Periode spéciale. À Cuba, c’est l’expression par laquelle on désigne la crise qui a suivi l’éclatement de l’Union-Soviétique, aggravée par l’embargo des États-Unis. C’est au cœur de cette crise que Carmelo Raneri trouve sa source d’inspiration pour raconter l’histoire cachée de Cuba : Un « mouvement Underground qui renferme en lui les expressions multiformes de l’art contemporain ». Un sujet d’actualité, par suite du décret 349 du nouveau gouvernement en 2018, qui interdit toute forme artistique indépendante. Alamar est une banlieue située à l’est de La Havane où se déroule l’histoire de plusieurs artistes. L’art, en tant qu’activité collective, croise les expériences uniques et personnelles des artistes cubains, et génère une nouvelle communauté. Des peintres, des poètes, des musiciens, des rappeurs et des graffeurs produisent de l’art malgré les difficultés rencontrées tous les jours. Même si Cuba est dévasté par la globalisation, deux événements marquent l’histoire récente du pays : la visite du président américain Barack Obama (qui se rend pour la première fois à Cuba depuis la révolution), et le concert des Rolling Stones. « Le film met en relation la façon dont le peuple cubain tente de répondre aux inquiétudes que posent l’entrée dans la nouvelle modernité », dit le réalisateur.
Carmelo Raneri, militant du mouvement d’anti-globalisation, est un documentariste qui s’intéresse très tôt à des thèmes politico-sociaux et des idées de contre-information. Il insiste sur cette volonté de raconter les événements de manière libre, c’est-à-dire en dehors de la narration fournie par les médias officiels : « Les médias comme instrument et pas comme fin ». Alors pourquoi Alamar ? Ce quartier permet d’approfondir le thème que Carmelo souhaite creuser. Avec plus de cent milles habitants, situé à l’est de la capitale, il s’agit du projet le plus important de la révolution, puisqu’il a été créé pour donner des logements aux travailleurs. Dans ce quartier, les mélanges culturels et sociaux, ainsi que l’éclectisme, ont pris pied et ont généré une forme particulière de sujet social. Certains des mouvements underground de la culture populaire des vingt dernières années, parmi les plus importants, sont nés à Alamar, surgis dans la chaleur des conditions de vie marginales où le caractère socialiste et le contexte prolétaire ont consolidé un style de vie incarnant le meilleur aspect de la révolution cubaine. L’art devient une façon de sentir et un mode d’exprimer les préoccupations. Toujours passionné par les sujets sociaux, Carmelo Raneri s’intéresse désormais aux identités des générations qui l’entourent. Lui-même appartient à la génération X (ceux qui sont nés entre les années 1960 et 1970), génération perçue comme désorientée, paresseuse, nihiliste et sans objectif. Il insiste sur le fait contraire : « Elle a volontairement choisi de rester en marge du système construit par la génération précédente (les prétendus Boomers) qui, aujourd’hui, à la lumière des événements tragiques ont investi le monde entier, système qui montre sa vraie nature, fausse et injuste, au futur dystopique ». Carmelo souhaite démontrer, toujours par le biais documentaire, qu’il existe encore une possibilité pour la génération X d’aider les nouvelles générations (les Millenials) dans la construction d’un autre monde.
Amaranta ZERMEÑO