À la suite d’une série d’expulsions et de ruptures diplomatiques, le Nicaragua s’isole de plus en plus de la scène internationale et poursuit sa dérive vers un régime dictatorial marqué par une répression délirante. Deux Franco-Nicaraguayennes sont en prison depuis le 13 septembre dernier. À Paris, le ministre des Affaires étrangères dit suivre de près la situation des deux femmes et avoir exprimé sa vive préoccupation aux autorités nicaraguayennes.
Photo : La Prensa
Dernières arrestations arbitraires : dans la nuit du mardi 13 septembre au mercredi 14 septembre, à Managua, la police procède à l’arrestation, à leur domicile, de Ana Carolina Álvarez Horvilleur, 43 ans et son mari, Felix Roiz, et plus tard dans la nuit, c’est au tour de Jeannine Horvilleur Cuadra, 63 ans. Toutes deux sont fille et épouse de l’économiste nicaraguayen Javier Álvarez, leader de l’opposition à Daniel Ortega, parti sur-le-champ se réfugier au Costa Rica voisin. Accusées « d’avoir porté atteinte à l’intégrité nationale », les deux femmes sont détenues dans la sinistre prison de El Chipote, ancien centre de torture sous la dictature d’Anastasio Somoza, situé dans le cœur de Managua. Les trois détenus n’ont pas d’avocat, pas le droit de recevoir un appel téléphonique et sont à l’isolement. Et peu importe que les détenues soient françaises : étant nées au Nicaragua, elles sont aussi Nicaraguayennes et cela suffit pour leur refuser un soutien consulaire.
À Paris, le ministre des Affaires étrangères dit suivre de près la situation des deux femmes et avoir exprimé sa vive préoccupation aux autorités nicaraguayennes. De son côté, depuis le 14 septembre, Javier Álvarez alerte les organisations des droits de l’homme, le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme, le Parlement européen sur le cas de sa famille.
La répression du régime de Daniel Ortega monte d’un cran vers la dictature. Après avoir arrêté au cours de ces dernières années près de 210 opposants politiques, fermé des journaux d’opposition, interdit près de 2 000 ONG, les autorités ont mis cet été un évêque en résidence surveillée et jeté en prison plusieurs prêtres. Daniel Ortega ne pardonne pas à l’Église d’avoir aidé des protestataires pendant les grandes manifestations en 2018 contre le pouvoir qui avaient fait plus de 355 morts. Aujourd’hui, ce sont les proches des personnes recherchées qui deviennent des cibles à leur tour.
Daniel Ortega, héros révolutionnaire sandiniste, devenu dictateur, a fait le ménage autour de lui. Il a imposé son clan à la tête de toutes les institutions, notamment sa femme, Rosario Murillo, devenue vice-présidente, et il a réécrit la Constitution pour que le nombre de mandats présidentiels ne soit plus limité. Ces derniers temps, il a multiplié les ruptures diplomatiques qui lui valent d’être mis à l’écart de la scène internationale. En mars 2022, l’ambassadeur du Vatican, le nonce apostolique Waldemar Sommertag a été expulsé pour avoir participé en tant que témoin au dialogue national entre le gouvernement et l’opposition politique, en vue de la réconciliation du pays et de la libération des prisonniers politiques, pour tenter de trouver une issue à la crise ouverte par des manifestations en 2018 pour réclamer la démission de Daniel Ortega et de Rosario Murillo,
En mars 2022, expulsion de Thomas Ess, chef de mission du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) sans explication. Le 30 septembre, les relations diplomatiques avec les Pays-Bas sont rompues. Daniel Ortega qualifie le gouvernement néerlandais d’« interventionniste » et de « néocolonial ». La Haye venait d’annoncer son retrait d’un projet de financement d’hôpital, faute de progrès du pays en matière de respect des droits de l’homme. L’ambassadrice des Pays-Bas, Christine Pirenne, a dû regagner aussitôt le Costa Rica, car elle est accusée d’avoir tenu « un discours piétinant la dignité » du peuple nicaraguayen.
De même, le 30 septembre, des policiers ont escorté l’ambassadrice de l’Union européenne, Bettina Muscheidt jusqu’à l’aéroport. Un représentant de l’Union européenne aurait demandé au Nicaragua, devant le Conseil des droits de l’homme à Genève (Suisse), de « restaurer » la démocratie, provoquant la colère de Managua.
Enfin, au même moment, c’est au tour du nouvel ambassadeur nommé des États-Unis, Hugo Rodríguez d’être rejeté, en raison de son « ingérence indigne, de son irrespect » après qu’il a qualifié le régime de Managua de « dictature » lors de son discours de nomination devant le Sénat. Daniel Ortega semble bien s’être lancé dans une véritable fuite en avant que personne ne semble pouvoir stopper.
Natalia MARTIN