Ce 1er janvier 2023, le président nouvellement élu Luiz Inacio Lula da Silva s’est adressé au peuple brésilien, après son investiture devant le Congrès. Dans son discours, il met en avant le principal défi auquel doit faire face le Brésil : des inégalités graves et grandissantes. Après avoir rappelé les progrès effectués lors de ses précédents mandats, il tient des propos durs et inquiets sur le bilan de son prédécesseur, Jair Bolsonaro, et appelle les Brésiliens à l’unité et la reconstruction. En voici des extraits.
Photo : Arab-News
« Mes chers amis. Ce 1er janvier 2003, sur cette même place, mon cher vice-président José Alencar et moi-même avons pris l’engagement de redonner au peuple brésilien sa dignité et son estime de soi – et nous l’avons fait. D’investir pour améliorer les conditions de vie de ceux qui en ont le plus besoin – et nous avons investi. Prendre grand soin de la santé et de l’éducation – et nous l’avons fait. Mais le principal engagement que nous avons pris en 2003 était de lutter contre les inégalités et l’extrême pauvreté, et de garantir à chaque personne dans ce pays le droit de prendre un petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner chaque jour – et nous avons tenu cet engagement : nous avons mis fin à la faim et à la misère, et nous avons fortement réduit les inégalités.
Malheureusement aujourd’hui, 20 ans plus tard, nous revenons sur un passé que nous pensions enterré. Une grande partie de ce que nous avons fait a été défait de manière irresponsable et criminelle. Les inégalités et l’extrême pauvreté ont encore augmenté. La faim est de retour – et pas par la force du destin, pas par l’œuvre de la nature, ni par la volonté divine. Le retour de la faim est un crime, le plus grave de tous, commis contre le peuple brésilien. La faim est la fille de l’inégalité, qui est la mère des grands maux qui retardent le développement du Brésil. L’inégalité dévalorise notre pays de taille continentale en le divisant en parties qui ne se reconnaissent pas. D’un côté, une petite partie de la population qui a tout. De l’autre, une multitude qui manque de tout, et une classe moyenne qui s’appauvrit année après année […] »
« Ces dernières années, le Brésil est redevenu l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Il y a longtemps que nous n’avions pas vu un tel abandon et un tel découragement dans les rues. Des mères fouillant dans les ordures à la recherche de nourriture pour leurs enfants. Des familles entières dormant dehors, affrontant le froid, la pluie et la peur. Des enfants qui vendent des bonbons ou mendient, alors qu’ils devraient être à l’école, vivant pleinement l’enfance à laquelle ils ont droit. Des chômeurs affichant aux feux de signalisation des panneaux en carton portant la phrase qui nous met tous dans l’embarras : « Aidez-moi, s’il vous plaît ». Des files d’attente à la porte des boucheries, à la recherche d’os pour soulager la faim. Et, en même temps, des files d’attente pour acheter des voitures importées et des jets privés.
Pour cette raison, mon vice-président Geraldo Alckmin et moi-même assumons aujourd’hui, devant vous et devant tout le peuple brésilien, l’engagement de lutter jour et nuit contre toutes les formes d’inégalité. Inégalités de revenus, de sexe et de race. Inégalité sur le marché du travail, dans la représentation politique, dans les carrières de l’État. Inégalité d’accès à la santé, à l’éducation et aux autres services publics. […] »
« Sous nos gouvernements, le Brésil a concilié une croissance économique record avec la plus grande inclusion sociale de l’histoire. Il est devenu la sixième plus grande économie du monde et, dans le même temps, trente-six millions de Brésiliens ont été sortis de l’extrême pauvreté. Nous avons créé plus de vingt millions d’emplois avec des cartes de travail signées et tous les droits garantis. Nous avons ajusté le salaire minimum toujours au-dessus de l’inflation. Nous avons battu des records en matière d’investissements dans l’éducation – du jardin d’enfants à l’université – pour faire du Brésil un exportateur d’intelligence et de connaissances, et pas seulement de produits de base et de matières premières. […] »
« Malheureusement, une grande partie de ce que nous avons construit en treize ans a été détruite en moins de la moitié de ce temps. D’abord, par le coup d’État de 2016 contre la présidente Dilma. Et dans la foulée, par les quatre années d’un gouvernement de destruction nationale dont l’Histoire ne pardonnera jamais l’héritage. Sept cent mille Brésiliens et Brésiliennes tués par le Covid. Cent vingt-cinq millions de personnes souffrent d’un certain degré d’insécurité alimentaire, de modéré à très grave. Trente-trois millions de personnes souffrent de la faim. Ce ne sont là que quelques chiffres. Qui, en vérité, ne sont pas seulement des chiffres, des statistiques, des indicateurs – ce sont des personnes. Hommes, femmes et enfants, victimes d’un mauvais gouvernement finalement vaincu par le peuple, lors de l’historique 30 octobre 2022. […] »
« Mes amis, ces dernières années, nous avons sans doute vécu l’une des pires périodes de notre histoire. Une ère d’ombres, d’incertitudes et de beaucoup de souffrances. Mais ce cauchemar a pris fin, grâce au vote souverain, lors de l’élection la plus importante depuis la redémocratisation du pays. Une élection qui a démontré l’attachement du peuple brésilien à la démocratie et à ses institutions. Cette extraordinaire victoire de la démocratie nous oblige à regarder vers l’avenir et à oublier nos différences, qui sont bien moindres que ce qui nous unit à jamais : l’amour du Brésil et la foi inébranlable en notre peuple.
Nous devons, tous ensemble, reconstruire et transformer le Brésil. Mais nous ne pourrons réellement reconstruire et transformer ce pays que si nous luttons de toutes nos forces contre tout ce qui le rend si inégalitaire. Cette tâche ne peut être la responsabilité d’un seul président ou même d’un seul gouvernement. Il est urgent et nécessaire de former un large front contre l’inégalité, impliquant la société dans son ensemble : travailleurs, entrepreneurs, artistes, intellectuels, gouverneurs, maires, députés, sénateurs, syndicats, mouvements sociaux, associations de classe, fonctionnaires, professionnels libéraux, chefs religieux, simples citoyens. L’heure est à l’unité et à la reconstruction. »
D’après la présidence
Extraits de Marie Bessenay