César Aira est un incontournable de la littérature latino-américaine, récompensé par le Prix Formentor 2021 pour l’ensemble de son œuvre qui compte plus de 100 livres. L’auteur et traducteur argentin né à Coronel Pringles est parti vivre à Buenos Aires alors qu’il était jeune adulte et c’est dans ces rues portègnes éclairées par les étoiles que nous retrouvons son héros, Le Président, un promeneur nocturne peu commun.
Lire un roman de César Aira est toujours une bonne idée. L’inventivité est certainement le terme qui décrit le mieux cet auteur dont les récits nous surprennent toujours un peu plus. Il y a quelques années, je le découvrais grâce à son Congrès de littérature (1) dans lequel un savant fou décide d’assister à un congrès au Venezuela pour cloner le célébrissime Carlos Fuentes en envoyant une guêpe nano-technologique lui voler un peu d’ADN. Je le retrouve désormais avec Le Président. Le protagoniste de ce roman bref est un Argentin qui, d’hasard en hasard, au détour d’une énième procrastination et de sa liste à rallonge de tâches à accomplir, s’est retrouvé propulsé au sommet de l’État. Alors même que nous pourrions imaginer « un homme bien trop occupé à réunir son cabinet, à signer des décrets et à inaugurer des monuments pour faire autre chose que dormir la nuit, harassé » (2), nous découvrons que c’est tout l’inverse qui se produit nuit après nuit.
Troquant sa posture présidentielle contre la douceur de l’anonymat, le protagoniste parcourt le labyrinthe de la capitale et observe ceux dont le sort est entre ses mains, lui dont les idées sont toutes bonnes car il est chef d’État. Le secret de la nuit offre à ce président la possibilité de s’évader – lecteur avide, il a toujours rêvé de vivre les aventures des livres de sa jeunesse. Aussi, son esprit vagabonde pendant qu’il bat le pavé et dans ce flux de conscience cohabitent les préoccupations du peuple, la condition humaine et les souvenirs de sa vie avant le pouvoir.
Nous, lecteurs, assistons avec amusement à l’enchaînement des pensées d’un héros aussi concerné par sa fonction présidentielle que par l’achat de nouvelles chaussures orthopédiques. Cependant l’auteur répond à notre divertissement en déclarant ne pas avoir « confiance en l’humour » et prendre « très au sérieux [ses] inventions » (3). Quoi qu’il en soit, l’absurde est au rendez-vous pour notre plus grand plaisir. Le Président est une satire politique qui résonne en nous plus que jamais grâce à ce héros farfelu, flâneur à ses heures perdues qui sont, selon toute vraisemblance, assez nombreuses. À découvrir aux éditions Bourgois dès que possible.
Nina MORELLI
Le Président de César Aira, traduit de l’espagnol (Argentine) par Christilla Vasserot, éd. Christian Bourgois, coll. Littérature Étrangère, 128 p., 17€.
(1) Le Congrès de littérature de César Aira traduit de l’espagnol (Argentine) par Marta Martínez Valls, éd. Christian Bourgois, 110 pages.
(2) Le Président de César Aira, traduit de l’espagnol (Argentine) par Christilla Vasserot, éd. Christian Bourgois, coll. Littérature Étrangère, p. 11
(3) https://www.lanacion.com.ar/cultura/cesar-aira-yo-doy-por-terminada-mi-vida-nid09102021/