Après une semaine de marche éreintante en compagnie d’autres mineurs en grève, Elder touche au but quand il arrive enfin à La Paz, capitale du pays. Nous publions ici la critique de Velocio Club 300 suivi d’une critique parue dans Télérama. Le film est en salle depuis cette semaine.
Photo : Allociné
Arrivé déterminé, Elder s’essouffle pourtant très rapidement, pris par l’atmosphère suffocante d’une ville qui culmine à 3600 mètres d’altitude. Exact opposé du mineur habitué aux entrailles de la Terre, Max profite quant à lui pleinement de cette métropole où il possède une solide réputation de sorcier des rues. Alors qu’il est au bord de sombrer, Elder rencontre Max, au détour d’une rue. D’un simple hasard du destin va naître une amitié prête à renverser les plus hautes montagnes… Á la vision de « Le grand changement », il n’est pas interdit de penser au cinéma du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. En effet, on retrouve dans ce film, comme dans d’autres films réalisés en Amérique du Sud ou en Amérique Centrale, comme, par exemple, « La danse du serpen »t de Sofia Quirós Ubeda, cette rencontre subtile entre monde du réel et présence du surnaturel. Il n’a d’ailleurs pas été étonnant de constater que c’est en Colombie que Apichatpong Weerasethakul a réalisé « Memoria », son film le plus récent !
Toutefois, tout en étant souvent très onirique, tout en étant aussi souvent proche d’un cinéma expérimental, avec des images déformées et une utilisation très particulière du son, « Le grand mouvement » est aussi un véritable documentaire sur la Bolivie, une Bolivie en pleine évolution, partagée entre survivance du passé et modernisme, vieilles croyances impliquant le diable dans l’apparition d’une maladie face à la médecine moderne, vieilles demeures branlantes face à des habitations contemporaines.
Dans ce film tourné en 16 mm, le côté documentaire est d’autant plus sensible que les comédiens et comédiennes sont tou.te.s des non professionnel.le.s. Max Bautista Uchasara, l’interprète de Max, le réalisateur le connait depuis 2004 et il n’imaginait pas réaliser son film sans sa présence. Même si, gêné par la présence de la caméra, il a été finalement moins présent que ce qu’en attendait Kiro Russo, il lui a apporté beaucoup en lui montrant des choses qu’il ne connaissait pas, qu’il n’avait jamais vues. Film souvent déroutant, Le grand changement est une expérience cinématographique qui mérite d’être vécue.
Velocio Club 300
Selon Télérama
Vu depuis les salles françaises, Le Grand Mouvement, c’est d’abord le grand voyage. Ce film bolivien présente un visage aussi fascinant qu’inquiétant de la capitale du pays, La Paz, située à 3 600 mètres d’altitude. Le réalisateur la met en scène comme un personnage complexe, dont les premières images révèlent des traits épars, écheveaux de câbles à flanc de roche, mélanges conflictuels de nature et de technique. Au vide de certains espaces succèdent la densité, la saturation, le chaos, la misère, les foules en affaires (marchés surpeuplés) ou en colère : des mineurs arrivent après sept jours de marche pour protester contre leur renvoi. Ils sont éprouvés par leur déplacement, mais plus encore par leur vie de labeur sous terre. L’un deux, Elder, tombe malade, puis perd connaissance, et son état apparemment désespéré appelle l’entrée en scène de Max, sorcier aux allures de clochard, qui sillonne en silence la ville et la montagne environnante.
La beauté du film tient à l’alliage détonant entre l’engagement politique (pour le prolétariat supplicié) et l’esthétique majestueuse – jusqu’à une parenthèse chantée, chorégraphique, légèrement zombie. Mais aussi entre le réalisme du tableau urbain et un mysticisme s’exprimant, entre autres, par des emprunts au cinéma fantastique. Pour cette veine-là, Kiro Russo rappelle les recherches plastiques et les envolées cosmiques du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Memoria). Le natif de La Paz apporte également un sens aigu de l’instant : il donne l’impression d’inventer sous nos yeux la forme et le récit du Grand Mouvement, expérience filmique pleine de prodiges comme de promesses.
El gran movimiento de Kiro Russo. Bolivie (1 h 24). Avec Julio César Ticona, Max Bautista Uchasara.