latino-américaine un bel éventail d’activités et visites soit dans des spectacles estivaux, soit dans des expositions temporaires durant jusqu’à l’automne, ou encore dans des collections permanentes de musées incontournables de la région. Bonnes visites à vous !
Benoît SANTINI