Luis Fernando Camacho, gouverneur du département de Santa Cruz, a été arrêté le 28 décembre dans le cadre de l’enquête sur le putsch de la droite bolivienne en novembre 2019, et transféré dans le pénitencier de Chonchocoro, une prison de haute sécurité à 30 km de la capitale, La Paz.
Photo : Agences
Il a été incarcéré sur décision d’un juge qui l’a placé en détention préventive pour quatre mois, le temps d’instruire les accusations portées contre lui : « terrorisme » et « coup d’État » contre l’ex-président de gauche, Evo Morales. Son mandat d’arrêt était prêt depuis un an et demi, mais les autorités avaient renoncé à l’appliquer. De ce fait, le gouverneur de Santa Cruz se croyant intouchable multipliait les provocations et ne se privait pas d’émettre des propos subversifs à travers sa chaîne YouTube.
En octobre et novembre 2022, les relations entre la région et le pouvoir s’étaient d’ailleurs tendues en raison de ses revendications. En effet, Luis Fernando Camacho réclamait l’organisation anticipée du recensement de la population, fixé à 2024, afin d’obtenir davantage de subventions. Il avait ainsi provoqué une « grève civique » qui a paralysé son département pendant trente-six jours. Le mardi précédant son arrestation, il faisait savoir qu’il réclamait plus d’autonomie et d’indépendance pour sa région, une région très riche. Il était arrêté le lendemain manu militari : un commando de police barrait la route de son 4X4, brisait les vitres à coup de crosse, inondait le véhicule de gaz lacrymogène et emmenait l’opposant vers un aéroport.
Dés l’annonce de son arrestation, des manifestations ont éclaté à Santa Cruz et dans les grandes villes de Bolivie, donnant lieu à des affrontements violents entre manifestants et forces de sécurité. Les partisans du gouverneur de Santa Cruz dénoncent une persécution. D’autant plus que son état de santé se révèle fragile en raison d’un problème sanguin. Son avocat a fait savoir qu’il souffrait du « syndrome de Churg-Strauss », une inflammation des vaisseaux sanguins encore méconnue. Un espace lui a alors été aménagé dans la prison afin qu’il puisse recevoir un suivi médical spécialisé. Selon Juan Carlos Limpias, le directeur des établissements pénitentiaires du pays, l’état de santé du prisonnier est « absolument stable » et « les médicaments requis lui sont administrés ».
L’arrestation du gouverneur de Santa Cruz est également à l’origine d’un épisode de tension avec la diplomatie espagnole et chilienne. En effet, les députés Victor González Coello de Portugal du parti Vox accompagné du Chilien Luis Fernando Sánchez se sont rendus tous deux dans le pays andin pour manifester leur soutien au dirigeant de l’opposition emprisonné.
Leurs déclarations mettant en cause l’action de la police dans cette affaire, le ministère des Affaires étrangères, par le biais des canaux diplomatiques respectifs, a demandé à l’ambassade du Royaume d’Espagne et au consulat général du Chili en Bolivie des informations concernant le « statut d’observateurs » que les deux parlementaires ont publiquement déclaré avoir sur le territoire national.
Il a également exprimé son « rejet » des actions des députés, « qui, sans aucune accréditation, se sont arrogé la représentation de leurs gouvernements et/ou Congrès, ce qui constitue une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures » du pays latino-américain. Selon Benjamin Blanco, vice-ministre du Commerce extérieur et de l’Intégration, « aucun pays n’est autorisé à intervenir dans des questions qui relèvent essentiellement de la compétence interne des États ». Et finalement, considérant qu’il était venu pour « générer de la violence dans le pays » et qu’il avait commis « des actes troublant l’ordre public », le député espagnol d’extrême droite est sur le point d’être expulsé de Bolivie.
Natalia MARTIN