Le festival se tient à Lyon depuis 2003. Humanité, dialogues, écoute,citoyenneté, proximité : ces mots disent une confiance, une éthique de respect, d’engagement et de responsabilité pour faire vivre ce qui est bien pour l’humain et nous raconter demain. Du 3 au 5 juillet prochain.
Photo : Dialogues en ligne
La crise engendrée par le Covid-19 lance un défi aux organisateurs : maintenir aux mêmes dates une édition mondiale virtuelle du programme avec des liens vers des agoras, ateliers du sensible, témoignages croisés, événements qui seront indiqués sur le site du festival.
Comment sont organisées les activités du festival ?
Chaque année, les propositions sont articulées aux événements se déroulant à Lyon, eux-mêmes reliés à des enjeux qui concernent tout le monde, ici et ailleurs: égalité filles/garçons, environnement et changement climatique, santé publique… ces questions et d’autres sont présentes dans les ateliers, les agoras, les témoignages, les rencontres sous les arbres du parc de la Tête d’Or. Par exemple, l’actualité nous a permis de valoriser ce qui se passait à Lyon en 2019 : la Coupe du monde féminine de football, le Congrès européen d’astrophysique et des sciences spatiales en juin. Nous nous appuyions sur celles qui proposaient et s’engageaient : pour une reconnaissance du football féminin, pour des actions qui préservent la Terre que nous habitons. Ce n’est pas les Dialogues en humanité qui se valorisent : on met en scène ce qui se fait.
Dans le programme 2020, les pandémies et les biens communs universels comme la santé publique seront au programme. En pleine situation de crise du coronavirus, avant le confinement, nous avons rencontré à Villefranche-sur-Saône, accompagnés d’un chorégraphe, les 80 délégués de classe du lycée Louis Armand et leurs équipes pédagogiques. Les grands enjeux sont toujours abordés à partir de questions concrètes qui surgissent d’ateliers organisés avec les jeunes. On part de ce qui compte pour eux. Par exemple, les danses urbaines ont une place dans le festival à Lyon et attirent les jeunes et les associations des quartiers.
Dialogues en humanité est une organisation internationale, un réseau, un mouvement ?
C’est une organisation informelle, locale et globale, de personnes qui sont, avec leur vécu, dans l’action sur leurs territoires, et qui ont besoin de se relier. Ce n’est pas une organisation car ce n’est jamais acquis, c’est juste possible. Des personnes s’emparent de la méthode, de ce qu’ils ont vu et vécu et font vivre dans leur territoire des dialogues en humanité. Je crois que la diversité des lieux et des collectifs dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, en France, en Inde, au Brésil, en Afrique, donne de la force à ce que l’on peut appeler un mouvement.
Au fil de vingt éditions internationales, des ambassadeurs se sont levés un peu partout dans le monde. Cette dimension internationale n’en fait pas pour autant un réseau international. On ne représente pas les nations bien que l’Unesco et les agences des Nations Unies aiment beaucoup travailler avec nous et, d’une certaine manière, se légitimer. Chaque année nous bénéficions du label Unesco. Sont présentes à nos côtés des personnalités appartenant à des univers différents : savants, hommes d’État, intellectuels, artistes des cinq continents, encore vivants, qui ont fondé en 2002 le Collegium international éthique, scientifique et politique : Stéphane Hessel, Michel Rocard, Henrique Cardoso, Milan Kundera, Edgar Morin, en faisaient partie.
Quand ce mouvement est-il né ?
Né en 2002, la même année que le Collegium, la première édition des Dialogues en humanité s’est déroulée en 2003. Pendant trois jours, au Couvent de la Tourette à Éveux, près de Lyon, y participaient Catherine Trautmann, Stéphane Hessel, Patrick Viveret, Henryane de Chaponay et bien d’autres comme le Brésilien Chico Whitaker, cofondateur du Forum social mondial de Porto Alegre. Après cette première édition, on a fait des dialogues en humanité en relation avec le Conseil du développement et de la prospective de la Métropole de Lyon. Depuis 2006, nous sommes dans le parc de la Tête d’Or après avoir été accueillis dans les salles gratuites que la municipalité mettait à notre disposition.
Comment vivent les Dialogues en dehors du temps des festivals ?
À différents moments de l’année, une série événements ont lieu en France, en Inde (depuis 2009) près de Bengalore, au Brésil, en Afrique, en Europe, aux États-Unis (Boston et Seattle). Tout se fait en open source. Personne n’est propriétaire, il n’y a pas de centre et de périphérie. Les coopérations et les croisements internationaux se font du Nord au Sud, du Sud au Sud, du Sud au Nord. L’information réciproque, l’accompagnement, le soutien des initiatives ont lieu selon des modalités et dans des formats divers : une rencontre par mois à Lyon, une rencontre par mois à Paris et des échanges internationaux le premier dimanche de chaque mois, par visioconférence, Whatsapp, Skype ou Frama.
Des Dialogues ont-ils lieu en Amérique latine ?
Henryane de Chaponay a été un des piliers des Dialogues. En 1975, avec Paulo Freire et d’autres, elle a fondé le Centre d’étude du développement en Amérique latine (CEDAL). La Fondation Beija Flor, qu’elle a fondée, soutient des projets de développement durable innovants en Amérique latine. Avec plusieurs ambassadeurs des Dialogues en humanité, elle, Chico Whitaker et Danielle Mitterrand ont participé aux Forums sociaux mondiaux (FSM) au Brésil. Il y a un lien historique entre les FSM et les Dialogues en humanité qui se sont déroulés à Salvador, Río, Itaipu. D’autre part, nous avons accueilli des stagiaires du Pérou, de la Colombie, du Chili, de l’Argentine.
Quelles traces les dialogues laissent-ils pour rendre compte, inspirer, donner à penser et à agir ?
Il y a les évaluations, la dimension quantitative et les préconisations pour plus de quantitatif. Des évaluations externes sont faites car un regard tiers est précieux pour justifier l’emploi de deniers et l’usage de domaines publics. D’autre part, des journalistes et des scientifiques écrivent des articles, des bénévoles font des verbatim, des cinéastes réalisent des documentaires et toutes les agoras font l’objet d’enregistrements sonores. Enfin, des chapitres d’ouvrages parlent des Dialogues en humanité, tels celui de Ivan Malt-chef sur les nouveaux collectifs citoyens ou le Manifeste des convivialistes dont Patrick Viveret est, avec Edgar Morin, un des initiateurs. Le projet des Dialogues en humanité est de considérer la question humaine, et sa difficulté, comme une question politique de première importance. Le programme 2020, toujours construit avec des centaines de partenaires régionaux, nationaux et internationaux, continue de s’attacher à cette option philosophique, politique, éthique en la déclinant ses trois axes : « Dites à l’avenir que nous arrivons ! », « Prenons soin de chaque humain », « Ouvrons de nouveaux horizons ».
Propos recueillis par
Maurice NAHORY
(1) Cf. La charte Dialogues en humanité est proposée par un collectif d’initiateurs de Dialogues dans le monde.
(2) dialoguesenhumanite.org : informations au fur et à mesure que les salles de réunions virtuelles seront connues.
(3) Son livre phare est Pédagogie des opprimés, qui expose ses idées relatives à l’alphabétisation, à l’éducation des adultes et l’aspect politique de l’éducation.
(4) Les nouveaux collectifs citoyens : Pratiques et perspectives (Français) Broché 6 juin 2011 de Ivan Maltcheff (Auteur), Patrick Viveret (Préface).
(5) Les tâches d’un mouvement convivialiste ? Patrick Viveret, dans Revue du MAUSS 2014/1 (n° 43), pages 25 à 30.