Un mois avant d’assumer ses fonctions, l’ancien banquier et conservateur anti-correiste s’est rendu à Bogotá, le 20 avril, pour rencontrer son homologue Iván Duque. Consolider les relations entre l’Équateur et son voisin est l’une des préoccupations majeures de Guillermo Lasso, alors que le PIB de son pays a chuté de 8 % en 2020 et que des dizaines de milliers d’immigrants vénézuéliens attendent une régularisation.
Photo : Gobierno Equatoriano
Neuf jours après son élection, celui qui va prendre la relève de Lenín Moreno a plaidé en Colombie « pour l’ouverture économique de l’Équateur au monde » et « l’admission immédiate et complète de son pays à l’Alliance du Pacifique ». Ce sont les objectifs exprimés par Guillermo Lasso lors de cette rencontre « qui vise à renforcer les relations entre la Colombie et l’Équateur à travers un engagement ferme pour la sécurité de nos habitants », a-t-il écrit sur son compte Twitter. La sécurité des citoyens de ces pays limitrophes, qui partagent une frontière terrestre de 586 kilomètres, est en grande partie tributaire de la lutte contre le narcotrafic. Cela signifie soutenir et renforcer davantage les capacités des forces spéciales postées dans la région, comme l’a laissé entendre le ministère colombien des Affaires étrangères, qui s’est félicité de la « visite de courtoisie » du président élu « afin de passer en revue les questions importantes à l’ordre du jour bilatéral et de discuter des question de développement et d’intégration des frontières », a déclaré le ministre Claudia Blum.
C’est justement la prise de position exprimée à Bogotá par M. Lasso, au sujet de la lutte colombienne contre les FARC en territoire équatorien, en 2008, qui a fait la une des journaux. À l’époque, les forces armées du pays réputé pour sa production de cocaïne bombardèrent un campement situé dans la région de Sucumbios, avec la mission d’abattre l’ex-chef des FARC Raúl Reyes et, du même coup de pratiquer des fumigations pour éradiquer les plantations des arbustes dont les feuilles fournissent la caustique et mondialement répandue farine stimulante. Or, après la réunion avec Iván Duque, Guillermo Lasso a déclaré, lors d’un entretien informel avec les journal El Tiempo et la chaîne de télévision Caracol, que son gouvernement allait reprendre le contrôle de la frontière, et que le bombardement contre Reyes sur le sol équatorien était tout à fait justifié afin de protéger l’Équateur du narcotrafic.
« Nous allons travailler étroitement avec le gouvernement colombien pour assurer la sécurité dans la région et conforter la démocratie et la liberté », a souligné M. Lasso. Les déclarations du président récemment élu visent directement la dictature vénézuelienne de Nicolás Maduro et, entre les lignes, font allusion à l’ancienne administration correiste et à l’impuissance du président sortant, Lenín Moreno, submergé par la crise économique. « Il n’y a pas de doutes que, ces derniers temps, l’État équatorien a cédé du terrain à des groupes irréguliers » a-t-il dit sur ce point particulièrement intéressant à rappeler : l’opération militaire contre Reyes avait provoqué la rupture des relations bilatérales, car pour Rafael Correa – le président équatorien à ce moment – l’entrée des forces armées colombiennes en Équateur correspondait à un délit de violation de la souveraineté de son pays. Mais si cette décision radicale peut fournir matière à réflexion (sur l’intérêt sous-jacent à la rupture des relations avec un voisin qui cherche à se débarrasser du narcotrafic), à présent, contrairement à l’ex-président réfugié en Belgique (condamné par contumace, en 2020, à huit ans de prison par corruption), Guillermo Lasso s’est montré confiant vis-à-vis de son voisin : « Il existe un accord international souscrit entre la Colombie et l’Équateur, et je suis certain que l’intention du président Duque est de respecter cet accord. »
Outre l’épineuse question du narcotrafic, le thème névralgique de cette rencontre a été la demande d’inclusion « immédiate » de l’Équateur dans l’Alliance du Pacifique (Chili, Pérou, Colombie et Mexique). Le président Lasso place ses espoirs dans l’unité régionale, et pour les concrétiser « l’Équateur est un pays qui a besoin du soutien de la Colombie », a-t-il précisé alors que son homologue se dispose à assumer prochainement la présidence pro tempore de cette institution. « Nous croyons au libre-échange, à l’ouverture économique, au libre passage des personnes, au libre transit des capitaux, des marchandises, et nous ferons tout ce qui est nécessaire pour que notre gouvernement puisse réaliser cette ouverture économique de l’Équateur. Nous le ferons avec la Colombie », a insisté Lasso.
De son côté, Iván Duque s’est montré rassurant dans ce sens. « Nous ratifions également l’engagement de voir l’Équateur comme un membre à part entière de l’Alliance du Pacifique. En ma qualité de président intérimaire […], je réitère non seulement l’intérêt mais tout l’aide de la Colombie afin que pendant cette présidence nous puissions garantir l’accès de l’Équateur », a déclaré Duque en souhaitant que la procédure de cette intégration ait lieu avant la fin 2021.En ce qui concerne l’environnement, le président colombien a sollicité la collaboration de l’Équateur pour la préservation de l’écosystème, la protection des richesses maritimes et la lutte contre la pêche illégale. Aussi, Duque attend que le futur président respecte l’engagement de son pays dans le Pacto de Leticia, dont l’objectif est l’intégration des pays qui partagent la biomasse amazonienne (Colombie, Pérou, Bolivie, Équateur, Brésil, Surinam et Guyane).
Enfin, sur l’épidémie de coronavirus, Iván Duque, en tant que membre du Foro para el Progreso de América del Sur (Prosur), a annoncé qu’il fera appel, avec Guillermo Lasso, à la communauté internationale afin de demander une distribution équitable de vaccins. Pour donner une idée, si le Portugal a déjà vacciné 95 % de sa population, la Colombie seulement 2,3 %, tandis que l’Équateur a atteint, fin mars, le chiffre dérisoire de 0,03 %.
Eduardo UGOLINI