Depuis le projet de loi sur la légalisation du mariage homosexuel proposé par l’ancienne présidente socialiste Michelle Bachelet en 2017 au Congrès national, la question stagne au Chili en raison de la féroce opposition des conservateurs au Sénat. Le président Sebastián Piñera, catholique, a provoqué la surprise ce mardi 1er juin en annonçant vouloir donner un caractère « urgent » à cette question.
Photo : Movilh
Mardi 1er juin 2021. Un discours inattendu de la part du président conservateur chilien devant le Congrès : « Je pense qu’est venu le temps du mariage pour tous dans notre pays », a-t-il déclaré, insistant sur « la valeur de la liberté, ce qui inclut la liberté d’aimer et de former une famille avec l’être aimé, et aussi sur la valeur de la dignité de toutes les relations d’amour et d’affection entre deux personnes ». En date du 20 juin 2021, 29 pays autorisent le mariage homosexuel et, si le projet se concrétise, le Chili deviendrait le 8e pays latino-américain à le légaliser.
« Un tournant historique et définitif pour la droite
Pour le ‘Movimiento de Integración y Liberación Homosexual’ (Movilh), l’une des organisations LGBTQI+ les plus influentes au Chili, cette décision consacre un « tournant historique et définitif pour la droite ». Sebastián Piñera entend bien prouver que son gouvernement écoute les revendications du peuple. Cette annonce n’est cependant pas au goût des hommes politiques au sein de ses rangs, la plupart des dirigeants de la coalition étant opposés au mariage égalitaire. C’est le cas du député conservateur Guillermo Ramírez (UDI) qui parle sur Twitter d’une « trahison de la part du président » et du « divorce définitif avec une partie de la coalition ».
« Tout le Chili sait que chez ChileVamos il y a des différences concernant le mariage entre les personnes du même sexe. Le président le sait aussi, et c’est en cela qu’il est grave d’avoir occulté cette annonce. Pour beaucoup c’est une trahison de la part du président, et le divorce définitif avec une partie de la coalition »
Espoir parmi la communauté LGBTQI+
Surprise et espoir parmi la communauté LGBTQI+ chilienne, qui lutte depuis des années pour les droits des minorités sexuelles dans le pays. Déjà en 2015, celle-ci avait obtenu pour les couples du même sexe le statut légal d’« union civile » par le biais de l’Accord d’union civile (AUC). Celui-ci consacre les mêmes obligations et droits que le mariage entre un homme et une femme, mais ne permet toutefois pas la possibilité d’adopter un enfant. En reprenant le projet de loi de 2017, « toutes les personnes indistinctement de leur orientation sexuelle pourront vivre l’amour et former une famille avec toute la protection et la dignité dont elles ont besoin et qu’elles méritent », estime le président.
Reste à savoir si la scission au sein de la coalition ne bloquera pas les rouages de la machine institutionnelle. Oscar Rementería, porte-parole du Movilh, est confiant et pense que le projet devrait être approuvé par les deux chambres chiliennes – un sondage récent révélerait que 65 % des parlementaires étaient en faveur du mariage pour tous. Affaire à suivre.
Manon MILLET-MANCUSO