Les éditions du Cerf publie un ouvrage sur la civilisation maya écrit par un spécialiste international des mondes mésoaméricains. Professeur émérite d’archéologie précolombienne à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste des Mayas, Éric Taladoire est sur ces sujets l’auteur de publications savantes et d’ouvrages plus accessibles à un public averti. A leur intention, il apporte des éclairages sur une civilisation dont l’essor remarquable fut tardivement découvert. L’ouvrage fait un point chronologique des recherches mayanistes.
Photo : Cerf
Le panorama des découvertes sur les Mayas va du XVIe siècle au XXIe siècle, et privilégie une vision globale au-delà des frontières nationales tracées « à la règle ». Cette synthèse porte sur une civilisation, longtemps méconnue, d’une grande diversité culturelle et linguistique et sur un immense territoire qui couvre le nord du Mexique, le Bélize, le Guatemala, les marges du Salvador, du Honduras et du Nicaragua, soit près de 1 000 000 km². Les questions abordées par l’ouvrage sont clairement posées dans le prologue mais les réponses restent encore problématiques. De nombreuses anecdotes émaillent le propos directeur et ont l’intérêt d’indiquer le cheminement difficile des recherches au milieu d’embûches idéologiques, institutionnelles, financières, matérielles. On le sait, l’archéologie est souvent sous emprise politique.
Comment est née cette civilisation après le silence de deux siècles suivant la conquête espagnole ? Que sait-on de leur histoire, de leur culture ? Comment fonctionne la pensée maya ? Bien que contemporaines, « comment deux branches de l’humanité, le Nouveau et l’Ancien Monde, ont-elles pu évoluer simultanément et indépendamment et développer des civilisations complexes, si semblables et si différentes ? ».
Après le temps des pionniers plus ou moins perspicaces, c’est au XIXe siècle que des progrès continus sont constatés dans l’exploration de la civilisation maya, dans le Yucatan en particulier. Les chercheurs français, très présent alors, sont reliés à divers auteurs que l’on n’attendait pas là : Eric Taladoire note en passant, « l’interaction fréquente entre chercheurs, écrivains et artistes ». Il nomme Victor Hugo, Chateaubriand, Lamartine, George Sand, Delacroix. Avant le XIXe, la civilisation aztèque « écrase » les autres aires culturelles, au point que des parties de manuscrits mayas (le « Codex de Dresde ») sont encore désignées par Alexandre von Humboldt, en 1810, comme aztèques.
L’essor de la recherche sur les Mayas
Au début du XXe siècle, la recherche sur les Mayas prend son essor et elle n’est plus l’œuvre d’explorateurs français mais d’archéologues, historiens, linguistes, anthropologues allemands, britanniques, américains et, pour la première fois, mexicains. Les recherches débouchent dans les années 50 sur la construction d’un cadre méthodologique et théorique qui va longtemps orienter les recherches futures. Les apports principaux portent sur l’adoption du concept d’aire mésoaméricaine et sur un cadre chronologique stabilisé. Les premières grandes civilisations (Olmèques) datent de 2000 à environ 300 après J-C. « Le Classique, entre 300 et 900, correspond à l’apogée des Mayas » défini à partir des dates enregistrées sur des monuments mayas sculptés. Les Mayas ont pu être qualifiés de « Grecs du Nouveau Monde ». Au fil des découvertes récentes, les séquences chronologiques mayas sont revues. 1696 serait la date de la capitulation de la dernière cité maya indépendante.
Dans les années 60, le retour des Européens, en particulier des Français, avec la Mission Archéologique et Ethnologique française au Mexique diversifie les terrains de recherche et comble des lacunes par la fouille de groupes résidentiels, enregistrent sites et monuments et les protègent du pillage archéologique qui fait la fortune des marchands d’art et des collectionneurs. On le sait, la voracité des spéculateurs se porte aussi sur les objets archéologiques.
Les quatre décennies écoulée sont riches pour les recherches étendues au Belize (indépendant depuis 1981) et, au Guatemala moins strict que le Mexique sur les autorisations de fouilles. De très nombreux travaux de terrain portent sur les techniques agricoles, les réseaux de canaux, la pisciculture, l’élevage…
La cosmogonie maya est matérialisée dans de nombreux sites et sous des formes multiples : les pyramides de Palenque et Tikal donnent à lire les niveaux de « l’Inframonde » où descendent les morts. Les sépultures royales surmontées de temples unissent l’inframonde, la terre et le ciel ; les stèles renvoient à l’arbre sacré. La présence d’animaux sur les monuments sculptés prend un sens grâce aux travaux ethnographiques qui se multiplient et permettent des avancées dans la compréhension de la pensée maya.
L’auteur souligne combien la prolifération des recherches de terrain s’est accompagnée d’une diversité d’écoles de pensées et de « chapelles » et ont nui à un travail plus constructif. Eric Taladoire le déplore : le travail de synthèse scientifique souhaitable reste difficile à effectuer aujourd’hui. Du moins, les fouilles, études et publications qui prolifèrent à l’envi feront-elles le miel des générations futures de chercheurs.
Cet ouvrage est une balise utile pour les amateurs éclairés d’une culture disparue et redécouverte qui passionne tant et interroge sur l’aube et le crépuscule d’une civilisation. L’ouvrage manque de cartes mais comporte une abondante bibliographie des travaux internationaux.
Maurice Nahory
Eric Taladoire, L’AVENTURE MAYA, Découvertes du XVIème au XXIème siècle– Les éditions du Cerf, 2020.24€)