Le gouvernement mexicain a présenté, ce lundi 4 janvier, sa nouvelle « image officielle » pour l’année 2021. La figure du Quetzalcóatl a été choisie pour commémorer « les 700 ans de la fondation de Mexico, les 500 ans de l’invasion européenne et les 200 ans de l’Indépendance ». Cet évènement, a priori insignifiant, revêt pour les autorités une symbolique forte.
Photo : Palacio Gobierno DF
Célébrant, entre autres, les 700 ans de la fondation de Mexico-Tenochtitlàn, le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador a renommé l’année 2021 « Année de l’Indépendance et de la Grandeur du Mexique ». Si les archéologues évaluent les plus anciennes constructions de Mexico-Tenochtitlán au début du XIVe siècle, le récit légendaire de la fondation de la ville rappelle que les premières installations sédentaires datent de 1325. C’est à partir de ce peuplement initial que la capitale du Mexique s’est développée. Troisième plus vaste agglomération du continent américain, Mexico regroupe aujourd’hui plus de 20 millions d’habitants.
Les cinq cents ans de l’invasion européenne
L’année 2021 marque les cinq cents ans de l’invasion espagnole. Après avoir exploré la côte est de l’actuel Mexique et découvert l’ampleur des cités précolombiennes, le conquistador Hernán Cortés se heurte à l’empire de Moctezuma II, souverain aztèque depuis 1502. Les Espagnols ordonnent la pendaison du cacique en 1519, puis font le siège de Tenochtitlán dont ils s’emparent en 1521. Depuis que les fouilles archéologiques ont révélé l’ampleur des ruines, les autorités s’intéressent à cette époque pionnière de l’histoire mexicaine. Le passage à la nouvelle année a ainsi été l’occasion rêvée de rappeler le passé éclatant de la nation, encore méconnu de nombreux Mexicain.es.
Deux cents ans d’indépendance pour le Mexique
Le Mexique prend son indépendance vis-à-vis du royaume d’Espagne le 28 septembre 1821. Sous le joug des Européens, pendant trois cents ans, la nation mexicaine n’a eu « ni volonté propre, ni libre usage de sa voix », comme le rappelle l’acte d’Indépendance du Mexique. Si le pays est aujourd’hui détaché de la tutelle européenne, ces siècles d’oppression ont laissé des stigmates encore très largement visibles. À travers les célébrations de l’année 2021, le gouvernement actuel voit donc une opportunité pour insister sur la grandeur d’une nation émancipée.
Le choix du Quetzalcóatl
La figure du Quetzalcóatl n’est pas non plus anodine. Ce serpent à plume, dont le nom vient de la langue nahuatl, est une divinité forte de la mythologie aztèque. C’est aussi un symbole artistique et religieux très répandu en Amérique centrale. Le gouvernement considère qu’il représente « l’héritage culturel » et « la grandeur des peuples indigènes ». Pourtant, le Quetzalcóatl est aussi le « Dieu tutélaire de la classe dirigeante » selon Leonardo López Luján. L’archéologue, membre du Colegio Nacional (Académie mexicaine des sciences, des arts et des lettres), rappelle qu’il représente aussi le « patron du calmecac », un établissement d’éducation réservé aux enfants nobles sous l’empire aztèque. La nouvelle image officielle du gouvernement n’est donc pas dépourvue de significations : elle représente l’élite dirigeante, et suscite par conséquent quelques oppositions.
L’édification d’un récit national ?
Selon l’écrivain mexicain Héctor Aguilar Camín, le gouvernement fédéral tente d’établir un « récit national qui lui donne raison » et qui justifie sa vision du présent en la considérant comme une « extension logique du passé de la nation ». En effet, le cabinet présidentiel d’Andrés Manuel López Obrador n’est pas le seul à célébrer l’évènement : la municipalité de Mexico a aussi changé son image officielle au profit du Quetzalcóatl. Une station de métro de la capitale a même été renommée « Zócalo Tenochtitlán » en hommage à l’ancienne cité aztèque. Si les autorités profitent de cet évènement médiatique, il n’en va pas de même pour la communauté d’historiens, qui critique et désapprouve la politique du gouvernement. En effet, aucune des trois dates retenues ne serait exacte. Selon certains auteurs, le leitmotiv « les 700 ans de la fondation de Mexico, les 500 ans de l’invasion européenne et les 200 ans de l’Indépendance » ne serait qu’une mascarade. Malgré ces réticences, de nombreuses célébrations sont déjà prévues. Si la situation sanitaire s’améliore, l’année 2021 promet d’être festive… Affaire à suivre.
Pablo GONZALEZ