À presque un mois de l’anniversaire du putsch contre Evo Morales après les élections de 2019, son parti MAS (Movimiento al socialismo) remporte une victoire historique lors des élections du dimanche 18 octobre. Le candidat Luis Arce s’impose face à ses rivaux avec une marge de presque 25 %, ce qui lui donnerait une victoire au premier tour.
Photo : Radio Bicentenario
Ce dimanche, après neuf heures de suffrage, les Boliviens se sont couchés dans l’incertitude des résultats des élections. Le Tribunal Suprême Électoral (TSE) avait, en effet, annoncé le samedi qu’il n’allait pas utiliser le système de décompte rapide et donc qu’il n’y aurait pas de résultats préliminaires comme d’habitude, afin d’éviter les tensions auprès de la population. Ce fait a été vivement critiqué par Evo Morales, qui affirma que ne pas donner les résultats préliminaires était très irrégulier.
Au moment de la rédaction de cet article, l’Organe Électoral Plurinational (OEP) compte plus de 86 % de votes enregistrés, et les candidats du MAS, Luis Arce et David Choquehuanca se trouvent en tête avec plus de 54 points (c’est-à-dire avec presque 3 millions de votes en leur faveur). Cependant, Carlos Mesa, le candidat centriste de Comunidad Ciudadana (CC), reste en deuxième position avec moins de 30 points (c’est-à-dire avec un peu plus de 1,5 millions de votes). Selon la loi bolivienne, un candidat a besoin d’une marge d’au moins 10 points pour gagner l’élection au premier tour. Avec ces chiffres, Luis Arce aurait 25 points en avance, donnant une victoire définitive au MAS.
À travers Twitter, Jeanine Áñez, présidente de facto, a reconnu la victoire de Arce en annonçant : « Nous n’avons pas encore de résultat officiel, mais par les données que nous avons, M. Arce et M. Choquehuanca ont gagné les élections. Je félicite les vainqueurs et je leur demande de gouverner en pensant à la Bolivie et la démocratie. » Par ailleurs, le troisième candidat, le Crucénien Luis Fernando Camacho, issu du Comité pro-Santa Cruz (institution de renommée fasciste), qui lors du coup d’État est entrée au Palacio Quemado (Palais du gouvernement bolivien) pour poser sa Bible ouverte au sol et annoncer que « Plus jamais la Pachamama ne reviendra au Palais du gouvernement », est montré dans des vidéos qui circulent à travers les réseaux sociaux, en pleurant, marquant une claire reconnaissance de sa défaite. Camacho fut aussi un des principaux acteurs du coup d’état de novembre dernier (et parmi ceux qui appelaient le plus à la violence). Après que l’Organisation des États Américains aurait faussement accusé le parti de Morales de fraude[1], Camacho fut un des premiers à se soulever.
Luis Arce affirme, de son côté, que même si le MAS remporte les élections, c’est lui qui va gouverner, et pas Morales : « Si Evo veut nous aider, il sera très bienvenu mais cela ne veut pas dire qu’il sera dans le gouvernement ». Arce est vu comme l’architecte des réformes qui ont permis l’essor économique de la Bolivie. En étant ministre de l’Économie et des Finances, il a développé le marché interne du pays et a promu des politiques d’industrialisation des ressources naturelles, ce qui a abouti à une diminution de l’inflation et de la pauvreté. D’autre part, parmi les propositions de campagne, Arce annonce qu’il va défendre les entreprises de l’État, les ressources naturelles et qu’il travaillera pour revenir au taux de croissance que le pays a connu lorsqu’il était ministre.
Avec une victoire dans l’exécutif, et ayant une majorité dans les deux chambres du Parlement bolivien, le nouveau gouvernement masista pourra inverser les politiques néolibérales que le gouvernement de facto de Áñez avait remis en place, tel que le perdonazo tributario, une amnistie fiscale traditionnelle pour les plus riches. Ce perdonazo consiste à annuler toutes les dettes fiscales des élites lors de l’arrivée d’un nouveau président. Les élites, selon Pablo Mendieta Ossio (directeur du Centre d’économie de la Chambre de l’industrie, du commerce, des services et du tourisme de Santa Cruz) ne se plaignent pas des impôts en eux-mêmes, mais des contrôles fiscaux (amendes et dettes fiscales) qui se sont intensifiés sous les années Morales.
Nicolás BONILLA CLAVIJO
[1] https://cepr.net/press-release/major-coding-error-reveals-another-fatal-flaw-in-oas-analysis-of-bolivias-2019-elections/