Dans les 50 ans du 11 septembre 1973 ; 50 ans du 27 juin 1973 en Uruguay : Solidarités et Réseaux pour une résistance en exil. Ce colloque porté par les universités Grenoble Alpes, Lyon 2 et l’Institut des Amériques est prévu du 18 au 20 septembre 2023.
Photo : UCLA
Septembre 2023 : 50e anniversaire du coup d’État militaire du 11 septembre au Chili. Cet événement-monde (Sirinelli, 2002) a mis fin à un projet de société plus juste, basé sur la redistribution et l’amélioration du bien-être des classes laborieuses. Le coup d’arrêt donné à la « voie chilienne vers le socialisme » et à l’Unité populaire marque le déclin de la gauche mondiale – ni la voie armée, ni la voie des urnes ne peuvent modifier le politique – , et affirme le triomphe d’un Chili transformé en laboratoire d’un libéralisme exalté destiné à s’étendre au niveau planétaire. Cependant, en dépit des atteintes aux droits de l’Homme et des transformations politiques et structurelles autoritaires, la lutte et la résistance ont continué à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Juin 2023 : 50e anniversaire du coup d’État militaire du 27 juin en Uruguay. Après un long processus coercitif de domination sociale et politique qui provoque des résistances de plus en plus larges au sein de la population, le président Bordaberry dissout le Parlement, ouvrant la voie à une dictature qui se prolongera jusqu’à mars 1985. Le coup uruguayen a connu une répercussion mondiale moindre que celui du 11 septembre chilien. Petit pays de trois millions d’habitants qui n’a pas connu d’expérience réformiste comme celle de l’Unité populaire, l’Uruguay a moins concentré le regard international sur sa crise économique, alors que, continuant à s’attacher à un système de représentation démocratique désormais en crise, sa classe dominante se montrait incapable de transformer des structures sociales et économiques obsolètes. Le Chili concentra le regard international, laissant croire que la répression en Uruguay y était moindre. Les points communs sont pourtant nombreux : prise du pouvoir par les militaires, censure, interdiction de syndicats, partis politiques et associations étudiantes, répression massive de la population, persécution d’opposants, censure de la presse, etc. Les Uruguayens furent nombreux à s’exiler, d’abord en Argentine et au Chili (où certains furent rattrapés par une violence d’État transfrontalière, prémisse du Plan Cóndor), d’autres plus loin (Venezuela, Mexique, Cuba), voire en Europe (France, Suède, Italie, Espagne, etc.). Des réseaux de solidarité se sont tissés ici et là, portés par des intellectuels et des artistes eux-mêmes exilés ou par les hommes et femmes qui les accueillaient. Ces réseaux associaient souvent la solidarité avec l’Uruguay et le Chili (plus tard avec l’Argentine). Le prestige international des Tupamaros, le sort réservé aux « otages » (un petit groupe de prisonniers détenus dans des conditions très particulières), le travail mené par certain.e.s auprès d’organismes internationaux, etc., ont finalement joué en faveur de la (re)connaissance internationale du cas uruguayen.
Le colloque, d’une façon innovante à l’égard de cette petite nation qu’est l’Uruguay, invite à prendre en compte le fait que l’histoire des pays du Cône sud ne peut être comprise sans une réflexion globale et supra-nationale (coordination des forces répressives, doctrine de la sécurité nationale, allégeance vis-à-vis des États-Unis, etc., mais surtout, comme contrepoint à la répression d’État, contacts, échanges, travail fédérateur des exils). L’histoire comparée de ces résistances fait surgir de nombreux points communs, mais aussi des différences, qu’il conviendra d’explorer autant que mettre en valeur dans le cadre de ce colloque. Le colloque ne consistera pas en une dénonciation, pourtant bien légitime et justifiable, des crimes de la dictature, des moyens utilisés par les forces répressives, à l’intérieur du pays (DINA, CNI, services de renseignements des forces armées) ou à l’extérieur (Plan Cóndor et complicités euro-occidentales). Nous n’axerons pas cette rencontre sur la complicité des secteurs économiques dominants, ni sur le rôle indéniable des États-Unis pour mettre en place le régime militaire et soutenir la dictature. Il nous a paru intéressant de mettre en miroir les deux processus d’exil et de résistance culturelle qui en découlèrent, dans une perspective comparative afin de mieux discerner les particularités et les similitudes des résistances et des créations. Le colloque se propose donc de mettre à l’honneur l’élan de solidarité internationale qui s’est développé en Amérique latine, en Europe et aux États-Unis en réaction aux coups d’État et à leurs exactions. Nous souhaitons mettre en lumière toutes les formes de résistance en exil et à l’intérieur-culturelles, politiques, institutionnelles ainsi que celle des associations et organismes issus de la société civile -qui ont constitué des instruments réels au service de la lutte contre ces dictatures.
Comité scientifique :
Alfredo Alzugarat, Bibliothèque nationales (Uruguay) / Mario Ayala, Universidad Nacional de Tierra del Fuego, CONICET / María José Bruña Bragado, Universidad de Salamanca / Carlos Walter Demasi Herrera, Universidad de la República – Montevideo / Erich Fisbach, Université d’Angers / Norah Giraldi Dei-Cas, Université Lille3 / Jimena Obregón, Université Rennes 2 / Claudia Fedora Rojas Mira, UTEM / Benoît Santini, Université du Littoral – Côte d’Opale / Hernán Venegas Valdebenito, USACH – Comité organisateur : Alvar de la Llosa, Université Lyon 2 / Olga Carballo, Université Grenoble Alpes / Raul Caplan, Université Grenoble Alpes. Saint-Martin-d’Hères – Domaine universitaire