Le voyage de Jean Jaurès, spectacle écrit et mis en scène par Francis Fourcou. Avec Francis Azéma dans le rôle de Jean Jaurès. Juillet 1911, Jean Jaurès a 51 ans. Invité par les socialistes argentins, le grand tribun se rend en Amérique Latine pour le plus grand voyage de sa vie. Cet spectacle sera présenté ce jeudi 27 mai et il s’inscrit dans la huitième édition de la Semaine de l’Amérique latine et les Caraïbes (SALC) du 27 mai au 12 juin.
Image : Toiles d’Oc
Jean Jaurès découvre un continent nouveau, une Amérique, qui du Nord au Sud voit ses populations indiennes massacrées, une terre de violence, d’immigration, de conflits. Lors de conférences publiques il déploie sa pensée et conquiert les publics attentifs à son discours humaniste, nourri d’une immense culture historique. Les lettres de Jaurès à son épouse Louise racontant par le menu son voyage, des passages mûrement choisis de ses discours américains alternent sur la scène. La pièce restitue le verbe émouvant de Jean Jaurès relatant un voyage méconnu dont l’actualité saisira le spectateur.
La plus fameuse photo de Jean Jaurès, le visage de trois quart, nimbé d’une lumière aérienne, le regard vers des cieux lointains et désirés est celle d’un photographe uruguayen, Lamas lors de son séjour à Montevideo. Jaurès en Amérique latine ? Et comment, … ! Ce voyage appelle donc au portrait. Un portrait inédit qui croise sa parole avec le regard d’historiens contemporains sur son œuvre.
Juillet 1911, Jean Jaurès traverse l’Espagne et le Portugal en train. C’est un homme habitué aux voyages continentaux domestiques. Il ne ménage jamais sa peine pour aller soutenir une grève ouvrière, une coopérative en train de se constituer, un mouvement social qui lui tient à cœur, une section socialiste qui le convie à un discours et un banquet républicain. Sa vie est rythmée par ces voyages en train, où, il lit, écrit, réfléchit, et aussi, le temps d’une pause, il visite, là un musée de peinture, ici des amis militants qui l’attendaient depuis des années. Mais ce voyage-ci a une autre dimension. A part un court voyage à Alger en 1895, où il va forger sa conviction anticolonialiste, il n’est jamais sorti du continent européen où il sillonne les congrès de l’Internationale Socialiste forgeant année après année la stature d’un grand tribun, d’un philosophe et d’un humaniste, d’un pacifiste apprécié. La France, dans la droite ligne de sa politique coloniale vient d’intervenir lourdement au Maroc et provoque l’intervention de l’Allemagne de Guillaume II, le fameux coup d’Agadir au moment même de son voyage témoigne aussi de l’ignorance et du mépris dans lesquels étaient tenues les cultures autochtones.
En 1911, les empires chutent, ou essayent de ne pas vaciller comme le Kaiser Guillaume qui conclut des accords au Moyen Orient ottoman pour affronter la puissance coloniale anglaise et française. Après quatre jours à Lisbonne où la monarchie vient d’être renversée et où il est reçu de façon grandiose Jean Jaurès prend le paquebot pour se rendre au Brésil, en Uruguay et en Argentine. Ce sera son unique grand voyage à l’étranger. Dans les trois pays, il va prononcer des conférences publiques qui ont un grand succès.
Pourquoi ce voyage ? Pourquoi entreprend-il ce voyage dans une période si troublée où la Guerre, la sale guerre qui l’engloutira comme une sorte de première cible, rôde déjà ?
Il avait renoncé par deux fois à ce voyage en 1909, puis en 1910, bien que sollicité par ses camarades socialistes argentins. Il va accepter en 1911 pour plusieurs raisons : il veut solidairement participer à l’organisation du socialisme latino-américain au moment où les premières victimes du nouvel ordre mondial sont en train de tomber. Il veut aussi répondre à la pressante amitié de ses camarades argentins, et enfin, grâce à l’argent de ces conférences américaines, renflouer l’Humanité, son cher journal qu’il veut faire passer à six pages quotidiennes.
Jaurès va arriver dans une Amérique latine en pleine ébullition, la Révolution mexicaine est en cours, la guerre civile y commence sous l’impulsion de Zapata et Pancho Villa, et les États-Unis ont entamé leur conquête clandestine des richesses américaines. Le Honduras vient d’accepter le contrôle financier du gouvernement américain, et la mainmise d’United Fruit. En mai, le président Nicaraguayen est contraint à la démission par l’ami US qui veut contrôler les chemins de fer, la compagnie maritime et la banque nationale.
Les huit conférences prononcées à Buenos Aires en Argentine avaient été immédiatement traduites et publiées en espagnol. Jaurès y inscrit sa pensée politique dans La politique sociale en Europe et la question de l’immigration, et L’organisation militaire de la France, le rôle de la Révolution Française dans l’apparition de la démocratie ou sa pensée philosophique dans « Civilisation et socialisme ». Malgré la qualité de ces conférences, ce voyage, ce moment important de sa vie, est méconnu dans l’œuvre de Jaurès. En fait, chacun de ces textes est une contribution à sa réflexion universelle : comment bâtir une nation ? Le socialisme universel, pour lui compagnon d’une démocratie planétaire nécessaire dans ces temps de bouleversements où les migrations ont construit une Amérique Latine nouvelle. Jaurès débarque dans ce sud-américain où les peuples autochtones ont été décimés par les latifundiaires après des siècles de douloureuse conquête espagnole et portugaise. La découverte de Machu-Pichu cette même année 1911 par un archéologue américain semble transporter la présence Amérindienne dans un passé lointain.
À son départ, c’est la découverte de Lisbonne, de cette langue portugaise aux rythmes, aux sons si occitans qui le bouleverse et alimentera sa réflexion sur la culture d’Oc, lui montre les ponts avec la culture latine dont il va s’imprégner pendant le voyage de trois semaines en bateau, en lisant les auteurs latino-américains, … Lui l’homme au savoir universel, l’homme chaleureux prêt à toutes les solidarités, pressent dans ce voyage tout ce qui va être au centre des questions du Monde : l’esclavage encore si répandu, l’émigration massive, les conflits coloniaux, les guerres, le génocide des populations autochtones, et, les pressions d’un capitalisme destructeur et sans pitié qui heurtent son cœur humaniste.
Ces questions ne sont plus natives, elles sont au cœur de nos sociétés contemporaines, et ce qui fait l’actualité de notre ami Jean. Notre ami Jaurès, humaniste universel, ce pourquoi nous l’admirons, pourquoi ses valeurs sont si actuelles, si nécessaires dans nos sociétés de l’affaiblissement des liens sociaux, de la dérégulation, d’une guerre de tous contre tous, de l’atomisation des structures et des solidarités jadis conçues sur le mode politique comme les coopératives qu’il a tant défendues, au profit d’un commerce et d’échanges sans partage. Oui, ce voyage vers l’Amérique latine est d’aujourd’hui.
Comment montrer ce voyage aujourd’hui ?
Le spectacle restituera le tribun avec quelques-uns de ces discours méconnus d’Amérique latine, interprétés par le comédien Francis Azéma, lecteur régulier dans les collèges et lycées depuis plus de vingt ans du discours à la jeunesse, le fameux discours de Jaurès prononcé à Albi en 1903. Francis Azéma lira quelques-uns des discours de Jaurès dont la modernité pourrait étonner ceux qui ont oublié de le lire. Le comédien Francis Azéma, par le réalisme et l’émotion du discours donnera au spectateur l’ambiance de ce voyage si ignoré et pourtant si important dans cette vie de Jaurès, qui allait s’arrêter si vite, un soir de juillet 1914. Ce voyage, ces discours de Jean Jaurès, en 1911, témoignent, une fois de plus de l’universalité de l’homme, de son œuvre toujours d’actualité sur la question de l’éducation, de l’immigration, des droits du citoyen. Ils ont été traduits d’après l’espagnol et publiés en français en 2010.
Service de presse
Les Toiles d’Oc
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