Mère célibataire de sept enfants, Dolores Reyes occupe un poste administratif dans une école primaire de Pablo Podestá, une petite commune de la banlieue de Buenos Aires. Fin 2019, elle a fait une entrée remarquée en littérature avec Cometierra, véritable best-seller en Argentine. Une traduction française de son roman paraîtra prochainement aux éditions de l’Observatoire en France.
Photo : Revista Arcadia
Dans le quotidien argentin Página 12, Ivana Romero commente : « Cometierra plonge le lecteur dans un univers sombre, fascinant, qui nous frappe parce qu’il résonne avec l’époque actuelle ». Cet univers, c’est celui d’une adolescente qui vit avec son frère Walter dans un quartier périurbain de la capitale argentine. Leur père est aux abonnés absents, et leur mère, morte. « Reyes connaît le monde dans lequel vivent les jeunes de son quartier, leurs peurs et leurs rêves : dans son livre, ce sont eux, ces ados au sang chaud, qui portent l’intrigue », note Paula Conde dans le quotidien argentin Clarín.
La jeune protagoniste découvre qu’elle a un don : lorsqu’elle mange un peu de terre qui a été au contact du corps d’une personne, elle a des visions. Elle voit où se trouve cette personne, si elle est vivante ou morte et ce qui lui est arrivé. C’est ainsi qu’elle a appris que sa mère avait été battue à mort par son père. Très vite, le secret de l’adolescente s’ébruite et on la surnomme la « cometierra » (« mangeterre ») dans le voisinage. Devant sa porte viennent s’amonceler des bouteilles contenant un peu de terre et un numéro de téléphone, déposées là par ceux qui ne supportent plus de ne pas savoir ce qu’est devenue leur mère ou leur fille. Parce que les disparus sont presque toujours des femmes : enlevées, violées, assassinées.
Avec Cometierra, Dolores Reyes aborde frontalement la question du féminicide, l’écriture du livre ayant d’ailleurs coïncidé avec l’essor du mouvement « Ni una menos » (« Pas une de moins »), né à Buenos Aires en 2015 pour dénoncer les crimes machistes. Mais plus que la violence faite aux femmes, c’est la complaisance des autorités que condamne la romancière. « Comme dans la plupart des polars argentins, la résolution des affaires criminelles n’est pas confiée à la police, aux enquêteurs ni aux juges, mais à un autre type d’acteur. Une voyante, dans ce cas-ci », pointe l’Argentine Mar Centenera, correspondante à Buenos Aires pour le quotidien espagnol El País.
D’après Books