Ce 11 septembre 2021, nous avons commémoré le terrible attentat terroriste de 2001 qui a ébranlé la puissance nord-américaine et le monde. Mais c’est aussi le 48e anniversaire d’un autre 11 septembre, celui de 1973, qui a mis fin au gouvernement démocratique du président socialiste Salvador Allende et installé une des dictatures militaires les plus féroces et sanglantes durant presque 18 ans au Chili. Elle a aussi ébranlé le Chili et secouée le monde.
Photo : Espaces Latinos
Comme toutes les années à cette occasion, les différentes organisations de défense des droits humains, d’anciens détenus et disparus ont commémoré cette journée par diverses manifestations. Il y a eu aussi des mobilisations dans les rues de la capitale Santiago où certains manifestants ont levé des barricades, mis le feu à un autobus. Les manifestants ont été réprimés par les carabiniers, donnant suite à des affrontements et des arrestations. C’est un panorama habituel lors de cette date.
Les Chiliens ont pu voir pour la première fois depuis presque 50, le mythique film documentaire La Bataille du Chili, du grand cinéaste chilien Patricio Guzmán, interdit sur les chaines de télévision. Le film fut diffusé entre le 10 et 12 septembre par la chaîne La Red. La bataille du Chili raconte l’histoire de l’Unité Populaire ayant portée le socialiste Salvador Allende au pouvoir. Le documentaire s’appuie sur les images réalisées par Jorge Müller, un jeune cinéaste séquestré avec son couple en 1974 par la triste célèbre Dina (police politique du général Augusto Pinochet), les deux figurent aujourd’hui encore parmi les disparus.
Ce film montre la première révolution pacifique d’Amérique latine, il fut filmé par une équipe indépendante qui a suivi ce processus pas à pas depuis le 15 octobre 1972 jusqu’au 11 septembre 1973. La pellicule fut sauvée de la destruction grâce à l’effort de Patricio Guzman et un de ses oncles ainsi que le soutien de l’ambassade de Suède. C’est une œuvre fleuve qui dure qui est divisée en trois parties.
Chris Marker, le grand réalisateur français de renommée mondiale (entre autres par son film La Jetée, en 1962), a joué un rôle clé pour la réalisation de La bataille du Chili. Il est allé au Chili en 1972 où il a rencontré son collègue Patricio Guzmán.
L’histoire récente de la dictature hante toujours les esprits et divise la population chilienne. Ces dernières semaines, une polémique a éclaté lorsque l’actuel général de l’armée Ricardo Martínez a assisté aux obsèques intimes de Marco Antonio Bustos Carrasco, 61 ans, victime du Covid 19. Ce dernier purgeait une condamnation de sept ans à la prison de luxe de Punta Peuco jusqu’au 23 août pour sa participation au sein de la CNI (Centrale nationale d’intelligence de la dictature), du commandement d’aviation de l’armée dans la séquestration et la disparition de cinq membres du Front patriotique Manuel Rodriguez en septembre 1987, groupe ayant tenté d’assassiner Augusto Pinochet.
Les Chiliens ont aussi appris par la presse, suite à la déclassification des archives de sécurité de l’Australie, 50 ans plus tard, qu’en 1971 le Service d’Intelligence secret de ce pays (ASIS) avait installé une station d’information à Santiago et mené des opérations d’espionnage pour soutenir l’intervention des États-Unis au Chili. La documentation met en évidence l’effort conjoint de différents pays pour déstabiliser le gouvernement de Salvador Allende renversé par le coup d’Etat du 11 septembre 1973. Ce n’est que lors de l’élection du nouveau primer australien du parti laboriste Gough Whitlam, 18 mois plus tard, qu’il a été mis fin à ces opérations.
Le 11 septembre sera toujours une date qui réveille les traumatismes de ce qui a été vécu par des milliers de Chiliens, la terrible répression, la violence extrême des militaires et le saccage de ce que fut la démocratie chilienne mais qui divise encore le pays.
Olga BARRY