Anne-Christine Tinel écrit des pièces de théâtre et des romans. Membre de la SACD et des EAT, elle rejoint en 2012 la section Ecriture de l’ENSATT, codirigée par Enzo Cormann et Mathieu Bertholet, en qualité d’auteur stagiaire professionnel. Trois romans sont publiés chez Elyzad : Tunis, par hasard, L’oeil postiche de la statue kongo et Malena, c’est ton nom. À la suite de ces publications Anne-Christine Tinel reçoit deux bourses d’aide à l’écriture, l’une du Centre de Lettres Midi-Pyrénées, l’autre du Centre National du Livre. Plusieurs pièces ont été distinguées ces dernières années…
Photo : Editeur
Une jeune femme fuit l’Argentine et sa dictature. C’est la France qui va l’accueillir, où, réfugiée politique, elle goûte peu à peu au bonheur avec Arnaud dans le Sud. Mais est-ce le fil de sa vie qu’elle poursuit là ? Pourquoi Malena ne parle-t-elle jamais de son passé ? Quels tourments a-t-elle traversés ? Arnaud tente de percer le mystère de celle qu’il aime. De l’emprise politique à celle de l’intime, il n’y a parfois qu’un pas. Dans ce texte d’une grande force romanesque balayé par le souffle de l’océan Atlantique, Anne-Christine Tinel compose avec brio le portrait d’une femme qui se libère, une héroïne en devenir pour qui l’exil est un chemin vers elle-même, de l’ombre à la lumière.
Quelques critiques croisées de lecteurs de Babelio.
Une. J’ai beaucoup aimé ce roman, tant par le fond que la forme. Le fond, avec cette jeune femme en exil, réfugiée politique, au passé mystérieux, et la forme, par l’emploi du « Tu » sur pratiquement toute la narration. Mais ce n’est pas tout, ce qui m’a d’autant plus séduite, c’est que l’autrice a réussi à me surprendre ! Découpé en quatre parties, ce roman est foisonnant, très bien écrit et je n’avais qu’une envie, connaître la suite. Les nombreux flash-back nous emmènent dans un pays et une époque dont je connaissais que très peu l’histoire. Pas de réels chapitres, mais des séparations dans le texte qui rendent malgré toute la lecture fluide.
Argentine 1982. On ne compte plus le nombre de disparus, de fusillés ou de prisonniers politiques depuis le coup d’État de 1976. La famille de Malena n’échappe malheureusement pas à la répression puisque ses parents et son frère n’ont plus donné signe de vie. Il est temps pour elle de partir. Faux papiers, nouvelle identité. Commence alors un long périple. Première escale, l’Italie. Irina, Fabio, Marco et l’usine de confection. Puis, direction la France, le Sud et Arnaud. Il faut tout réapprendre, une langue, la confiance, mais surtout se donner le droit d’être enfin heureuse. Août 2005. Les décennies ont passé. Malena et Arnaud passent une journée en famille, puis tout bascule. Depuis deux ans, le nouveau président argentin met fin à l’impunité des coupables ayant sévi pendant la dictature. Des procès sont en cours. Les militaires vont être enfin jugés et les recherches vont commencer. Des années que les familles de disparus attendent. Mais pas Malena. Elle, elle fuit l’actualité « Pour se reconstruire, certaines personnes ont besoin de l’oubli. Quand la violence est telle qu’elle n’est plus gérable, le cerveau opère une sorte de mécanisme de sauvegarde pour se protéger. »
Deux. 1982 Buenos Aires. Aux heures les plus sombres de la dictature argentine, Malena, la trentaine, embarque sur un paquebot pour l’Europe avec pour seul bagage et seul souvenir un faux passeport et quelques photos. Son exil la conduira de Gênes à Paris, où , la peur au ventre, elle enchaînera les petits boulots jusqu’à l’obtention du tant convoité statut de réfugiée. C’est finalement auprès d’Arnaud, un jeune veuf qu’elle trouvera l’apaisement, coulant des jours paisibles sur son exploitation agricole du Sud-Ouest, et mettant une chape de silence sur son passé sud-américain. Jusqu’à cette journée du 15 août 2005, où une banale fête de famille ravivera la douleur de souvenirs enfouis et fera resurgir des secrets qu’elle avait tenté d’oublier.
Très intéressée par l’histoire contemporaine de l’Argentine, c’est d’abord son thème qui m’a attirée, et c’est finalement le style et la construction de ce roman qui m’ont séduite. Pourtant je dois avouer que ce n’était pas gagné car les premières pages m’ont presque déroutée par leur forme. Un style dépouillé, une ponctuation aléatoire et l’emploi du « tu » à l’encontre de Malena ont mis une distance que les ressorts romanesques de cette histoire ont rapidement réduit, pour finalement me happer jusqu’à un dénouement insoupçonnable. C’est une histoire superbe, un roman très fort qui nous parle d’exil et de traumatismes, de reconstruction et de douleurs enfouies, un portrait de femme poignant qui incarne la complexité et la tragédie de l’Argentine des années 70. Un texte à la fois intime et politique, extrêmement documenté et passionnant, le chemin d’une femme brisée qui revient à la lumière en se libérant des chaînes d’un passé qui l’entrave et l’étouffe. Un roman enfin avec des références à Pablo Neruda.
Superbe, forcément. Conseillé par un ami écrivain qui voyait dans ce livre un possible prix de la rentrée littéraire, je me suis laissé séduire par la magnifique couverture de Giorgone composée (décomposée plutôt) de la Vierge de la Tempête. Tout un programme que cette énigme de la filiation dans une ambiance inquiétante. La lecture est d’abord happée par cet usage de la deuxième personne qui s’adresse autant au personnage qu’au lecteur, menant de fait à une forme d’identification ; alors même que l’identité de Malena est incertaine et sans doute problématique. Avec une rare virtuosité l’autrice compose un puzzle qui décortique le passé trouble de l’Argentine. le récit est haletant et le suspens maintenu jusqu’au terme. Une belle découverte, et une certaine déconvenue à constater que le livre passe quasiment inaperçu dans une rentrée littéraire trop prolifique et assez largement insipide en vérité. Pour autant, tous les libraires qui ont lu le livre l’ont adopté. Car certains lisent encore les livres qu’ils reçoivent…
Trois. Malena. Son nom est Malena. Comme un mantra, elle le répète inlassablement lorsqu’elle débarque à Gênes, en 1982, après avoir fui la dictature argentine en bateau. Son nom est Malena. Comme un mantra, elle se le répète inlassablement lorsqu’elle vient demander asile en France en tant que réfugiée politique. Les années passent, elle quitte Paris pour le sud de la France et rencontre Arnaud. Pourtant, même après tant d’années, les blessures sont encore béantes et l’horreur trop présente. Malena. Sa famille disparue et ses silences. Ses interminables silences sur son passé et ses années passées sous la coupe des dictateurs qui s’enchaînent, sans répit. Et puis, un jour Malena est retrouvée mutique, sous le choc, en pleine nature. Alors Arnaud va tenter de comprendre, de remonter le fil de l’histoire de celle qu’il aime. de lui donner voix. Enfin. Pour Malena. C’est finalement ce qui m’a tant plu lors des premières pages qui aura fini par me lasser et incommodera lecture : l’utilisation de la deuxième personne du singulier pour relater l’histoire de Malena. Si j’en comprends la raison, le procédé narratif a rapidement nuit à mon plaisir de lecture et ne l’aura pas permis de m’immerger comme je l’aurais souhaité dans cette quête identitaire portant, notamment, sur les ravages de l’oppression. Une lecture en demi-teinte, donc, sur un sujet qui avait pourtant tout pour me plaire.
Quatre. Chaque lecteur arrive avec son vécu et ces connaissances. Je fais partie de la génération qui a beaucoup entendu parler dans les années 80 de cette période sombre de l’histoire de l’Argentine, dans les livres de Langue vivante « Espagnol » dès la 6ème on avait des auteurs et des références à cette période. Je partais donc avec des idées préconçues. Le lecteur qui n’en a jamais entendu parler va avoir un autre regard et faire d’autres découvertes que celles que j’ai faites. C’est un roman sur l’identité. Qui sommes-nous vraiment ? Sommes-nous celui que l’autre forge ? Celui dont on donne une image ? de la naissance à la mort on peut avoir plusieurs vies, plusieurs identités…
On vit avec des non-dits. On laisse passer suffisamment d’informations pour qu’on ne nous pose pas trop de questions sur notre jardin secret, ou ce qu’on a refoulé. La couverture m’avait intriguée, ce tableau célèbre déstructuré, reconstruit comme s’il y avait plusieurs arrières plans derrière le premier plan. On retrouve cela dans le texte. Puisque le lecteur va découvrir l’histoire par fragment en essayant de se faire une idée globale de ces vies. L’art jouera un petit rôle dans ce roman… Dans un premier temps nous assistons au sauvetage d’une femme, cette scène inaugurale interpelle le lecteur, qui se demande qui est cette femme, que lui est-il arrivé, où sommes-nous et quand. Nous sommes en 1982 en Italie, puis en France où Malena une Argentine a émigré à cause de la dictature en Argentine. L’autrice a choisi d’utiliser le « tu ». Cela continue d’interpeller le lecteur. Ce « tu » est insistant, lancinant, presque accusateur parfois. Ce « tu » dureras sur plusieurs époques tant qu’on est avec le personnage de Malena. Milena a cloisonné son esprit et refoulé certaines choses, on retrouve cela dans la composition du roman. Lorsque les vannes vont s’ouvrir c’est un véritable raz de marée psychologique.
Lorsqu’on a fini cette longue partie nous avons l’impression d’avoir compris qui était Malena et ce qui lui était arrivé. Mais c’est sans compter sur l’imagination de l’autrice qui a un projet plus complexe. Nous allons avoir une autre focale et le « tu » disparait pour un-il, et découvrir un homme qui n’avait jamais vraiment chercher à savoir qui était sa femme. Dans une troisième partie un « elle » va apparaitre avec un autre personnage… la clé de l’énigme. Nous allons avoir de nombreuses réponses mais l’autrice a laissé assez de part d’ombre pour que le lecteur comble avec ses connaissances sur cette époque. L’histoire est relancée avec un autre regard. Ce fut une bonne surprise car l’autrice reprend la main. Mais chut ! [blog]. Je vous laisse découvrir ce beau roman. J’ai découvert une écriture qui m’a beaucoup plus, j’ai bien envie de découvrir ses autres romans.
D’après Babelio
Malena, c’est ton nom par Anne-Christine Tinel, aux éditions Elyzad, 315 p., 21 euros 50