Olaf Scholz a réalisé en janvier dernier une visite d’État en Argentine, au Chili puis au Brésil. Les trois présidents sud-américains ont pris des mesures de rapprochement avec l’Allemagne et ont insisté sur la nécessaire coopération de l’Amérique latine avec l’Europe.
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Le chancelier allemand est arrivé en Argentine le 28 janvier où il a rencontré le président Alberto Fernández. Dans l’accord, l’Argentine et l’Allemagne se sont dit résolues à une conclusion « rapide » du traité de libre-échange entre Union européenne et Mercosur. L’accord avec le Mercosur (union douanière entre le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay) a « une importance spéciale », a déclaré Olaf Scholz. Le président argentin a lui aussi souligné, à l’image du président brésilien Lula da Silva avec lequel il s’est entretenu, que Brasilia et Buenos Aires souhaitent « finaliser une fois pour toutes » cet accord. Signé en 2019, l’accord de libre-échange n’a jamais été ratifié en raison notamment d’inquiétudes sur la politique environnementale de Jair Bolsonaro.
« Avec l’arrivée de Lula, nous sommes dans de meilleures conditions » pour conclure l’accord, a assuré Alberto Fernández lors d’une conférence de presse commune des deux dirigeants. Il a dit avoir évoqué avec M. Scholz les « difficultés (..) très ponctuelles » de l’accord en l’état, « certaines qui ont à voir avec l’Argentine, certaines avec des politiques européennes », citant notamment des« mécanismes de protectionnisme qui rendent difficile l’accès de notre agriculture » au marché européen. L’Allemagne, premier partenaire commercial de l’Argentine au sein de l’UE, entend devenir son « partenaire stratégique », et« profiter de ses gisements de matières premières » d’une façon « bénéfique pour les deux pays », a déclaré le chancelier Scholz, citant notamment le potentiel argentin en gaz et lithium.
Répercussions de la guerre
« En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’hydrogène vert et le commerce responsable des matières premières, nous voulons concrètement renforcer notre coopération avec nos partenaires d’Amérique latine et des Caraïbes », avait souligné M. Scholz dans un entretien avec la presse diffusé au lendemain de sa visite. Sa tournée sud-américaine intervient au moment où les entreprises allemandes cherchent de nouveaux débouchés à l’étranger, après le choc économique provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine, et où les inquiétudes se multiplient sur la forte dépendance commerciale à la Chine. Berlin, comme les autres capitales européennes, espère aussi tourner la page des tumultueuses années du président Bolsonaro, avec le retour au pouvoir de Lula. L’Allemagne compte aussi s’assurer le soutien des trois pays visités face à la Russie. Il est « très important » d’expliquer notre position et de « démonter la propagande russe », affirme-t-on à Berlin.
Après Buenos Aires, le chancelier a entamé le dimanche 29 janvier sa première visite au Chili, en tournée avec le président Gabriel Boric. Ensemble, ils ont déposé une gerbe au musée de la Mémoire et des droits de l’homme de Santiago, dédié à la commémoration des victimes de la dictature militaire (1973-1990). Il s’agit de la deuxième rencontre entre les deux dirigeants, après celle qui a eu lieu lors de la 77e Assemblée générale de l’ONU, en septembre dernier à New York. Lors de la visite, les deux dirigeant, outre l’évocation d’un élargissement de mesures de coopération entre les deux pays, ont évoqué le soutien au projet chilien de « création d’un lieu de mémoire et d’un monument aux victimes de l’ex-« Colonia Dignidad » », une enclave allemande dirigée par Paul Schäfer sous la dictature d’Augusto Pinochet, devenue un centre de détention pour les opposants au régime. De détention, mais aussi de tortures, exécutées par la police politique de la dictature, la Dina (Direction nationale du renseignement). Recherchés en Allemagne, Paul Schäfer et des dizaines d’autres membres de sa secte – sous couvert d’organisation caritative – avaient trouvé refuge au Chili, vivant en autarcie, tout en s’agrandissant peu à peu. On apprendra plus tard que « Schäfer avait soumis plus de 300 personnes à des travaux forcés, des châtiments corporels, de la manipulation mentale et, dans un certain nombre de cas, des abus sexuels. »
200 millions d’euros au Brésil
Après l’Argentine, le chancelier Olaf Scholz, premier dirigeant occidental reçu par le nouveau président du Brésil, est arrivé dans l’après-midi à Brasilia et s’est entretenu avec le président Luiz Inacio Lula da Silva entré en fonctions seulement le 1er janvier, pour cette dernière étape d’une tournée latino-américaine l’ayant conduit en Argentine et au Chili. L’Allemagne veut « contribuer » avec le Brésil à la préservation des forêts « après ces années difficiles », a dit la ministre de la Coopération économique Svenja Schulze, lors d’une conférence de presse avec la nouvelle ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva. Elle faisait référence aux quatre années de mandat du président Jair Bolsonaro (2019-2022) lors desquelles la déforestation en Amazonie a battu des records. L’Allemagne, deuxième bailleur de fonds pour la protection de la forêt amazonienne après la Norvège, a déjà annoncé au début de l’année qu’elle allait de nouveau abonder le Fonds Amazonie, à hauteur de 35 millions d’euros, après le gel du fonds en 2019 en raison des polémiques sur l’environnement lors du mandat de Bolsonaro.
Berlin va également octroyer 31 millions d’euros aux États amazoniens du Brésil pour « des projets de protection et d’utilisation durable des forêts», a ajouté la ministre, annonçant également un prêt à faible taux d’intérêt de 80 millions d’euros d’aide au reboisement de leurs terres par les agriculteurs. « Le Brésil est le poumon du monde. S’il a des problèmes, nous devons tous l’aider », a dit Svenja Schulze. Parmi les autres projets annoncés figurent une contribution allemande à un fonds de « garantie d’efficacité énergétique » pour les petites et moyennes entreprises et deux projets de « chaîne d’approvisionnement durable ». Berlin veut également financer un projet de « développement des énergies renouvelables, dans l’industrie et les transports » et, enfin, un programme de « reforestation de zones dégradées ». Tous ces projets, y compris la contribution au Fonds Amazonie déjà connue, totalisent quelque 200 millions d’euros , a précisé l’ambassadeur d’Allemagne au Brésil sur Twitter.
Liens étroits
Marina Silva a de son côté estimé que l’Allemagne était également prête à « l’ouverture de marchés pour les produits de base qui sont produits de manière durable» en Amazonie. Une partie du Fonds Amazonie, créé en 2008, pourrait être allouée à des « actions d’urgence » auprès de communautés indigènes, a-t-elle dit, tels les Yanomami, qui souffrent de la dénutrition et de maladies infectieuses en raison de la progression des activités d’orpaillages illégales sur leurs terres. « Nous cherchons des communautés qui aident le Brésil à remplir son engagement, dans le cadre des Accords de Paris, d’une déforestation zéro en 2030, en expulsant les envahisseurs des terres indigènes (…) pour parvenir à un développement durable », a dit l’égérie brésilienne de la lutte pour l’environnement.
D’après la presse