Les communautés indigènes zapatistes du Chiapas, qui construisent leur autonomie depuis le soulèvement de 1994, et le Congrès national indigène, qui unit les peuples indigènes dans la lutte contre leur extermination et la dépossession capitaliste, ont décidé la traversée de l’océan Atlantique, cinq cents ans après la colonisation du Mexique. Durant quarante cinq jours ils ont navigué pour entamer une tournée dans plusieurs capitales européennes.
Photo : AP News
À bord du grand voilier « La Montaña », sept zapatistes se sont rendus à l’Isla Mujeres, située dans les Caraïbes mexicaines. Le 3 mai débute leur voyage en direction de l’Europe. Le 3 mai est le jour du Chan Santa Cruz, ville fondée par les Mayas au dix-neuvième siècle, principal bastion des rebelles mayas durant la guerre des castes. L’idée est de remonter à la conquête de l’Amérique latine par les Européens. Il y a 503 ans, le conquérant Hernán Cortés fut envoyé par le pouvoir royal espagnol à la conquête du Mexique. Le voyage des zapatistes a pour but de faire le chemin inverse du trajet effectué par les conquérants qui ont envahi le continent latino-américain, en traversant l’océan Atlantique. Il s’agit aussi de rencontrer d’autres groupes anticapitalistes et de sensibiliser le public à la situation critique des peuples indigènes.
À bord de La Montaña : Lupita, 19 ans ; Carolina, 26 ans ; Ximena, 25 ans ; Yuli, 37 ans ; Bernal, 57 ans ; Felipe 49 ans et Marijose, 39 ans. Quatre femmes, deux hommes et une personne qui ne s’identifie à aucun sexe constituent l’escadron 421. Ces volontaires ont passé six mois à préparer ce voyage qui a déjà commencé son chapitre européen. Ils sont allés dans les îles des Caraïbes pour atteindre Cuba, sont passés par les Bahamas. Ils ont découvert le matin du 11 juin le point culminant de l’île de Faial, située dans l’archipel portugais, le Cabeço Gordo. Un des bateaux des autorités portuaires s’est approché de La Montaña et a indiqué aux membres de l’équipage où ils devaient ancrer leur bateau. Peu après, ils ont été amenés à terre pour subir un test de dépistage du Covid-19. Le site de l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN) a déclaré dans un communiqué que les transactions s’étaient déroulées dans un climat bienveillant et respectueux. Dans la même déclaration, l’escadron 421 et les autres passagers ont dit qu’ils étaient joyeux, motivés, ni belliqueux ni querelleurs. Les membres de la délégation se rendront à Madrid, au Pays Basque, en Catalogne, ainsi que dans une vingtaine de pays dont la France, le Danemark, la Serbie et l’Ukraine.
L’un des objectifs de cette tournée, selon l’EZLN, est de partager les histoires mutuelles, la douleur, la rage, les succès, les échecs. Aucun calendrier n’a été fixé, le mouvement prévoit d’arriver à Madrid le 13 août, une date qui coïncide avec la chute de Tenochtitlan, il y a 500 ans. Là, ils s’adresseront au peuple espagnol « sans menaces, sans insultes, sans reproches, sans exigences, sans qu’il doive leur demander pardon » avaient-t-ils prévenu lors de l’annonce de la tournée en octobre 2020. Une telle déclaration va à l’encontre de la demande du président mexicain Andres Manuel López Obrador qui souhaitait que le roi d’Espagne et l’Eglise demandent pardon pour les abus commis lors de la conquête. Le mouvement a ajouté : « Assez de jouer avec le passé lointain pour justifier avec démagogie et hypocrisie les crimes actuels. »
Le voyage a été annoncé dès le début par le site web de l’EZLN et par les écrits signés par le sous-commandant Galeano, anciennement connu sous le nom de sous-commandant Marcos. En fait, Marcos a été le premier chef des rebelles cagoulés qui ont pris les armes pendant le mandat de six ans de Carlos Salines de Gortari (PRI), entre 1988 et 1994. Le mouvement de l’EZLN avait réussi à dénoncer les inégalités subies par la majorité de la population indigène du pays depuis près de trois décennies. En 2014, Marcos a publiquement changé d’identité. Il a adopté le nom de sous-commandant Galeano et a cédé le commandement au sous-commandant Moisés.
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