En Colombie, à gauche toute pour un Gustavo Petro en difficulté

En difficulté face au Congrès, Gustavo Petro a appelé ses soutiens à défiler dans les rues pour le 1er mai. Le Président colombien, par un remaniement ministériel, opère un virage à gauche. Le message est clair : le Président colombien entend s’appuyer sur le soutien populaire dont il dispose pour faire passer ses réformes sociales.

Photo : Présidence

Ce n’était pas arrivé depuis 75 ans en Colombie, depuis le dernier gouvernement de gauche : le président a appelé la population à descendre dans la rue pour montrer son soutien aux réformes voulues par le gouvernement. En effet, Gustavo Petro peine à faire passer sa réforme du système de santé et celle du droit du travail. Lui qui a été amené à gouverner avec une coalition au spectre politique large, rencontre aujourd’hui des difficultés face au Congrès pour faire passer les réformes sociales. Récemment, il a remanié son gouvernement : sept ministres centristes ont été remerciés et remplacés par des soutiens du président, plus à gauche. Parmi eux, la ministre de l’Économie, de la Santé, de l’Agriculture et de l’Intérieur. Mais pas de panique : comme l’explique la sociologue Olga Gonzalez pour France Culture, Gustavo Petro est un habitué des remaniements, c’est sa manière de gouverner. C’est comme ça qu’il opérait lorsqu’il était maire de Bogotá, en faisant tourner son cabinet.

Ce qui bloque surtout, c’est la réforme du système de santé. Gustavo Petro la veut publique. Il est aujourd’hui majoritairement délégué au secteur privé. Cette réforme rencontre beaucoup d’opposition, même au sein de sa coalition. Les arguments avancés sont que l’Etat n’a pas les moyens de financer un tel système et que prétendre le faire engendrerait une dégradation de la qualité des soins. Plus précisément, la reforme voulu par Petro prône l’accès au soin pour tous, notamment en réduisant les brèches entre les zones rurales et urbaines. L’idée est aussi de renforcer la médecine préventive, et d’améliorer des conditions de travail des employés du secteur. La réforme du travail aussi, pourrait susciter de vives oppositions. Proposé mi-mai par le gouvernement, le texte prévoit entre autres de réduire le temps de travail de 48 à 42heures par semaine, de faire que le tour de nuit commence à 18h plutôt qu’à 21h, d’augmenter la rémunération les dimanches et jours fériés et de mieux contrôler et limiter le temps de travail des adolescents.

« C’est la première fois que nous sommes là pour soutenir le gouvernement en place ! D’habitude, nous venions pour lui arracher avec les ongles et avec colère des garanties pour les travailleurs », explique une militante du 1er Mai au micro de RFI. Les Colombiens ont bien répondu à l’appel de Petro et des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Bogotá, jusqu’à la Casa de Nariño, le palais présidentiel, depuis lequel Petro a prononcé un discours. Une phrase « choc » a été prononcée par l’ex-guérillero ce jour-là : « Vouloir limiter les réformes peut conduire à la révolution » . Le président semble vouloir utiliser la manière forte, s’appuyant sur son soutien populaire et décrivant son nouveau gouvernement comme un « gouvernement d’urgence », puisque le « Congrès n’a pas été capable d’approuver quelques articles simples et très pacifiques », faisant référence a une loi sur la répartition des terres.

Autre difficulté à laquelle est confronté Gustavo Petro : les négociations de paix avec la dernière guerilla active du pays : l’ejercito de liberación nacional (ELN). À ce propos, Gustavo Petro était hier, le 2 mai 2023, à Madrid pour présenter, entre-autres, à Pedro Sanchez , chef du gouvernement espagnol, son projet de Paix Totale. L’Espagne a statut d’accompagnant dans ce processus de paix. Les délégations ont actuellement débuté le troisième cycle de négociations à La Habane à Cuba, après des premières approches au Venezuela et au Mexique. Un cessez-le-feu bilatéral avait été espéré lors des dernières discussions mais n’avait pas abouti.

Petro a fait des vagues à l’international aussi, quand la presse a titré que Juan Guaidó, opposant à Nicolás Maduro, auto-proclamé président par intérim du Venezuela, avait été expulsé de Colombie. La Colombie organisait un sommet international pour discuter de la situation vénézuélienne, et a omis de l’inviter. Il aurait été poussé à s’envoler pour les États-Unis, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt dans son pays, et apparemment pas le bienvenu en Colombie. Petro nie les faits et déclare que si Guaidó avait demandé l’asile en Colombie, il lui aurait accordé. Dans le cadre de la visite de Petro aux États-Unis mi-avril, pendant laquelle le président colombien voulait servir de pont entre la maison blanche et le gouvernement chaviste, Juan Guaidó déclarait : « Gustavo Petro, sois le porte-parole des droits de l’homme et non de ceux qui persécutent et emprisonnent l’opposition », soulignant l’hostilité que le président colombien lui tiendrait, ou tout du moins la complaisance à l’égard de Maduro. À l’intérieur comme à l’extérieur, Gustavo Petro semble être en difficulté sur tous les fronts, mais n’en démord pas.

Marie BESSENAY