Au début, on a l’impression que Claudia Piñeiro recommence son roman précédent, Las viudas de los jueves (Les veuves du jeudi) : le décor est le même, un de ces quartiers « sécurisés » réservés aux riches Argentins qui n’ont qu’une envie, rester à l’écart. Les personnages appartiennent au même monde et le récit commence aussi par une mort violente.
Mais très vite on oublie les veuves du roman précédent, pris par l’histoire, mais surtout par les personnages, en rapport avec le journalisme et la littérature : Bétibou (la version phonétique de Betty Boop), surnom d’une romancière en panne d’inspiration, accepte l’offre d’un grand journal d’écrire une chronique qui n’est ni du journalisme ni de la fiction mais un mélange des deux. Elle est secondée par un ancien spécialiste des faits divers mis sur la touche et par un débutant qui le remplace dans le métier et qui aura l’occasion de découvrir sa face cachée. On trouve dans ces presque 400 pages qui se lisent sans le moindre ennui une foule de notations justes sur le monde actuel, comme par exemple ce « gamin des faits divers », incapable, malgré sa bonne volonté, de faire des recherches hors de Google.
L’intrigue avance sans à-coups, enrichie par de nombreux sujets « secondaires », qui complètent parfaitement la trame : l’ambition professionnelle et personnelle, la découverte d’une vocation, la réalité d’amours mortes vues avec le recul de plusieurs années entre autres. Claudia Piñeiro nous fait cadeau (c’est le mot) d’un roman policier, psychologique, social, d’un roman d’initiation aussi, tout cela en gardant tout le temps l’équilibre entre les divers éléments, ce qui fait le vrai plaisir de la lecture. Un autre équilibre, bien présent aussi, c’est celui que maintient la romancière entre journalisme et littérature, le véritable sujet de ce roman, probablement le meilleur de son auteure.
À noter que le tout nouveau roman de Claudia Piñeiro, Un comunista en calzoncillos sort à Buenos Aires aujourd’hui même aux éditions Alfaguara.
Christian ROINAT