En Colombie, le confinement a été décrété puis mis en place le 24 mars dernier par le président Iván Duque. Il sera de vigueur jusqu’au 11 mai prochain, et jusqu’à la fin du mois pour les personnes de plus de 70 ans. Peu à peu, des citoyens ont accroché des drapeaux rouges à leurs portes et fenêtres. Dans ce pays très inégalitaire, ils alertent ainsi le gouvernement sur leur précarité alimentaire.
Photo : Primera Hora
Selon l’université John Hopkins, référence pour les statistiques liées au coronavirus, la Colombie compterait 7 668 cas pour 340 décès liés au coronavirus. Ces chiffres sont néanmoins à mettre en relation avec les faibles capacités de tests disponibles et effectués sur la population. Aujourd’hui, une part plus importante de la population aurait été confrontée au virus. La Colombie est un territoire à risque, avec 1,7 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants. La moitié de la population colombienne vit de l’économie informelle. Quand les habitants ont été obligés à rester chez eux, nombre d’entre eux se sont retrouvés sans revenus. Iván Duque avait pourtant annoncé qu’il viendrait en aide à toutes les personnes dans le besoin. Faute de moyens et de recensements précis, l’aide se fait rare. La colère monte, tout particulièrement dans les quartiers pauvres de grandes villes comme Bogotá et Medellín.
Pour la Colombie, qui a rejoint l’OCDE ce 28 avril, le chemin vers une société plus égalitaire est encore long. En effet, les drapeaux rouges, qui se font de plus en plus nombreux, rappellent que même si le pays fait partie des plus influents d’Amérique latine et que nombreux de ses indicateurs sont dans le vert, beaucoup de gens y vivent dans la précarité.
Ce que met en évidence cette pandémie, c’est la capacité d’un État à mobiliser ses ressources afin de protéger son peuple. Dans la ville de Bello, en périphérie de Medellín, les drapeaux rouges se multiplient. Pour beaucoup des concitoyens, l’État n’est pas à la hauteur. Les gens manquent de nourriture mais aussi de protections et de sensibilisation aux gestes barrière. Les habitants sont souvent pointés du doigt pour leurs comportements qui vont à l’encontre du confinement le plus strict. Mais dans cette situation, les gens ne peuvent tout simplement pas s’isoler chez eux. Beaucoup d’entre eux vivent au jour le jour, ce qui signifie sortir pour se procurer de la nourriture quotidiennement.
Dans ce contexte, les drapeaux rouges se sont imposés comme message politique. Le rouge présent sur le drapeau de la Colombie symbolise le sang versé par les patriotes sur les champs de batailles afin d’arriver à l’indépendance et la liberté. Dans ce contexte, le message est clair : le peuple vit avec la faim.
Pendant ce temps, les communautés indigènes recensent une forte hausse de la déforestation. La violence entre groupes armés augmente. De nombreuses personnes et leaders sociaux continuent de disparaître. Les violences policières liées au respect des mesures prises par le gouvernement sont en hausse. La Colombie va sortir très difficilement de cette crise. Est-ce le temps de repenser les politiques publiques afin que cette situation ne puisse se reproduire ? De favoriser le développement local ? Quelle place la solidarité prendra-t-elle ? Comme beaucoup de pays dans le monde, la Colombie devra trouver des réponses à ces questions. Malheureusement, les déclarations d’Iván Duque, qui veut remettre en place le monde d’avant le plus vite possible, laissent entendre que ces questions ne font pas partie de ses préoccupations.
Étienne FAIVRE