Né en 1987 à San José, au Costa Rica, après des études de Lettres aux États-Unis, il s’est installé à Londres où il donne des cours d’écriture. Les éditions Christian Bourgois viennent de publier en français son roman Musée animal.
Photo : Editeur
Un léger et multiple mystère baigne les premiers chapitres de ce Musée animal. Le narrateur, conservateur d’un musée d’histoire naturelle, est dérangé chez lui, un soir au début du XXIe siècle, par la livraison d’un paquet, des chemises en carton, sorte de legs que lui fait Giovanna Luxembourg, une célèbre styliste récemment décédée à l’âge de quarante ans. Quinze ans plus tôt, elle l’avait convoqué pour utiliser ses compétences professionnelles et l’aider à monter une nouvelle forme de collection. Une étrange relation était alors née entre eux, pas vraiment amicale ni amoureuse, quoique peut-être…
L’ambiance mystérieuse se prolonge, la styliste est fascinée par un révolutionnaire mexicain cagoulé là-bas, dans le Chiapas, le narrateur imagine la femme s’enfonçant dans la forêt vierge à sa recherche. Pourquoi, pour quoi ? Le mystère est la base principale, le départ du récit : pourquoi Giovanna a-t-elle voulu faire envoyer cette enveloppe à notre homme ? Que peut-il faire de ces photos, de ces documents en désordre ? Quel est le message ?
L’analyse par le narrateur des documents contenus dans les chemises cartonnées devient un feu d’artifice : ça part dans toutes les directions, c’est plein de couleurs (même si les femmes ne s’habillent que de noir), de mouvements, les histoires s’imbriquent les unes dans les autres, les idées, nombreuses, se catapultent, le Georges Perec de La vie mode d’emploi n’est pas très loin. Des idées centrées autour de l’art, avec de multiples variations, l’art et la destruction, et puis aussi l’art et la justice, l’art et l’argent, l’art et la politique (le sous-commandant Marcos, du fond de sa forêt mexicaine ne serait-il pas lui-même un puissant créateur ?). La distance pleine d’élégance que prend Carlos Fonseca au long des pages donne une touche d’humour, comme par exemple ce procès très sérieux à la fin duquel la Banque de Londres est bêtement vaincue par un couple dont on ne saura pas vraiment s’ils sont des artistes ou des faussaires. Et d’ailleurs, on voit bien à un autre moment du roman qu’un banal procès correctionnel très médiatisé peut se transformer en œuvre d’art, au moins aux yeux de certains, du lecteur sûrement.
Des personnages secondaires deviennent principaux le temps d’un épisode, ils se confondent, se répondent avant de s’effacer, les histoires se rapprochent, prennent des chemins de traverse, parfois un peu longs. Au centre de tout, règne l’Art, ou plutôt la Création et sa durée, son immortalité inatteignable, encore que la question reste posée et, au centre de toute l’histoire d’une styliste à la mode et d’un obscur fonctionnaire, il y a le quincunx : cette figure de cinq points elle aussi un peu énigmatique, astrologie, mathématiques, magie, symbole philosophique…
Le nom d’Edward Hopper et un de ses tableaux sont cités dans le roman. Les ambiances qui les caractérisent, à la fois hyperréalistes et pourtant empreintes d’un subtil mystère, sont bien communes aux tableaux et au roman, preuve supplémentaire de l’universalité de la création artistique.
Christian ROINAT
America Nostra
Musée animal, traduit de l’espagnol (Costa Rica) par André Gabastou, 450 p., 24,90 €. Carlos Fonseca en espagnol : Museo animal, Coronel Lágrimas, éd. Anagrama.