L’auteur colombien Santiago Gamboa primé et traduit dans plus de quinze langues voit son roman noir Colombian Psycho (traduction de François Gaudry) publié par les Éd. Métailié. Disponible en librairie le 17 mars 2023.
Photo : Editions Métailié
Colombian Psycho propose de suivre le procureur Edilson Jutsiñamuy dans une enquête qui débute alors qu’un couple découvre les membres humains d’un prisonnier encore vivant et derrière les barreaux. Aidé d’une journaliste prénommée Julieta et de sa secrétaire Johana, le procureur se plonge dans un monde criminel où les meurtres se recoupent et s’agglomèrent. La violence explose et donne lieu à des développements sur ses liens avec l’histoire politique colombienne, notamment grâce au personnage de Julieta, une des différentes projections de l’auteur dans son œuvre, qui parle des problèmes actuels en Colombie en faisant le récit des meurtres dans le roman.
Clin d’œil évident à American Psycho, Santiago Gamboa propose une version colombienne qui reprend certains thèmes du roman de Bret Easton Ellis (1991). L’œuvre de l’auteur colombien est rythmée par la folie, le sang et les pulsions destructrices de ses personnages dans une Colombie violente où les ombres grandissantes des paramilitaires et de la corruption menacent. Santiago Gamboa, pétri de références artistiques diverses et variées, ajoute à cela un questionnement sur le rôle des écrivains dans ce monde ultra-violent. À mi-chemin entre les films Ténèbres de Dario Argento (1982) et L’Antre de la folie de John Carpenter (1994), la frontière entre la fiction et la réalité est interrogée grâce à un avatar fictif de l’auteur dans le livre qui publie des œuvres étrangement similaires aux crimes constatés par l’équipe du procureur.
Si Colombia Psycho est une enquête qui tient en haleine le lecteur pendant près de 600 pages, nous regrettons une fois de plus la différence de traitement que réserve Santiago Gamboa à ses personnages masculins et féminins (1). La construction psychologique des femmes de Colombian Psycho n’est pas très approfondie et ces dernières sont souvent stéréotypées, réduites à des pulsions sexuelles, à des aléas émotionnels et à des traumatismes fondateurs. Le fait que les personnages féminins soient souvent introduits à travers des scènes de sexe très graphiques ou des discussions sur leurs couples traduit un regard masculin posé sur ces femmes fictives qui provoque un malaise dans la lecture. Le projet d’écriture de l’auteur peut alors être interrogé : cherche-t-il à dénoncer leur condition ? Ne serait-il pas mieux venu de proposer des personnages féminins construits différemment ? D’écrire des femmes qui seraient sorties de cette condition et porteraient un regard critique sur la place des femmes dans la société colombienne ?
Nina MORELLI
(1) https://www.espaces-latinos.org/archives/104230
Colombia Psycho de Santiago Gamboa, traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry, éd. Métailié, bibliothèque Hispano-américaine, 592 p., 23 €.