La Cour constitutionnelle d’Équateur s’est prononcée mercredi 28 avril en faveur de la dépénalisation de l’avortement en cas de viol. C’est une victoire historique pour les collectifs féminins du pays qui luttent férocement depuis de longues années pour plus de respect des droits des femmes dans un pays plutôt conservateur et face à une succession de présidents qui n’affichent pas entièrement leur soutien à la cause de l’avortement.
Photo : Primicia
Les pañuelos verdes (mouchoirs verts), symboles du droit à l’avortement en Amérique latine, se sont agités devant une instance institutionnelle latino-américaine une nouvelle fois mercredi 28 avril dernier, et ils sont cette fois-ci venus célébrer une victoire historique pour les droits des femmes : il s’agit de la dépénalisation de l’avortement en cas de viol en Équateur. La décision a été approuvée à sept voix contre deux chez les magistrats de la cour constitutionnelle. C’est Freddy Carrion, chargé de protection des droits humains à l’assemblée générale d’Équateur, qui a prononcé ce verdict le mercredi 28 avril, témoignant de son admiration pour les collectifs féminins à qui le pays doit cette victoire. Il a à ce propos publié un tweet accompagné de l’hashtag #EsLey souvent présent dans les médias à l’occasion des rudes batailles menées par les pro-avortement, ou par les porte-parole des droits des femmes.
Cette prise de décision répond aux exigences de la Coalition nationale des femmes d’Équateur (CNFE), créée en 2014, qui avaient déclaré l’article inconstitutionnel. C’est donc un soulagement pour les collectifs de femmes engagées pour l’avortement en Équateur suite à de massives manifestations pour rendre l’avortement légal au mois de septembre 2020 à Quito à l’occasion de la journée pour l’action globale pour un avortement légal et sécurisé, journée mondiale célébrée le 28 de chaque année. « La dépénalisation est une avancée nécessaire, bien qu’incomplète. », explique la Coalition des femmes nationales d’Équateur dans un communiqué. C’est une victoire également après l’échec cuisant de septembre 2019 pour les militants et militantes lorsque le Parlement équatorien avait rejeté une loi visant à autoriser l’IVG en cas de viol ou de malformation.
Deux articles du Code pénal sont désormais considérés comme inconstitutionnels, les numéros 149 et 150, selon lesquels une femme peut avorter uniquement si sa vie est en danger ou si elle souffre de handicap mental. Jusqu’ici, la loi prévoyait jusqu’à trois ans d’emprisonnement en cas d’IVG, exception faite pour les deux cas évoqués ci-dessus. Or, en équateur, 80 % des grossesses des filles de moins de 14 ans sont dues à la violence sexuelle et six mineures en moyenne avortent chaque jour, ce qui fait que plus de 2 000 mineures accouchent chaque année dans le pays. La réalité pour laquelle se battaient et continueront à se battre les collectifs pro-avortement d’Équateur est donc bien rude.
Peut-être pourrions-nous rappeler que le combat n’est pas terminé et que les femmes équatoriennes sont encore loin d’avoir un contrôle total sur leur vie reproductive. Mais dans un pays conservateur où si peu de concessions ont été accordées par les gouvernements successifs quant aux droits des femmes et humains et où 70 % des 17,5 millions d’habitants sont catholiques – et donc propices à ne pas être en total accord avec les lois légalisant l’avortement –, cela représente un véritable pas en avant vers la démocratie, et ouvre le champ pour de possibles avancées supplémentaires. Guillermo Lasso, le candidat élu aux présidentielles équatoriennes le 12 avril 2021, qui prendra ses fonctions le 24 mai, a d’ailleurs exprimé son « total respect » envers la résolution de la Cour. Son épouse avait pourtant demandé la veille sur Twitter de prier « pour que l’avortement ne soit pas approuvé. »
Étant donné que le futur président de la République équatorienne s’était opposé à la dépénalisation de l’avortement en cas de viol au mois d’août 2019, nous pourrions exprimer des réserves quant aux possibles avancées futures pour les pro-avortements, mais peut-être l’homme d’affaires et membre de l’Opus Dei parviendra à écouter son peuple et à se montrer ouvert aux points de vue différents du sien, comme il l’avait annoncé lors de sa campagne présidentielle. Quelques jours plus tôt, en République dominicaine, la légalisation partielle de l’avortement a été rejetée par les députés via la réforme du Code pénal. Dans ce pays, l’avortement est punissable à moins d’avoir épuisé tous les moyens scientifiques possibles pour sauver la vie de la mère et du fœtus. Espérons que le combat des femmes dominicaines et équatoriennes mènera un jour à une victoire semblable à celle des femmes argentines il y a de cela quelques mois, même si le chemin est encore long.
Julie DUCOS